22 février 2012

Les mots (7)

Cheveux :
Se décline au pluriel de prime abord. Un seul ne peut prétendre qu’à un triste baptême dans une soupe qui refroidit. Entremêlés, il se passe une sorte de miracle. Ils ondulent, frisent, se hérissent ou tombent selon leurs caprices ou le nôtre. Ils nous personnalisent. Et rien ne pourra rivaliser avec les longs cheveux d’or d’une princesse inconnue.

Île :
Pourquoi serait-elle déserte? Mon île, bien que sauvage, serait habitée de tous les oiseaux de la terre, chats, chiens et de quelques musiciens; serait dessinée de sources d’eau pure, montagnes et champignons, et d’un poète chantant les louanges de la solitude et du silence dans ses ballades, pieds nus, en bordure de l’océan.

Poivre :
Finement broyé dans un mortier, c’est son parfum qui envoûte. On dit qu’il valait son pesant d’or durant l’antiquité. Si c’était le cas encore aujourd’hui, je serais millionnaire. Une chose est certaine, il ajoutera toujours une richesse en saveur à maints aliments pauvres de goût.

Fenêtre :
Absorbe le temps, la lumière et l’imprévu du monde. Plusieurs fois, la nuit, je la traverse pour me retrouver dans d’autres univers. Sans cesse elle me fait des clins d’œil et, grâce à elle, je débouche sur des explorations insensées. La fenêtre ouvre le passage vers la clarté et le désir de croître.

Soleil :
On ne se lasse jamais de sa bouille radieuse. Imaginez sa disparition… Le soleil est le complément de la vie, placé juste à la bonne hauteur. Il a pour mission de suivre notre rythme : nous nous couchons dans ses bras, nous nous levons à ses pieds. J’aimerais donc dire que nous sommes des enfants de la lumière…
  
Danse :
La danse folle et improvisée du monde ne parviendra jamais à diminuer et enlaidir les délicieux pas de deux dont se jouent les amants véritables.

12 février 2012

Prenez garde!


Un texte remarquable puisé je ne me souviens où. Il ne date pas d’hier, mais il est on ne peut plus actuel. J’aurais aimé l’écrire moi-même…

« Prenez garde! Tâchez d’être heureux!

Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence. Dites doucement et clairement votre vérité. Et écoutez les autres, même le simple d’esprit et l’ignorant, ils ont eux aussi leur histoire… Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements : véritables possessions dans les prospérités changeantes du temps. Le monde est plein de fourberies, mais ne soyez pas aveugles en ce qui concerne la vertu qui existe : plusieurs individus recherchent les grands idéaux, et partout la vie est remplie d’héroïsme. Soyez vous-même. Surtout, n’affectez pas l’amitié; non plus, ne soyez cynique en amour, car il est en face de toute stérilité et de tout désenchantement aussi éternel que l’herbe. Fortifiez une puissance d’esprit pour vous protégez en cas de malheur soudain, mais ne vous chagrinez pas de vos chimères. De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude. Vous êtes un enfant de l’univers, pas moins que les arbres et les étoiles. Vous avez le droit d’être ici.

Prenez garde! Tâchez d’être heureux! »

Anonyme, 1692.

Leonard Koan


À un journaliste qui lui demandait pourquoi il s'intéresse autant à la mort, Leonard Cohen aurait répliqué : «Je suis parvenu, à contrecœur, à la conclusion que j'allais mourir, et cette possibilité amène quelques réflexions».


10 février 2012

Docteur ès scatologie


Nous sommes en crise, mesdames et messieurs! Nous sommes dans la merde! Le climat est déréglé, l’économie et la finance n’arrêtent plus de vaciller, des épidémies nous menacent. Bref, tout ne va pas pour le mieux et plusieurs ne se privent pas de nous asséner avertissement sur avertissement, comme dans un sursaut inégalé de clairvoyance. Voyez ces penseurs et scientifiques tels H. Reeves et A. Jacquard qui nous somment de nous réveiller, sinon ce sera la fin de l’humanité dans une cinquantaine d’années, tout au plus. À une émission télé de grande écoute, J. Languirand nous serine le même message de réjouissance, le doigt en l’air, en claironnant qu’il a des contacts lui et qu’il sait hors de tout doute ce qui s’en vient pour nous, pauvres mortels.

Les marchands de peur ont changé de peau. Avant ils se drapaient d’oripeaux divins, prophétisant fins du monde et apocalypses à tour de bras, surtout en croix, les genoux par terre de préférence, en nous intimant de faire pénitence comme eux. Maintenant ils s’habillent d’apparats scientifiques, ils ont tout calculé, tout étudié, tout prévu, et leurs constats savants n’ont rien de lendemains qui chantent ou d’avenir radieux.

Je sais, j’ironise. Je trace à gros traits et je me moque de ceux qui s’exécutent sans vergogne et que nous lisons ou écoutons religieusement. Mais est-ce que savoir et être conscient et lucide c’est prétendument et certainement toujours prévoir le pire? Ne faut-il pas reconnaître aussi une position plus que confortable à tous ces penseurs de l’imbuvable : s’ils se trompent c’est le statu quo ou mieux, un changement positif? Leur bonne conscience se voit ainsi préservée. « On s’est fourvoyé, c’est tout! »

Je ne suis pas un optimiste né, beaucoup de situation et de comportements m’exaspèrent. Il y a bien des fois où je ne comprends plus rien et suis désemparé. N’empêche, je me dis que la vie et cette réalité-là, celle devant nous, a toujours eu sa part de chaos et de changements inattendus, qu’il en est ainsi depuis toujours, c’est comme ça, et qu’il serait peut-être temps d’apprendre à accepter le non-sens et tout ce désordre puisqu’il semble que ce soit l’essence du monde et sa saveur.

