16 janvier 2014

Défier la mort?

Le temps n’arrête pas sa course effrénée. Chaque jour, chaque instant, nous rapproche davantage de la mort. Le temps n’arrête pas et une énergie inépuisable nous transporte inéluctablement jusqu’au moment forcé de la conclusion finale. Cette énergie, l’avons-nous oubliée, c’est la vie…

De notre naissance jusqu’au décès nous baignons dans la même eau. « Dès qu’un homme est né, il est assez vieux pour mourir », nous rappelle Heidegger. Vie et mort, tel un vieux couple inséparable, se démènent ensemble et sont si intimement lié qu’il serait peut-être envisageable d’en forger pour les deux qu’un seul et unique mot.

Cependant il y a un hic. Et il est d’autant plus fort de nos jours alors que notre attention semble rivée à tout ce qui a trait à la jeunesse et à son énergie inépuisable. La mort est une certitude inadmissible et met notre conscience au défi de seulement l’envisager. Cette toute puissance nous écrase et nous n’avons cure d’en partager l’équation. François Cheng dans son livre Cinq méditations sur la mort nous précise pourtant : « La mort semble régner en maîtresse du monde, mais son pouvoir n’a pu lui être conféré en amont que par cet absolu qu’est la vie, qui, pour être vie, exige la mort corporelle. » Cheng nous apprend aussi qu’il existe une brève phrase tirée du Yi Jing et que se transmettent les Chinois de génération en génération : Sheng-Sheng-bu-xi et qui signifie : « La vie engendre la vie, il n’y aura pas de fin. »

Est-ce que la mort est la fin de tout?

Notre conscience permet de tout embrasser. À un point tel que je la crois intimement lié à l’éternité. C’est le don inestimable que l’univers a fait à l’homme en même temps que son ultime détresse, car l’homme ne se voit-il pas en demeure de penser sa mort et de la sentir venir petit à petit en supportant les affres de la vieillesse? Cette dernière nous éloigne de notre animalité et sert d’approche à une conscience approfondie de notre mort. Mais en est-il toujours ainsi?

Combien de fois ai-je entendu dire qu’après notre mort c’est la fin de tout, le néant, le vide total, jamais plus de pensées, de conscience? L’athée ou le plus notoire des matérialistes carbure à cette croyance que tout s’éteint au dernier souffle et cette tendance ne semble pas s’effriter avec le temps. Pour définitive qu’elle soit dans l’esprit d’un tel individu, je ne crois pas qu’elle parte d’un fond réel de sincérité. J’y vois plutôt une bravade ou une provocation sinon un manque de réflexion. « Il n’y a plus rien, rien du tout et je ne veux plus en entendre parler. » J’ai l’impression d’un manque bien réel de respect envers cette conscience de la vie qui nous définit en tant qu’être unique.

Est-il d’ailleurs possible de seulement envisager un néant? Comment le faire? Nous devons ultimement en prendre conscience donc en le surmontant et en le percevant du point de vue de la vie qui continue.

Au grand dam de tous les férus de certitudes matérialistes, je nous crois condamnés à ne percevoir qu’une suite nécessaire à notre vie. Sinon quel gaspillage de temps, pour paraphraser l’astronome Carl Sagan qui lui voyait un grand gaspillage d’espace dans le fait de ne pouvoir envisager d’autres mondes habités dans notre univers infini.

J’aimerais le rencontrer sur son lit de mort, je me mettrais à genoux pour mieux l’entendre et m’approcher de son cœur, celui qui persiste dans cette conviction du néant après la mort. « Je ne parle pas de Dieu, je ne parle pas de faire la paix avec un être supérieur ou avec ton âme ou de te raconter des histoires. Dis-moi franchement, est-ce que tu te crois? Tolères-tu vraiment que le seul aboutissement à ta vie ne soit qu’une fin abrupte enrobée dans un néant le plus absolu? Espères-tu au moins te tromper? »

« Ne réponds pas. Ménage ton souffle, c’est avec ton dernier que tu pourras t’envoler. »   

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