25 octobre 2009

La clé des champs


En sortant d'un restaurant, il y a quelques années, une dame tourmentée m'aborda brusquement. Elle me demandait de l'aide, car, m'expliqua-t-elle, elle avait utilisé une mauvaise clé pour faire démarrer sa voiture. J'étais curieux de savoir comment elle s'y était prise et je m'assis alors devant le volant de son auto en lui disant que j'allais essayer de faire mon possible pour la dépanner.

Je me retenais un peu pour ne pas rire. Il y a avait effectivement une clé dans le démarreur, mais elle ne servait à rien, et elle était coincée d'aplomb. La dame me montra la bonne clé qu'elle avait dans ses mains, et j'entrepris alors d'extirper l'indésirable sans la questionner davantage.

Après avoir "zigonné" plusieurs minutes, je réussis à sortir l'intruse de sa fâcheuse position. La dame se confondit en excuses, me remercia chaleureusement puis reparti, la bonne clé à la bonne place.

Cette histoire de clés m'a longtemps troublé. Elle nous relie à l'art de voir et de connaître, à l'art aussi de pénétrer un problème, ou encore de nous diriger vers une nouvelle façon de penser ou de faire les choses.

Nous pouvons aisément utiliser le même trousseau à clés jusqu'à notre mort. Il servira fidèlement tant et aussi longtemps que l'habitude et la routine concourront à réguler notre vie. Cependant, je ne suis pas certain de la qualité et de la quantité d'apprentissages engrangés de cette manière.

Mark Twain disait :"Ce n'est pas tout ce que les gens ignorent qui pose problème; c'est tout ce qu'ils savent et qui n'est pas vrai."

Arrive un jour où il faut peut-être penser à faire le ménage dans nos clés. À laisser tomber celles qui sont devenues obsolètes, à s'en approprier de nouvelles; jusqu'à les forger nous-mêmes pour les utiliser à des fins uniques.

Voir et connaître est précieux. Se détacher aussi. Nous avons sans doute en horreur les eaux froides et abyssales des changements profonds. Rien de plus normal. Nous aimons croire à la solidité de nos certitudes. Sauf que ce confort relatif nous retient d'envisager l'inconnu avec sérénité.


23 octobre 2009

"Into the Wild"


"Non les braves gens n'aiment pas que / L'on suive une autre route qu'eux"
Georges Brassens


Dans son merveilleux film "Into the Wild"(Vers l'inconnu), Sean Penn raconte l'histoire d'un jeune homme qui, après ses études universitaires, décide de tout quitter pour tenter l'aventure et aller s'installer dans la grande nature en Alaska. Tiré d'un fait vécu, cette histoire nous dévoile les différentes péripéties qui conduisent l'individu à délaisser parents, amis et amours possibles rencontrés sur la route. Il brise tout lien et bientôt il se retrouve seul dans un camp rudimentaire dans son Alaska mythique. Son seul désir est alors de ne faire qu'un avec la grandeur, la beauté, la vérité et le silence de la nature. Il devient une sorte d'ermite. En manque de nourriture, il cueille un jour des fruits toxiques qui l'empoisonnent. Il cherche à s'en retourner vers des secours, mais il en est incapable. Son paradis se change bientôt en enfer. À la toute fin, il note dans un livre cette phrase lourde de sens : "Le bonheur n'existe que s'il est partagé."

Comment concilier partage (de bonheur, d'intérêts, de vérités, etc.) avec l'autre tout en ne renonçant pas à sa vrai nature et à aller au bout de soi pour se réaliser pleinement ? Un pont est à faire, mais comment ? Est-il seulement possible ? Cette poursuite d'authenticité et d'idéal est-elle soluble dans le bouillon gras de la société, peut-elle se fondre harmonieusement avec elle ?

Je pense que non. Mais il faut persister, quoi qu'il arrive...

Lorsque nous avons le sentiment de toucher, ne serait-ce que partiellement, une vérité ou un sens à cette vie, le réflexe normal n'est-il pas d'en discuter et le partager avec l'autre qui nous entoure ? Mais est-ce que le fardeau d'être entendu et compris incombe uniquement à celui qui communique ?

Je n'ai pas de réponses à ce questionnement.

Nous pouvons être très sévères et critiques envers nos proches, nos amis. Mais peut-on les obliger à nous comprendre ou à se mettre constamment à notre place ? Nous devons clarifier, partir de leur connu. Vient cependant un temps où un arrêt doit se faire au risque de perdre, de tout perdre de ces liens. Car nous ne sentons aucun effort.

À certains moments, la solitude me semble un passage obligé...

L'ignorance

"Nous ne dirions pas mieux les choses si nous étions collectionneurs férus de tous les mots connus des dictionnaires. Nous ne dirions pas mieux les choses, même en possédant tous les diplômes des universités de la terre. Nous ne dirions pas mieux les choses, à moins qu’elles ne soient saluées au passage par tout le respect dû à notre ignorance."

19 octobre 2009

"Légende d'automne"




Par chance, l'automne existe pour nous aider à transiter. Un prélude à une mort saisonnière.Une sorte de tampon haut en couleurs et en températures riches et variées avant le retour du grand blanc et de la grande froidure qui se profilent déjà tel un fantôme...