Reconnaissons tout de même des effets pervers à voir et affirmer le pire. (i) Aussi bien en profiter puisque la fin approche, on dilapide tout, on s’enrichit de manière obscène en se fichant des conséquences. (ii) Inquiets et morts de peur, figés par l’angoisse, nous tombons malades et en dépression plus souvent qu’à notre tour. (iii) L’homme occidental vit dans la culpabilité, car il entend constamment que sa richesse est la cause première de la pauvreté du reste du monde. Il ne peut pas vivre heureux aux dépens des autres, c’est clair.

Dieu que ça va mal et que le monde ne tourne pas rond! C’est vrai puisque les médias nous le montrent aussi un million de fois par jour. Ils vocifèrent et crachent le morceau pour que nous soyons bien sûrs de comprendre et d’admettre enfin la vérité : vivre est dangereux! Il y a plein de gens malhonnêtes qui nous entourent, nous baignons dans une soupe caustique remplie de virus mortels, des compteurs électriques dits intelligents dégagent des ondes malfaisantes, les coffres de notre régie des rentes seront à sec en 2035, pas une année de plus, certain!

Heureusement que nous avons encore des yeux pour voir et constater par nous-mêmes directement, sans intermédiaire, le strict déroulement des choses, sans nous raconter d’histoires. C’est bien dommage pour la confrérie des marchands de peurs, d’illusions et de rêves, mais il est quand même permis de penser que la réalité est beaucoup plus prosaïque et terre-à-terre qu’ils nous le disent. Je vais donc dans le sens de ce qu’affirme Ryszard Kapuscinski dans Autoportrait d’un reporter : « Les médias ont créé une vision du monde très politique, chaotique et totalement déconnectée de la longue durée, autrement dit des institutions sociales, des attitudes, des mentalités et des préoccupations des gens simples qui constituent 90% de toute société. »

Je suis enfin d’avis qu’il y a toujours quelqu’un, quelque part, un illustre inconnu qui travaille seul, « dans son garage », à chercher, inventer, créer un bidule, un truc, une patente qui nous permettra d’améliorer notre sort à tous, du moins le rendre acceptable sans que nous soyons constamment aux prises avec des conflits interminables de visions et d’idéologies trop souvent déconnectés de la vie.

C’est la déesse créativité qui nous maintient éveillés. L’imagination, cette folle du logis, contribue à freiner la violence, car elle supporte l’art de se mettre à la place de l’autre et permet d’entrevoir quelques solutions jamais envisagées auparavant. Donnez-moi à choisir entre l’imagination et la volonté, la première gagnera mon assentiment, à coup sûr. La seconde pèche trop souvent par l’envie de dire non (je ne veux pas, je ne veux plus) de manière exclusive. Et entraîne la mort… Fatalement.  


8 février 2012

Golden hands


Le corps adore se faire toucher. Il adore se faire malaxer, effleurer, triturer, palper et frictionner. Le corps a ses douleurs, ses indispositions et tensions qui finissent par le rendre plus lourd et inconfortable qu’il n’est en réalité. Il a aussi ses besoins. Il a besoin de soins et de se sentir important, unique, comme un sanctuaire qu’il faut respecter et protéger.

Reste que nous vivons malheureusement dans cette mentalité où le toucher conserve encore ce petit quelque chose d’interdit ou d’équivoque et même de déplacé. La massothérapie doit manœuvrer à travers ce constat qui peut devenir affligeant pour ceux et celles qui ne sont pas à l’aise avec le toucher.

Photo: Johane Trahan
C’est la première fois qui compte. S’abandonner tout nu, allongé sur une table ne va pas de soi. C’est comme redevenir un bébé. Et puis il faut tout oublier de ses peurs, accepter sa vulnérabilité en fait. Ce premier obstacle franchi, vous êtes en voiture…

Je suis celui qui reçoit de ces soins. Et en redemande. Que voulez-vous j’ai des tensions et entre régulièrement dans mes douleurs accablantes. Je ne puis dissimuler aussi ce plaisir à sentir ces mains et ces coudes qui travaillent pour moi, pour extirper un mal qui se localise de manière insidieuse en des endroits que je ne soupçonnais même pas. Ce plaisir n’a rien de honteux. Je ne parle pas de sexe ici, je parle d’un art, d’une science de la manipulation du corps qui veut notre bien et nous fait du bien. Et nous en avons grand besoin.

Si un doute persiste encore sur les bienfaits de la massothérapie, je vous renvoie à cette nouvelle parue sur le site de Radio-Canada le 1er février 2012. En ce qui me concerne, la science n’a plus besoin de me prouver quoi que ce soit en ce domaine.

Folie de la saggesse


"S’il n’y avait cette angoisse, cette folie, cette horreur, aurions-nous besoin de sagesse?"
André Comte-Sponville