27 janvier 2011

Enfanter la sagesse


Émile

« Que serais-je devenu sans mes blessures, sans mes souffrances? Que serais-je devenu sans ces coups du sort, ces accidents et les innombrables défaites de ma vie? Que serais-je devenu sans mes blessures, sans mes souffrances? »

Léonard Cohen parle dans une chanson de cette fissure (dans les certitudes, les croyances) à travers laquelle passe la lumière. Elisabeth Kübler-Ross raconte dans un de ces livres sur la mort comment l’usure du temps, les intempéries ainsi que les indomptables forces de la nature ont su forger l’incomparable beauté du Grand Canyon.

La vie ne fait pas toujours dans la dentelle. Elle nous travaille au corps, gruge nos émotions. Elle sculpte nos formes avec de terribles coups de ciseaux. Jamais ne faiblit-elle dans sa lutte malgré nos « pardon mon oncle! ». Elle veut nous faire cracher le morceau.

Des fois je me demande, mais pas toujours, seulement en certains moments où l’angoisse finit par se frayer un chemin jusqu’au cœur, des fois je me demande, il faut peut-être me le pardonner, si nous ne sommes pas venus sur terre pour apprendre qu’une seule chose : le doute et la douleur, les longues nuits d’incertitudes et la peur qui nous tenaille lorsque rien ne va. Si nous ne sommes pas venus apprendre la faim et les privations, l’incompréhension et la haine proverbiale des hommes. Apprendre aussi à courber l’échine et perdre le peu de dignité qui nous habite. En fait, ne serions-nous pas tous venus apprendre à perdre, à tout perdre? Voilà peut-être le seul gain possible qui mériterait une médaille.

Je ne doute pas que ce n’est pas gai, que ce n’est pas simple…  

Mais à la fin, légers comme tout, dépossédés du superflu, nous l’adopterons cette chienne de vie, lui donnerons toute la place, si c’est ce qu’elle veut! Veut-elle nous voir sourire, nous sourirons! Veut-elle nous voir nous émerveiller comme au premier temps de l’enfance, nous faire renaître dans la beauté? Qu’à cela ne tienne!

Que serions-nous devenus sans nos blessures, sans nos souffrances? Je me demande.

Même si nous aimerions mourir de ne plus avoir à vivre cette douleur de vivre et de mourir.


26 janvier 2011

"Coup de sonde par-delà le moi"


Un mot sur Charles Taylor.*

J’ai déjà fait mention de ce philosophe québécois de réputation internationale dans un texte précédant. Une recherche récente m’amène à en parler de nouveau, car il y a un trait de sa pensée qui le particularise et que j’aime bien.

La poésie (je nomme cela l’esprit poétique ou capacité d’émerveillement, évitant le fait de désigner exclusivement l’écriture ou la lecture de poèmes) tient chez lui une place privilégiée. Ceci l’honore. Surtout dans le clan des philosophes qui, d’après mes préjugés, sont avant tout des êtres de raison… Mais je ne suis pas surpris. Un philosophe est aussi un être humain et « rien de ce qui est humain ne doit nous être étranger » après tout!  

Selon lui, la poésie vaut son pesant d’or du fait qu’elle évoque quelque chose par-delà le moi.  Pour bien préciser sa pensée, il cite cette définition de Wordsworth : « La poésie est le débordement spontané des sentiments puissants… » 

Cet extrait du poème Tintern Abbey écrit par l’auteur anglais du 18e siècle nous en donne un exemple :

D’une présence qui me trouble, d’une joie,
Des hautes pensées; un sens sublime
De quelque chose, si profondément confus,
Qui habite la lumière des soleils couchants,
Et l’océan entier, et l’air vif,
Et le ciel bleu et l’esprit de l’homme :
Un mouvement et un esprit qui anime
Tout ce qui pense, tous les objets de la pensée,
Et roule parmi toutes choses. 8

Pour Taylor, ce poème est un coup de sonde par-delà le moi...

Ce serait incontournable dans sa pensée, car d’après lui il y a une différence essentielle entre individualisme (ce Moi humain en recherche constante) et égocentrisme ou narcissisme (ces couches superficielles de la personne).

La distinction est importante. Chercher à se réaliser n’a rien de négatif ou même d’improductif. À ce compte-là, nous devrions empêcher tout étudiant en médecine ou en génie de ne penser qu’à eux durant leurs années à plancher sur leurs cours. Même chose pour les artistes, les athlètes, les chercheurs. Et que dire de tous ces « nostalgiques de l’être » qui délaissent les préoccupations terre-à-terre pour se vouer corps et âme à leurs questionnements existentiels ou à un approfondissement spirituel?

