28 novembre 2013

Vivre allumé

De quelle manière une lumière dans une pièce peut-elle être utile? On peut répondre ceci : cette lumière sert à éclairer la pièce. Est-ce le plus important? Non. La pièce elle-même n’a aucune valeur en soi. L’essentiel réside dans le fait que celui ou celle qui regarde dans la pièce puisse mieux voir.

Dans un documentaire sur Pondichéry et Auroville, voici ce que dit un participant interviewé : « Vous savez que le lotus s’épanouit dans la boue. Pour trouver le sacré du lotus ce n’est pas qu’il faut analyser la boue d’où il sort, mais voir le soleil qui tire le lotus à partir de la boue. » http://video.tv5.ca/focus-monde-inde-a-la-recherche-de-soi

On trouve ici une analogie avec les croyances. Est-ce les religions, les dogmes, les livres saints, les officiels qui gravitent autour de ces questions qui doivent prévaloir dans notre recherche de la vérité? Même réponse que plus haut : non. Ce sont comme les pièces éclairées par une lumière. Ils n’existent que pour des sujets, adeptes, croyants, qui absorbent la lumière et s’en servent pour illuminer leur chemin.

L’essentiel, le primordial demeure toujours le sujet et sa conscience éclairée ou non. L’éternité et l’infini résident dans le sujet, jamais dans l’objet de la croyance. En faire la différence permet de voyager avec une conscience qui illumine tous les chemins et les mondes parcourus.  

27 novembre 2013

Les mots qui se méritent

Il y a des mots qui se méritent, des mots qui ne doivent pas être pris à la légère. Comment peut-on prononcer des mots comme amour ou Dieu sans témoigner de la stupeur ou de la retenue? Comment simplement les dire sans ébranlement? Ils demeurent tellement chargés de sens et de profondeur que nous devrions les mentionner que dans la mesure du respect que nous leur accordons. Les livrer sans considération à l’attention de l’autre ne serait-il pas une faute de goût, sinon de finesse et de tact?

Cela dit, les mots ont leur limite et chacun en fait un emploi à leur discrétion. Ils servent à dire l’indicible et à cacher l’évidence ce qui ne va pas sans discernements et applications.

J’ai une méfiance instinctive envers certains mots. « C’est comme dire aux gens qu’on les aime. C’est inutile. Il vaut mieux ne rien dire et le faire. », nous mentionne avec sagesse Robert Lalonde. Christian Bobin se fait plus explicite : « Ce qui est vraiment dit, ce n’est jamais avec les mots que c’est dit. Et on l’entend quand même. Très bien. » Bref, il en va des mots comme des gens et notre manière d’être parle souvent à tue-tête et ne saurait mieux signifier ce que nous sommes vraiment.

Des mots connus comme Amour-Dieu-Bonheur nous touchent de près, se rapportent au sens commun et une connaissance partagée. Mais que représentent-ils avec précisions? Le demander ne provoque-t-il pas que lourd silence? Essayez-le autour de vous. Les employer avec abondance, mais sans précaution ne fait que les amoindrir et les déposséder de cette valeur si chère que nous cherchons à générer dans nos rapports avec l’autre.

Je lis et entends autour de moi des expressions qui commencent souvent par : « On sait bien, AU QUÉBEC, on est comme cela. » « Ça, c’est bien nous autres AU QUÉBEC… » « Dieu qu’AU QUÉBEC on agit toujours de la même manière, qu’on pense toujours pareil! » Etc., etc. Mais de qui et de quoi parle-t-on?

Qui est ce on, qu’est-ce que c’est que ce « au Québec »? Qui peut — invraisemblable miracle — se targuer d’avoir sondé le cœur et l’esprit de millions de Québécois et, dans un même inimaginable élan de générosité, nous livrer sans l’ombre d’un doute ce qui définit parfaitement une situation, un état d’être, une vérité sans lesquels nous ne saurions distinguer le bien du mal, le bon du mauvais, ce qui est à faire ou non?

Bobin encore : « Les mots sont comme les gens. Leur manière de venir à nous en dit long sur leurs intentions. »

Je me méfie de cette palette de mots et d’expressions convenus. Ils sont les sésames qui ouvrent les portes de la bonne pensée et qui ne s’animent qu’en tant que clichés et banalités. Ils ne font qu’entretenir préjugés et généralités et se pervertissent en incompréhension, impertinence et irrespect.

