6 janvier 2010

L'oiseau, le patin et le Taï Chi


Fendre l’air sur une glace en hiver est mon pur bonheur.

C’est ce qui me rapproche le plus de voler. Je donne un coup de patin et je me propulse sans effort cinq mètres plus loin. Je m’imagine tel un grand oiseau planant dans le ciel; quelques battements d’ailes judicieux lui suffisent pour se maintenir et se mouvoir sur sa patinoire inversée.

C’est un art de l’effort sans effort. L’esprit de ce que les Chinois nomment le « wei wu wei ». Agir sans agir, sans se crisper, sans tomber dans l’impatience et la brusquerie. Chez certains sportifs de haut niveau, on dit parfois : « entrer dans sa bulle ». Mais ce n’est pas un état de fermeture, plutôt un d’ouverture. Comme un état de conscience de 360 degrés.

Le dos bien droit, une poussée vers la gauche puis une vers la droite, les bras se balançant avec légèreté, et mon corps oubli sa pesanteur, son obsession de la gravité.

Il y a un subterfuge dans l’art de s’envoler sur la glace. Le même que je retrouve dans les mouvements du Taï Chi. Pendant que je m’évertue à poser une suite de balancements, de virevoltes avec équilibre et grâce, le silence s’infiltre tout doucement dans ma tête, dans mon cœur. Je touche du doigt un bonheur simple qui efface d’un trait certaines appréhensions inutiles, ces angoisses jugées nécessaires, les soucis de bon aloi.

Il y a un grand subterfuge…

J’y vois une allégorie de la vie : l’art de patiner sur une glace fragile.

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