Je me suis posé cette
question : est-ce que tout est risible? Si oui, pourquoi cette
indécrottable tendance à tout prendre au sérieux?
C’est une affaire sérieuse…
Un proverbe de la tradition
juive nous dit ceci : "L’homme pense, Dieu rit !" Milan Kundera trouve
ce proverbe admirable : « L’homme pense et la vérité lui échappe, nous
dit-il, et plus les hommes pensent, plus la pensée de l’un s’éloigne de
l’autre. »
Le plus risible est d’abord
soi-même. Je me dois de me protéger de mes travers, de mes ambitions,
de mes certitudes et mes peurs. Pour ne pas trop m’abimer, je me suis alors inventé
un jeu. J’adore jouer. Ce n’est pas juste une détente, c’est pour moi un état
d’esprit à cultiver, une aptitude à capter la trivialité des choses et les
virer de bord. Le jeu consiste donc à me demander constamment : est-ce que
tu te vois aller? Est-ce que tu t’appartiens? Est-ce que tu reconnais avoir pensé
ceci ou cela? Pour la bonne raison qu’un sombre penchant m’entraine
généralement en direction d’une paresse rédhibitoire qui ne se lasse jamais de
me susurrer des mots doux, pour la bonne raison aussi que je ne peux m’empêcher
de répéter ce que j’entends et recueille au fil de mes lectures, et pour la
bonne raison finalement qu’il m’est difficile de ne pas me ranger derrière une
autorité reconnue lorsque vient le temps de répondre à certaines questions.
Croyez-moi le jeu en vaut la
chandelle.
Kundera nous dit avec
beaucoup d’à propos : « L’art inspiré par le rire de Dieu est,
par son essence, non pas tributaire mais contradicteur des certitudes
idéologiques. À l’instar de Pénélope, il défait pendant la nuit la tapisserie
que des théologiens, des philosophes, des savants ont ourdie la veille. »
Cette idée ne manque pas
d’audace. L’auteur en fait son leitmotiv en ce qui concerne l’art du roman. Peut-on
l’extrapoler pour ce qui touche la vie dans son ensemble? Je ne le sais pas.
Jouer c’est pour beaucoup se
jouer du risque. Il y a comme un élément de folie à tenir en compte. Jouer la
vie avec bonheur demeure-t-il donc possible? Surtout que la règle première
stipule que nous n’en sortirons pas vivants… Je ne peux que répondre pour moi.
Car il serait risible d’affirmer que tout ça est clair et que tous, d’une même
voix, devrions entonner la même antienne. Ce serait me contredire et me prendre
franchement au sérieux...
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