Il y a des mots qui se méritent… 

25 novembre 2013

Jouer ou non?

Au petit parc, l’autre jour, je croise une dame qui me prend à témoin et commence à gesticuler et à critiquer de manière virulente les travaux qui s’effectuent justement à cet endroit. Il est situé près d’un musée et est un havre de paix et de jeux pour la population environnante. J’y vais moi-même régulièrement pour me reposer et l'affectionne beaucoup.

La dame m’oblige donc à remarquer le saccage dudit parc, même si tout sera reconstruit. Sous quelle forme? Je ne le sais pas. Peut-être le sait-elle? A-t-elle vu les plans? Son indignation me laisse perplexe, je crois l’entendre dire que jamais elle n’aurait laissé faire ce saccage, elle. On aurait dû consulter, d'autres auraient pu s’opposer férocement. Elle en fait un cas de conscience et me le laisse savoir avec colère sans que je puisse même lui poser une question ou deux.

Je suis resté perplexe de longues minutes puis je décampai avant d’être enseveli par un torrent de bave.

Modifier un paysage ne va pas de soi, créer du nouveau ne va pas de soi. S’il y a un artiste derrière ce projet, comment prendrait-il cette charge à l'emporte-pièce?

Ce n’est pas tout le monde qui peut être artiste et développer sa créativité. L’art de concevoir nécessite abnégation, détermination et talent. L’artiste prend toute la mesure du sacrifice de soi devant la difficulté inhérente au processus même de créativité. L’artiste n’invente pas tout à partir d’un vide ou d’un silence absolu, il réinvente certes, il s’appuie sur un matériel déjà florissant et remanie, appose des retouches ou reconstruit carrément.

Toujours est-il que la position d’artiste en est une de précarité, d’angoisse et de solitude.

Pour se tirer de cette position peu confortable, il arrive que d’aucuns se placent en position d’entrepreneurs à l’intérieur de la sphère publique. Ils contournent ce malaise de l’artiste pur et dur par une forme de créativité et d’inventivité qui se positionne d’abord sur la fenêtre de l’utilitaire et du pragmatisme. Sur cette bordure du réel, ils créent, proposent et vendent, la qualité du produit n’en demeurant pas moins primordiale.

Mais la critique du même produit se fait féroce surtout s’il prend naissance avec l’argent du public.

Est-ce le cas qui nous concerne ici?

Je ne peux répondre. Ce qui m’agace toutefois, c’est l’ampleur du débordement critique, le non qui jaillit constamment dans les mêmes circonstances et qui appose son sceau de désapprobation systématique comme si ce geste demeurait le plus naturel, le plus intelligent et le seul vrai. Est-ce que la raison serait morte au détriment de l’unique passion?

Je m’indigne, donc je suis! Je dis non, censure et m’objecte de toutes mes forces tout le temps, et c'est la norme.

N’y a-t-il pas pourtant des règles du jeu à respecter, des règles qui existent pour tous et que nous nous devons d’intégrer lorsque l’envie nous prend de jouer à celui qui propose et, en contrepartie, celui qui s’oppose et critique?

À défaut de créer, d’être cet artiste, n’y aurait-il pas lieu d’apprendre à jouer dans notre rapport constant avec l’autre et la réalité?

Qui dit jeu, dit règle du jeu. Aucun n’existe sérieusement sans son assortiment de règles précises et dont la moindre est celle-ci : il faut aussi apprendre à jouer fair-play. Devant l’évidence de ces règles pourrions-nous décider par nous même de refuser de jouer, de ne plus avancer nos pièces, de ne pas respecter le temps, le positionnement, le nombre de joueurs sur le terrain, de refaire le livre de règlement à notre avantage? Ce ne serait plus du jeu.

Afin de mesurer notre capacité à composer avec des problèmes, ne nous viendrait-il pas alors cette envie de maîtriser l’art de jouer. Et ce faisant naîtrait l’apprentissage tout aussi nécessaire de gagner ou de perdre, condition sine qua non du jeu.

Il faut jouer avec la réalité et non pas bêtement dire non devant un problème. Il ne s’évanouira pas par enchantement.

Ça, c’est la magie, et c’est pour les enfants.

