Souvenons-nous, enfants,
entre frères, sœurs et amis, comme chaque moment comportait sa part de magie et
où la joie dans le jeu se trouvait au cœur de toutes nos activités. Le temps disparaissait,
une atmosphère unique nous entourait de ses bras généreux et l’enchantement
faisait le reste du travail. « Les enfants s’émerveillent naturellement
devant l’existence et pour eux le monde est d’emblée enchanté. Et c’est
peut-être parce qu’enchanté qu’il regorge de sens, qu’il a du goût, du charme,
de la saveur », nous dit Mathieu Scraire. Enfance,
réenchantement du monde et sens de la vie. Liber
Le monde est un miracle, nous
répètent les philosophes, car il aurait pu ne pas être…
Pour l’enfant, l’existence
est un prodige en soi. Une simple porte ouverte recèle assez de mystère pour
combler sa journée entière. Un bébé voit un objet, un jouet par terre et
l’excitation le gagne au point de le bouleverser. Cacher ce même jouet, un
autre à côté fera aussi bien l’affaire et son existence se transformera à la vitesse
de la lumière. Enthousiasme et spontanéité sont les moteurs de l’enfance, les
deux mamelles qui le nourrissent et l’entrainent vers l’inconnu en toute
confiance.
En vieillissant, l’attitude
change. Le désenchantement finit par nous gagner. Nous nous disons plus lucides,
plus terre à terre et voyons souvent le mal ou le malheur comme la véritable
réalité, l’unique réalité. Les réseaux sociaux regorgent de ce type de
personnage qui tient à en découdre avec tout ce qui bouge et qui manifeste son
arrogance avec les arguments du pire, seule vainqueur au firmament des idées.
Le cynisme fait son travail de sape. Mais c’est trop facile le cynisme, il
suffit de s’abandonner bêtement à ses pulsions négatives. Son envers le
sentimentalisme ne vaut guère mieux, il ne faut pas se le cacher. L’un et l’autre
sont porteurs de lunettes colorées qui ne restituent en rien la véritable
réalité, ils déforment la vie.
Je plaide pour un retour à l’enfance
et à son regard poétique des choses, un regard de l’instantanéité de la vie. Chaque
moment, chaque lieu cachent son mystère, sa joie et sa beauté. Je manifeste
pour une innocence assumée, une naïveté enfantine pleine de courage et de
confiance envers l’autre et l’univers entier malgré les aléas de la vie. Comme
nous dit Mathieu Scraire, déjà cité : « L’attitude raisonnable, voire
réellement lucide pourquoi pas! ne serait-elle pas, en dernière analyse, de
parier sur le beau, sur le bon en espérant — en sachant – que nous ne pouvons être
constamment déçu. »
Combien de fois nos plans, à
ma conjointe et moi, ont-ils été chambardés par des imprévus, des occasions
manquées, retard et autres déboires. Déceptions et apitoiement sur soi auraient
pu nous aigrir et nous rendre de plus en plus maussades. Mais chaque fois d’autres
avenues nous attendaient au détour et nous reprenions vite goût à l’aventure de
l’inattendu. Bien souvent nous y gagnions au change. Confiance dans les
circonstances, l’art de se revirer sur un dix cents? Derrière les déceptions se
cachent, semble-t-il, des opportunités qui rendent comptent de toute la
richesse de l’abandon aux contingences de la vie.
Comment nommer cette
attitude, « cette capacité joyeuse et enthousiaste de regarder le monde
avec des yeux d’enfants »? Je l’appelle l’art de jouer la vie avec bonheur
ou, à l’instar de Jean-François Vézina, l’art de danser avec le chaos.
C’est un jeu qui se joue avec
tout le sérieux du monde…
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