Je comprends la confusion. J’admets plus difficilement que des intellectuels, acteurs sociaux et autres « collectifs » l’entretiennent en parlant sans nuance de ces individualistes à tout crin que ne se préoccupent que d’eux sans partager leur vision romantique d’une société plus juste et égalitaire. Ce préjugé est tenace.

Je plaide le fait que c’est en nous réalisant pleinement, devenant ainsi des êtres uniques, responsables et autonomes que nous avons le plus d’influences positives sur la société. En cas contraire, nous devenons des fardeaux.


http://agora.qc.ca/documents/Charles_Taylor--Charles_Taylor_ou_la_passion_du_juste_milieu_par_Jacques_Dufresne

24 janvier 2011

Signes des temps...


Nathalie Portmann

Courez voir le film « Le cygne noir »!

Mais ne vous attendez pas à une comédie romantique et sentimentale ou à un divertissement rose bonbon facile à digérer. L’œuvre du réalisateur Darren Aronofsky dérange et assène un coup de poing direct au plexus qui risque d’en ébranler plus d’un.

Exacerbé par une situation hors de l’ordinaire, tenir un premier rôle dans un ballet, le personnage principal du film se transforme littéralement sous nos yeux, à l’image de la symbolique des cygnes blancs et noirs qui représentent le thème principal de la danse en question.

Dans la vie, ce personnage joué par Nathalie Portmann est un être tout en fragilité, timide, blanc comme neige et refoulé. Et ce qui n’arrange rien, la danseuse demeure encore avec une mère étouffante et « borderline » qui fait tout pour l’infantiliser et l’empêcher de s’épanouir.

Tous les ingrédients propices à un déséquilibre psychologique sont là.

Le personnage veut atteindre la perfection dans la danse, mais n’y arrive pas. C’est le nœud du problème. Elle peut danser à merveille le rôle du cygne blanc, comme lui mentionne son chorégraphe. Il n’y a pas de doute. Pourra-t-elle cependant endosser celui du cygne noir? C’est ce que le film nous dévoile.

Je ne sais pas si le réalisateur connaît Jung, le médecin suisse qui a si bien sondé l’être humain en profondeur. C’est lui qui a mis en évidence le côté sombre et nébuleux de notre être. Il l’a appelé « l’ombre ». Si cette ombre n’est pas reconnue et acceptée en nous-mêmes et pour ce qu’elle est, nous dit-il, elle n’aura de cesse de vouloir s’affirmer et pourra nous conduire, à notre insu, à des comportements aberrants, exagérés et incontrôlés. Tel projeter chez l’autre ce mal qui nous ronge méticuleusement, sans en prendre conscience.

Jung nous avertit aussi qu’il ne faut pas viser la perfection. Elle est inatteignable. Nous devons plutôt tendre vers la totalité de notre être. Ne refusant pas aussi notre humanité, ne nous mettant pas au-dessus d’elle.

C’est ce que cette fiction nous démontre avec maestria.
   

Trous

« C’est à cela que sert la fiction, combler les trous de l’ignorance par l’imagination. »

Charles Dantzig, Pourquoi lire? Grasset p.225

18 janvier 2011

Guerriers blancs

La vie est mal faite. Prenez les feux de l’hiver qui brûlent chaque particule de l’air à la ronde. On a envie de protester. Et nous protestons vivement, surtout lorsque ça nous démange de sortir dehors même si la température oscille dans le moins 92, environ… On se dit : « L'hiver ne nous aura pas, on est dans un endroit civilisé, on est chez nous tout de même! »

Lorsqu’il s’installe, le froid est brutal. Il t’engourdis comme pas un ce corps et cette âme qui l’osent l’affronter sur ses terres à lui.

La froidure de nos hivers québécois n’est pas un mythe. Elle peut bien essayer de nous jeter à terre si elle en a envie, et elle ne se gêne pas. Mais la résistance s’est organisée à la longue, et elle est forte maintenant.

Nous avons appris à maîtriser cette froidure, à lui parler doucement, à lui signifier que nous n’avons rien contre elle. Tu veux t’exprimer? Grand bien te fasse. Mais tu ne gagneras pas.

Une trilogie a marqué mon enfance : bout d’oreilles et joues blanchis, brûlure infernale et pleumer les peaux mortes. C’était comme ça. Ça nous a rendus plus forts.

Nous sommes maintenant des guerriers blancs.