13 novembre 2013

Le devoir de penser

Je ne me suis jamais défilé devant l’exigeant devoir de penser. Encore aujourd’hui, en maintes occasions, de longues méditations silencieuses remplissent mon temps. Je profite de ces moments pour améliorer ma compréhension de la vie, pour réfléchir en profondeur sur certains problèmes récurrents, bref pour prendre un recul salutaire devant le flot constant d’événements qui garnissent l'existence et qui exigent de les placer en perspective.

Je m’assure ensuite que tout ce que je pense, imagine, crée et juge, je m’assure que mes actions soient sous la constante gouverne du bien, du beau et d’un amour indéfectible pour toute vie. C’est le deuxième niveau de la pensée, celui permettant de se regarder en train de penser, de se "voir aller" afin d’établir une conformité entre réflexion et action.

Hannah Arendt pose le problème en ces termes : « Il s’agit d’établir si la pensée et les autres activités mentales silencieuses et invisibles sont censées paraître ou si, après tout, elles ne peuvent trouver dans le monde d’habitat qui leur convienne. » La vie de l’esprit.

Ce qui nous sauve c’est une profonde et constante méditation sur l’existence même de notre vie, c’est l’acceptation inconditionnelle de notre appartenance au monde, du fait indéniable d’exister et de se mouvoir dans ce monde. Cette acceptation contourne ce qu’Arendt nomme le « scandale de la raison » en citant Kant. Ce dernier avait bien vu l’évidence : « le fait que l’esprit est incapable de connaître avec certitude et de soumettre à la vérification certains sujets et certaines questions auxquels il ne peut cependant s’empêcher de penser. »

Comment s’en tirer? En cherchant sans arrêt une forme et en lui donnant la possibilité de se greffer entièrement à notre existence. Cette forme c’est aussi ce qui nous sauve, car elle constitue le chef-d'œuvre de notre vie à la louange du simple fait, de la simple évidence d’exister.

« Une rose est sans pourquoi », nous dit Angelus Silenius. En est-il de même de ce but ultime, de cette raison de vivre qui nous relie tous en ce monde?

Je suis porté à croire que le plus difficile dans ce travail colossal de réflexion et de méditation consiste à n’entretenir aucune attente, à accepter que nulle récompense et reconnaissance ne s’y attache. Le but ultime consiste justement à finaliser l’œuvre d’une vie qui nous appartient, en faire un joyau unique dans la création.

Je suis à tout le moins persuadé que nous ne pouvons faire l’économie de la pensée. Là se cache le mystère qu’il faut approfondir, aucune dispense ne nous est octroyée, il n’y a pas de raccourcis.

Qui maîtrise la pensée maîtrise l’être, respecte la mise en forme du joyau à venir, donne une impulsion à sa vie et comprend que tous sont sur ce même grand chemin de découvertes et de consolidations.

Seul celui qui maîtrise sa pensée applique une véritable éthique à sa vie. La conscience individuelle a primauté sur tout, aucune idéologie n’a préséance.

Le philosophe Alain résume magistralement ce qui précède : « Penser, c’est dire non! » La folie du monde, cette activité de la non-forme, de l’absence d’éthique, du nihilisme, recouvre de sa chape de plomb l’histoire de notre époque. Elle est la résultante de l’absence d’effort de la pensée qui ne se voit plus en action. D’où l’importance de la remettre constamment sur ses rails. Penser, c’est respecter la part unique de l’être humain, ce qui nous distingue de tout le reste. Penser, c’est respecter l’autre, notre semblable, le sachant lui-même un être dans toute sa possibilité de penser.  

Alain nous met en garde : « Il n’y a pas au monde d’autre combat. Ce qui fait que le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c’est que je consens, c’est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c’est que je respecte au lieu d’examiner. Même une doctrine vraie, elle tombe au faux par cette somnolence. C’est par croire que les hommes sont esclaves. Réfléchir, c’est nier ce que l’on croit. (…) Qui croit seulement ne sait même plus ce qu’il croit. » in Les pages les plus célèbres de la philosophie occidentale.

12 novembre 2013

Le silence attendu

Aurore au remblai de nacre
Dispersé à perdre le nord.
Coup de pinceau sur l’horizon agité;
Ne manque que le silence,
Que le silence
Attendu.




Se prendre

Si tu le veux
Un peu de moi
Prendrait une partie de toi
Et le ciel.




Je te le dis...

Tu ne me crois pas
Mais…
Je te le dis!