Il y a des mots qui se
méritent, des mots qui ne doivent pas être pris à la légère. Comment peut-on
prononcer des mots comme amour ou Dieu sans témoigner de la stupeur ou de la retenue?
Comment simplement les dire sans ébranlement? Ils demeurent tellement
chargés de sens et de profondeur que nous devrions les mentionner que dans la
mesure du respect que nous leur accordons. Les livrer sans considération à l’attention
de l’autre ne serait-il pas une faute de goût, sinon de finesse et de tact?
Cela dit, les mots ont leur
limite et chacun en fait un emploi à leur discrétion. Ils servent à dire l’indicible
et à cacher l’évidence ce qui ne va pas sans discernements et applications.
J’ai une méfiance instinctive
envers certains mots. « C’est comme dire aux gens qu’on les aime. C’est
inutile. Il vaut mieux ne rien dire et le faire. », nous mentionne avec
sagesse Robert Lalonde. Christian Bobin se fait plus explicite : « Ce
qui est vraiment dit, ce n’est jamais avec les mots que c’est dit. Et on l’entend
quand même. Très bien. » Bref, il en va des mots comme des gens et notre
manière d’être parle souvent à tue-tête et ne saurait mieux signifier ce que
nous sommes vraiment.
Des mots connus comme
Amour-Dieu-Bonheur nous touchent de près, se rapportent au sens commun et une
connaissance partagée. Mais que représentent-ils avec précisions? Le demander
ne provoque-t-il pas que lourd silence? Essayez-le autour de vous. Les employer
avec abondance, mais sans précaution ne fait que les amoindrir et les déposséder
de cette valeur si chère que nous cherchons à générer dans nos rapports avec l’autre.
Je lis et entends autour de moi des expressions qui commencent souvent par : « On
sait bien, AU QUÉBEC, on est comme cela. » « Ça, c’est bien nous
autres AU QUÉBEC… » « Dieu qu’AU QUÉBEC on agit toujours de la même
manière, qu’on pense toujours pareil! » Etc., etc. Mais de qui et de quoi
parle-t-on?
Qui est ce on, qu’est-ce que
c’est que ce « au Québec »? Qui peut — invraisemblable miracle — se
targuer d’avoir sondé le cœur et l’esprit de millions de Québécois et, dans un même
inimaginable élan de générosité, nous livrer sans l’ombre d’un doute ce qui
définit parfaitement une situation, un état d’être, une vérité sans lesquels
nous ne saurions distinguer le bien du mal, le bon du mauvais, ce qui est à
faire ou non?
Bobin encore : « Les mots sont comme les gens. Leur manière de venir à nous
en dit long sur leurs intentions. »
Je me méfie de cette palette
de mots et d’expressions convenus. Ils sont les sésames qui ouvrent les
portes de la bonne pensée et qui ne s’animent qu’en tant que clichés et
banalités. Ils ne font qu’entretenir préjugés et généralités et se pervertissent
en incompréhension, impertinence et irrespect.
Il y a des mots qui se
méritent…
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