Les odeurs de l'écriture

« Le mot écrit est faible. Beaucoup de gens lui préfèrent la vie. La vie fait courir le sang dans les veines et elle sent bon. L’écriture n’est que l’écriture, la littérature n’est que… Elle séduit seulement les sens les plus subtils — la vision de l’imagination, l’ouïe de l’imagination — ainsi que le sens moral et l’intellect. (…) L’oreille du lecteur doit se déshabituer de la vie tonitruante pour saisir les sons subtils et imaginaires du mot écrit. »

Annie Dillard, En vivant, en écrivant.

12 janvier 2011

Lettre à Cela

Tu dois te souvenir de ma première missive écrite alors que j’avais dix-sept ans? Je commençais par ces mots : « Quel affreux désordre, quel pandémonium, quel gâchis! Le monde, ton monde, est une poubelle! Et toi qui ne fais rien, accoudé à la passerelle à regarder ce spectacle désolant. » Nous étions dans les années 70 — je sais, pour toi le temps n’existe pas, il est superflu, mais pour nous, pauvres mortels, tu ne peux pas imaginer comme il est terrible! — c’était la drogue, la guerre au Vietnam, la « guerre froide », avec ce fléau de la bombe atomique suspendu au-dessus de nos têtes.

Je ne comprenais rien à tout cela, je ne comprenais rien à la vie, point!

Je ne comprenais rien et je désirais fuir. Par tous les moyens. Fuir cette violence, fuir l’imbécillité, fuir la conformité. J’ai donc fui, pour me retrouver ensuite au même endroit, à la même place qu’avant. Mais avec un mal de tête et ce même devoir de vivre…
                                                                                                            
Tu as dû constater que, petit à petit, après mon grand chahut (si minuscule pour toi, je sais) que je ne regrette pas, car il m’a fait du bien, l’effet d’une catharsis comme on dit, petit à petit donc, j’ai regagné la portion de terre qui m’était destinée. Il y avait un travail à accomplir…

Pas facile, non. Tu as toujours mis la barre très haute. J’ai accepté, graduellement encore une fois — car, tu vois je suis lent et lorsque je me presse je fais alors du sur place, ou pire, je recule – que je suis ici, maintenant, pour comprendre, pour expérimenter. Pas juste moi, nous tous, ensemble, partout dans notre grand jardin où fleurissent beauté et laideur, désirable et indésirable, bonnes et mauvaises herbes.

Je dois te le dire, je sais que tu veux que je te le dise, j’ai tellement peiné, j’ai tellement pleuré à fouler ta terre. Elle qui m’a tant donné; qui m’a tant appris et qui a fait naître en moi un tel sentiment d’humilité. J’ai fini par me tranquilliser…                                                                                                                                  
Là, ensuite, je sais que tu m’as proposé de résoudre un paradoxe. J’ai senti comme un coup de coude venant de l’intérieur et j’ai pensé que ça venait de Toi, vu que justement cette tranquillité m’habitait. Est-ce exact? Peu importe… Une chose est sûre, l’impulsion n’a jamais cessé et me dit chaque fois davantage de me passionner pour cette vie.

Me passionner tout en demeurant paisible, dans la demeure de la tranquillité, voilà la proposition, me semble-t-il.

Je ne sais pas, je ne sais toujours pas si j’ai réussi à résoudre cette quadrature du cercle. En tout cas, chemin faisant, je peux t’assurer que j’ai cessé de chercher des excuses à mes gestes, à mes paroles.

Il y a eu purge. Et cette purge achevée, le travail a pu reprendre, sans attente, mais avec une certitude en filigrane : cette vie est précieuse, c’est un bijou, un miracle.

L’abandon à la vie n’est jamais simple. On s’attend à la beauté, à la bonté. N’ont-ils pas tous déclaré que Toi, Dieu, comme ils aiment te nommer pour se rassurer, tu es cette bonté infinie et que dans le sort de tes mains nous pouvons naviguer à l’abri de toutes vagues traîtres? Je n’en crois rien. On ne s’abandonne qu’à nos risques et périls. Tu veux le meilleur de nous-mêmes. Tu veux le courage, la profondeur, la sagesse. Tu es le combustible qui alimente un feu qui nous dévore. Tu es la cendre de nos illusions qui s’envolent, soufflées par les grands vents venus d'ailleurs. Tu veux un être à nu qui ne cille pas devant un monde qui rugit et qui tonne. Tu veux une mort et tu veux la vie.

Tu es Cela.

C’est ton nom, pour moi.