16 octobre 2009

L'enfance de l'art

"Qu'a t-il de si grand, de si beau ce sourire d'un enfant âgé d'à peine quelques mois ? Qu'a t-il en lui qui l'amène à produire ce formidable étalage de lumière et d'intelligence ?"

Le troupeau aveugle

"Je ne pourrais mieux imaginer l’enfer que sous les traits d’un palace où un attroupement de geignards vivent dans la peur continuelle de perdre ce qu’ils n’ont jamais gagné par leur seul effort et leur seul courage."

Bonheur factice

"La voie la plus sûre pour être malheureux est d’écouter ceux qui prétendent nous conduire au bonheur."

14 octobre 2009

Rivière de la poésie

"On ne sait pas ce qu'est la poésie. On sait juste que c'est donner son sang aux anges qui passent"
Christian Bobin, Une bibliothèque de nuages.



La ville de Trois-Rivières a le gros orteil plongé dans le fleuve Saint-Laurent et la tête appuyée sur la Saint-Maurice. Aussi bien dire une ville d'eau. Mais elle cache aussi une particularité unique.

À Trois-Rivières les murs des maisons et des édifices ont des oreilles, et aussi des bouches. Et quand des murs viennent qu'à parler, c'est que quelque chose d'important se passe. Un Festival International de la Poésie, par exemple...

J'ai parcouru la "capitale de la poésie" pour sa 25e édition et voici un petit compte rendu de ce que nous pouvons lire un peu partout sur des affiches placardées à plein d'endroits judicieux de la ville.

"Tant que j'étais là près de toi - Dans cet habitacle - Je tenais l'éternel."

"C'est une langue qui n'existe pas encore - Celle dans laquelle se parlent les amoureux - Et qui fait qu'à cet instant nous comprenons."

"Qui ne s'est pas une fois dénudé en face de la mer - Ne sait pas ce qu'est d'aimer sans masque."

"C'est dans ce nid de froment et d'étoupe que je me recommence."

"Toi et moi, îles dans la ville, sous la pluie, mis au monde."

"Une seule caresse d'elle levait un voilier d'outardes dans mes jambes."

"Vous allez à la vérité par la poésie et j'arrive à la poésie par la vérité."
Joseph Joubert (Carnets t.2, p.495, nrf/Gallimard, 1994)



13 octobre 2009

Les notes d'une même musique

Ne cède pas aux violences de l'imagination, qui font naître l'envie, le mépris, la colère. Sois en paix avec toi-même, et les autres s'accorderont à toi comme les notes d'une même musique.
(
Préceptes de vie issus de la sagesse amérindienne, p.52, Points/Sagesses n°Sa174) Jean-Paul Bourre

7 octobre 2009

Arlequin

"Ce que nous appelons "moi" est un costume d'arlequin composé d'histoires rapportées, d'étoffes empruntées. C'est un vêtement pauvre, mal cousu. Parfois il se déchire et va dans la folie, et quand il tient, c'est toujours par miracle.

Nous ne sommes soudain faits d'une seule pièce que par la chance d'une voix qui nous appelle en nous aimant.

Nommer d'amour fait venir l'unique au monde."

Christian Bobin, La présence pure.

5 octobre 2009

Tout ne fait qu'un


Loin, très loin dans le passé, il y a plusieurs millions d’années, les fleurs savaient voler dit-on. Le temps s’écoula, lentement, inexorablement, et la plupart de ces fleurs s’assagirent au point de prendre racine pour ne chercher qu’à se nourrir de sols riches et fertiles leur dispensant des bienfaits illimités. Cependant, un certain nombre des plus folâtres continua à maculer le ciel de lumières colorées et se désigna bientôt du nom de «papillon». C’est pourquoi, au retour de l’été, lorsque nous les voyons gambader en un vol erratique au-dessus des champs et des jardins puis se déposer délicatement sur les corolles des fleurs, il est permis d’imaginer que des frères et sœurs d’un même sang parfumé se sont à nouveau donné rendez-vous pour s’échanger quelques secrets merveilleux et partager le temps d’un frisson tous les délicats mystères de la vie.

* Illustration : Mathieu Plante (www.mathieupdesign.com.)

2 octobre 2009

Le serpent du rêve
























Les rêves m'étonneront toujours. À un point tel que je note soigneusement depuis des années ceux qui ressortent du lot. Qui me parlent davantage.

Les rêves sont universels (nous dormons, nous rêvons). Constatation simpliste, vous me direz ? Alors, dites-moi aussi pourquoi s'attarde-t-on si peu à ce qui semble le plus naturel chez l'homme, chez tout homme ?

Le fait est que nous n'en voyons pas d'utilité immédiate au sein de nos vies. À quoi ça sert ? Folie, élucubration, imaginaire débridé ! Nous avons bien d'autres chats à fouetter. Pas de temps à perdre ! Il faut d'abord et avant tout apprendre à "gérer" nos vies. Certains affirment même qu'ils ne se rappellent jamais de leurs rêves.

