25 février 2010

La bibliothèque infinie

Je devais me rendre à la bibliothèque universitaire où j’avais étudié il y a plusieurs années. J’avais sélectionné sur son site web quelques livres pour poursuivre une recherche sur l’imaginaire. Bachelard, Jung, Gilbert Durand attendaient donc mon rendez-vous.

Sur place, je reconnus sans difficulté l’endroit que j’avais arpenté si souvent en début de vingtaine. Seuls l’accueil et toute la panoplie d’ordinateurs installés pour la recherche de documents témoignaient du bond quantique dans la modernité et apposaient un visage nouveau à l’ensemble.

Je tournai à gauche en direction des ascenseurs. En entrant dans l’une, je pesai sur le bouton 5e et attendis, seul, la montée vers le dernier étage de l’édifice, là où se trouvaient mes documents. Après quelques minutes, je m’aperçus alors que quelque chose n’allait pas. Le bouton lumineux du 5e était allumé et pourtant l’ascenseur continuait à monter de plus belle. L’inquiétude me gagna, suivit bientôt par la peur.

L’ascenseur s’arrêta finalement et la porte s’ouvrit. Avec appréhension, je fis quelques pas en avant. Il faisait sombre. Des débris jonchaient le sol où que je regardais. En retrait, à ma gauche, un mur de brique tenait encore debout avec peine, un trou béant en son milieu. Je le franchis avec précaution. Je dirigeai le regard vers mon point d’arrivée et vis que l’ascenseur était disparu.

Le silence régnait dans cette désolation. Je pensai alors que j’étais perdu. C’est à ce moment que j’entendis des voix accompagnées de rires quelques mètres plus loin. Je m’approchai lentement et vis alors deux hommes souriants qui devisaient ensemble. En m’apercevant, ils se dirigèrent tout de suite vers moi pour m’accueillir joyeusement, comme pour me rassurer. Le premier qui me serra la main était petit et trapu avec de larges épaules. Son visage rond et expressif rayonnait avec d’extraordinaires yeux bleus. Le deuxième, plus grand et filiforme, me regarda à travers ses lunettes déposées sur un nez long et mince. Une douce énergie émanait de lui et je remarquai que ses oreilles étaient dépourvues de lobes et venaient s’attacher en un triangle de peau à ses joues.

Il me sembla les connaître depuis toujours…

Puis sans tarder, ils me signifièrent de les suivre. Nous prîmes un long corridor et aboutirent bientôt devant une large porte en bois travaillé de motifs complexes. Le plus grand des deux hommes m’invita à entrer.

À l’intérieur, l’immensité. Je me tenais subitement dans une bibliothèque gigantesque, sans fin apparente. Un rayonnage de dix mètres de hauteur garni de livres s’étirant à ma gauche et à ma droite. Illimité. Une cathédrale, une bibliothèque infinie dédiée aux expériences et à la sagesse des hommes. Un de mes hôtes m’expliqua alors qu’à ma gauche se trouvaient tous les livres déjà écrits et qu’à ma droite il y avait tous ceux à venir.

J’étais émerveillé. Je me dirigeai vers la droite (comme de raison) et laissai mes doigts se balader doucement dans le rayonnage. Puis, au hasard, je retirai un livre de sa niche et demandai si je pouvais l’apporter chez moi. La réponse fut immédiate. Et positive.

Je sais que vous brûlez de connaître le contenu de cette œuvre du futur. Je la garde près de moi sur ma table de chevet et tous les soirs avant de m’endormir je lis quelques passages en me souvenant de ces hôtes magnifiques qui ont bien daigné m’ouvrir la porte de leur univers. « Tu es invité quand tu veux, m’ont-ils dit. »

Et je ne me prive pas d’y retourner…

Le titre du livre dérobé au temps : « Le chant des herbes folles ». Éditions Point-Virgule, 2027, 333 p.

C’est le récit de la vie d’un artiste avant qu’il ne meure en 2025.

Si vous saviez ce qu’il contient !

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