8 janvier 2010

L'immense petit

Le petit a de l'espace. Il prend ses aises, étend ses jambes sur un tabouret sans déranger, court partout sans rien briser. Il s’arrête et on ne s’en soucie guère puisqu’on ne le voit pas ou peu. Il se met au travail, s’active et on ne le perçoit pas plus pour autant.

Mais ce petit a aussi de l’influence. Beaucoup. Parce qu’il est le rejeton du vide et du silence. C’est sa grande force.

Les physiciens atomistes ont raison de s’émerveiller de la grandeur du microscopique. C’est le fondement de notre existence. L’atome explose de vie, tourbillonne, joue même à la cachette en se situant à plusieurs endroits à la fois.

Prenez l’humble pion dans le jeu d’échecs. Jouez cette pièce de manière inconsidérée à un moment crucial et même dans l’ouverture d’une partie et tout basculera. L’échafaudage s’écoulera sans possibilité de retouches, à moins que l’adversaire ne fasse la même erreur. Un grand joueur d’antan (Philidor) avait raison de dire que « les pions sont l’âme des échecs ».

Prenez cet exercice que l’on surnomme le « down-u » dans la pratique du tai-chi. C’est la répétition de s’accroupir et se relever en mettant les bras devant. Tout est dans la manière. Après l’avoir exécuté plus de deux mois, un instructeur averti nous suggéra, à mon groupe et moi, la plupart des novices, de basculer très légèrement vers l’avant lors de l’accroupissement. Miracle ! Ce peu, ce si peu a tout changé. Moindre énergie dans l’effort, ménagement dans les articulations et le dos.

Le petit fait l’ouvrage. Car il demande peu, il va sans dire. Et donne beaucoup…


« Les choses s’avancent vers moi. Toutes choses. Par leur silence, elles entrent en moi. D’abord par leur silence. Puis, leur lumière s’élabore en moi, discrète, infime, miraculée. Enfin, l’embrasement, l’éclair, le brûlant, le radieux. Ensuite, écrire. Seulement ensuite. Voilà, c’est tout. »

Christian Bobin, Souveraineté du vide.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire