10 septembre 2009

L'effet papillon


Dans les années soixante-dix, un chercheur en météorologie du M.I.T., Edward Lorenz, a mis en évidence ce qu'il a appelé "l'effet papillon". Il désirait montrer "qu'en dépit d'une accumulation de données précises, des causes insignifiantes et non perceptibles peuvent engendrer des conséquences imprévisibles. Ainsi, un battement d'aile de papillon au Brésil peut-il, quelques temps après, provoquer une tempête au Texas, se demande-t-il ?"

C'est beaucoup pour un simple battement d'aile. L'idée demeure évidemmment de bien nous faire comprendre le principe en cause. C'est aussi l'illustration de la théorie du "chaos".

Je me pose alors la question suivante. Est-il possible d'appliquer le même pricipe, c'est-à-dire une "sensibilité aux conditions initiales", quant aux actions et même aux pensées de l'être humain ?

Est-il possible même de trouver une réponse précise à ce sujet ?

Je veux cependant partager ce très beau conte trouvé dans l'inventaire d'Henri Gougaud et que je résume ici afin d'illustrer un état d'être engendrant des conséquences inattendues.

"Vers l'âge de vingt ans, Yunus Emré commença à parcourir les chemins du monde espérant trouver le maître qui le guiderait jusqu'à la vérité ultime. Après des années d'errance, il lui fut donné de rencontrer Taptuk dans un coin perdu du Turkestan. "

"Taptuk était aveugle. Lui aussi avait longtemps cheminé. Après bien des combats et des vicissitudes, il avait fini par se réfugier dans le désert pour construire une cabane, et bientôt d'autres chercheurs arrivèrent et le reconnurent comme leur maître. Avec le temps, un monastère s'érigea à la place de l'humble demeure."

"Quand Yunus parvint en ce lieu, Taptuk lui promit la vérité :"Elle te viendra peu à peu. Mais pour l'instant ton travail sera de balayer sept fois par jour la cour du monastère."

"Yunus obéit de bon coeur. Sept fois par jour, il balaya la cour. Une année passa, puis deux et trois. Il s'étonna alors que jamais personne ne lui adressa la parole. "Sans doute mon maître veut-il m'apprendre quelque chose, mais quoi, se dit-il." Un bon matin, il trouva :"Taptuk veut m'apprendre la patience !". Il jubila et se remit à balayer en chantonnant des mélodies qui lui venaient dans son coeur."

"Cinq années passèrent, puis cinq autres sans que ne change son sort. Alors, il désespéra :"Ne suis-je donc pour mon maître qu'un simple idiot recueilli par pitié et juste bon à chasser la poussière ?" Une nuit, après avoir longuement réfléchi, il lui vint l'idée que Taptuk voulait lui appprendre l'humilité et cette découverte l'apaisa de nouveau. Le lendemain, il reprit son ouvrage avec des gestes plus mesurés et, le coeur en paix, continua à fredonner des paroles qui lui venaient comme cela, avec bonheur, et qu'il laissait aller au gré des vents."

"Trois années encore il balaya la cour en fredonnant. Mais peu à peu sa confiance en Taptuk s'effrita, car personne encore ne l'écoutait ni lui parlait. Un soir, fatigué de cette existence, il décida de quitter ce lieu où il n'avait trouvé qu'amertume et mélancolie. Il marcha trois jours dans le désert, étant bientôt affamé et exténué. Il allait se résigner à la mort lorsqu'il aperçut au loin un campement. Il s'approcha. Il vit des hommes assis au seuil d'une tente et qui festoyaient en riant. Dès qu'ils aperçurent Yunus, ils l'invièrent à partager leurs provisions. Après avoir bien bu et bien mangé, Yunus osa enfin demander par quel miracle, dans ce désert, ils se trouvaient ainsi pourvus en nourriture si bonne et si abondante."

"Une voix nous a conduit ici, lui dirent-ils. Le vent, tous les jours, nous apporte du lointain les chants d'un saint inconnu. Il nous suffit de les écouter, de les chanter nous-mêmes. Aussitôt apparaissent devant nous tous ces mets succulents que vous voyez là."

"Yunus s'extasia et demada à ses compagnons s'ils ne pourraient pas lui apprendre ces chants nourriciers. Ils se mirent donc à chanter. Alors, Yunus bouleversé, entendit les chants qu'il avait lui-même fredonné en balayant si longtemps la cour du monastère. Ils étaient son oeuvre. Et sur l'intant, il comprit pour quel travail il était en ce monde. Il revint, honteux, à son monastère pour retrouver son maître qui l'accepta de nouveau après avoir tant pleuré le départ soudain du préféré de ses disciples."

"Il reprit son travail sans faillir un seul jour. Et ses chants s'élevèrent encore dans le ciel pour aller nourrir tous ces gens assez fortunés pour les entendre."


* Illustration de Mathieu Plante : www.mathieupdesign.com.

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