C'est pas sérieux, donc inutile, et on efface tout...

Permettez-moi d'en douter !

"Il y a un serpent qui émerge tout à coup de nulle part. Il est en face de moi, menaçant. Je ne bronche pas, je tiens le coup, puis en me penchant doucement, je me mets à lui caresser la tête pour le calmer. Il me fait alors un beau sourire -- comme seul un serpent peut le faire --."

"Encore dans le rêve, je me fais la réflexion suivante : si je vire à l'envers les deux syllabes du mot ser-pent, cela me donne le nouveau mot "pen-ser". Et si je calme mon "penser", j'adoucis alors ma peur et mon angoisse par le fait même."

Je ne crois certainement pas que la préoccupation de notre propre santé mentale soit une perte de temps. Angoisse, anxiété, perte de sens, sentiment de ne rien maitriser sont de toute vie. Si ces états envahissent continuellement notre esprit et sur une trop longue durée, la partie risque d'être difficile, voire tragique. Pour en venir à bout, on privilégie le coup de massue. La prise d'antidépresseurs ou d'anxiolytiques semble dorénavant la norme et je serais surpris de connaître le pourcentage de ceux et celles qui ne se droguent pas autour de nous. Car il s'agit bien de drogues, même si elles sont licites.

Je déplore que la maîtrise de notre "serpent à sornettes" intérieur soit rarement envisagée. Je crois que moins nous y faisons face pour le calmer et, qu'au contraire, plus nous cherchons à lui trancher la tête afin de l'annihiler complètement, plus il prend de la force et empoisonne avec son venin l'entièreté de notre vie.

Comme dans la mythologie grecque avec Hercule cherchant à tuer l'Hydre de Lerne.

Le monstre, rappelons-nous, possédait plusieurs têtes dont l'une immortelle. Et lorsqu'elles étaient tranchées ses têtes se régénéraient doublement.

Pas de quoi se réjouir.

À moins, peut-être, d'envisager l'utilité d'écouter nos rêves... et d'amadouer le "ser-pent".

1 octobre 2009

Complots tous azimuts

D’emblée je suis porté à croire que la réalité demeure, tout compte fait, plutôt prosaïque. Les faits bruts sont bruts. Terre-à-terre, net, fret, sec… Je ne dis pas sans intérêt. Je dis que la réalité matérielle marquée de millions de faits concrets garde une ampleur estampillée du sceau de la simplicité. Je suis bien conscient que mon impression n’explique pas tout. Je suis porté à croire, c’est tout.

Ce faisant, pensée, imagination et émotion prennent alors le relais pour renvoyer les choses à notre hauteur, si je peux dire. Et si ces facultés purement humaines macèrent dans le délire, la peur et l’absence de scrupule, faut-il alors s’étonner que la hauteur en question frise le ras la pâquerette ?

Il m’arrive même de penser que l’être humain préfère une croyance sans équivoque envers les pires calamités, les fins du monde juste là près de nous, plutôt que de supporter l’incertitude de l’avenir, plutôt que de supporter le doute et l’obligation de construire sans cesse notre vie ensemble sur terre.

D’où les complots, les conspirations, les rumeurs qui prolifèrent dans l’opinion publique et plus particulièrement sur Internet.

Ces jours-ci la pandémie de la grippe A (H1N1) stimule l’imaginaire débridé de bien des « connaisseurs » qui prévoient un génocide organisé par les compagnies pharmaceutiques pour s’en mettre plein les poches. Le tout chapeauté par nos gouvernements, il va de soi. Le vaccin proposé aurait même été contaminé ! Ce qui, bien sûr, va à l’encontre des compagnies en questions qui veulent vendre à plus de gens possibles, le plus longtemps possible. Un détail, faut croire… (Voir à ce sujet La Presse du 30 septembre p. A5 ainsi que « Les carnets de Yanick Villedieu » du 16 sept 2009 à Radio-Canada.ca)

Dans le rayon des complots bien torché, il ne faudrait surtout pas oublier ici celui du 11 septembre 2001. Tout a été dit. L’affaire réglée. Dans l’art de se tirer dans le pied, on ne peut faire mieux. Les Américains ainsi que la Juiverie internationale ont tout savamment orchestré afin de justifier des frappes préventives au M-O et y puiser son pétrole. That’s it, that’s all !

On a que faire des faits. Trop ternes. Trop simples. Trop vrais ? On veut du sang, des énigmes, des sociétés secrètes, des complots sophistiqués, des puissances occultes travaillant dans l’ombre. On confond roman d’horreur et réalité.

Avons-nous tellement besoin de voir des complots (ou des miracles, des apparitions,etc.) partout ? Pouvons-nous ainsi nous demander, à bon droit, ce qui manque tant à l’homme pour sauter si rapidement aux premières conclusions venues ? Question de paresse ou d’infantilisme ?

Personnellement, je crois que les vrais miracles passent toujours inaperçus. Et les vrais complots sont la plupart du temps rapidement démasqués. Je me pose finalement cette question impertinente à savoir, pourquoi cherche-t-on si ouvertement à imposer des réponses par la seule force de notre conviction ?