Je pourrais te nommer autrement, employer mille noms obscurs. Je pourrais inventer des codes secrets, des allusions mystérieuses, choisir des mots inconnus. Je pourrais m’amuser toute une vie à fabuler, et si la peur me gagnait, me recroqueviller à jamais dans la chaude candeur des tristes croyances.

Tu préfères que je me taise, que je ferme les yeux et que j’écoute. Oublie-toi, me suggères-tu sans cesse. Vois, connais, sois simplement toi-même libre et heureux. N’aie pas peur, ris, ris un bon coup! Et puis fais-toi plaisir : trompe-toi dignement, avec grâce, sans jamais faiblir.

Maintenant je me demande si je joue bien l’atout dans mon jeu. Est-ce que je vis et maîtrise ce destin qui m’est dévolu? Pourrais-je faire mieux? Je te pose ces questions et je sais pourtant comme elles demeurent ridicules. Allons donc! Je fais toujours du mieux que je peux, compte tenu des circonstances du moment, compte tenu de mes forces et faiblesses du moment. Le jeu se joue toujours au présent. Nul n’est un pur esprit. La vie se vit toujours au présent, on n’y échappe pas. Nous faisons toujours pour le mieux. Et personne ne doit dire si c’est peu ou beaucoup. J’exagère? 

Je me demande si tu n’es pas seulement celui par qui les problèmes surgissent. Problèmes que nous dénouons par la suite en posant davantage de questions. Qui sont à leur tour répondues par une accumulation d’autres problèmes. Ainsi de suite. Ce qui demande de bien affûter son sens de l’observation, d’écouter et d’écouter encore. D’embarquer quand le train passe et d’aller là où la foule ne s’agglutine pas. De se libérer de la peur, le véritable ennemi qui ronge notre cœur. D’aimer, se passionner pour un genre de vie unique, celui d’un guerrier solitaire.

Je ne continue pas moins de m’en remettre à toi, l’obscur. De m’en remettre à toi, le lumineux. Tu es dur en amour, mais comment ne pas pardonner à celui qui te propose tant d’expériences captivantes?

Je m’en remets à Toi.

Être au monde

« Si nous ne pouvons maîtriser le monde, ce qui, soit dit en passant, est aussi bien pour lui que pour nous, nous pouvons vibrer avec lui, comme les étoiles scintillent, comme les vagues de la mer ondulent, comme la pluie tombe. »

Pierre Bertrand, Pour l'amour du monde, Liber.

7 janvier 2011

Observer

« À présent, c'est le coucher du soleil. Les montagnes prennent des tons chauds au moment où l'air se refroidit, et sur la terre une rougeur brûlante s'intensifie. “Observe” disait Léonard de Vinci, “observe dans les rues au crépuscule, lorsqu'il y a des nuages, la beauté et la tendresse qui se répandent sur le visage des hommes et des femmes.” J'ai vu ces visages, lorsqu'il y a des nuages, et j'ai vu aussi, au couchant, un beau jour d'hiver, des maisons, oui, des maisons tout ordinaires, dont les briques étaient des charbons ardents et dont les fenêtres flambaient. » 


Annie Dillard, Pèlerinage à Tinker creek.

6 janvier 2011

Matutinal





J’ai les matins enjoués.


Une force m’empoigne et m’exhorte à une levée qui a du cœur, à une levée qui soutient le parcours de la lumière que je vois naître à travers les rideaux de ma chambre. Il m’arrive de croire, comme cet indien pueblo que Jung avait rencontré un jour lors d’un voyage dans le sud des États-Unis, que je collabore moi-même à la lente éclosion de cette lumière issue du soleil. Une sorte de participation mystique qui donne tout un sens à la vie, il faut l’avouer. Mais l’être de raison que je suis fais vite tut tut tut, ça ne tient pas debout ce que tu penses là! Justement, la folie douce issue de rêves de toute une nuit continue son chemin et s’évertue à me jouer des tours.

Le matin, au réveil, ma raison dort…

Les couvertures de mon lit remontent le chemin du désordre et, d’un bond, je franchis alors la ligne de flottaison qui me séparait du monde.

C’est ce moment que j’aime.

Une sorte de feu m’incite à envahir et explorer en détail un terrain de jeux sans pareil. J’oublie toutes mes blessures et les souffrances passées et présentes pour m’aventurer dans cet étroit passage que constitue la vie. J’ouvre les yeux, les oreilles puis je m’enfonce sans peur dans les périls de l’existence. Souvent une musique ou un air m’accompagnent qui me donnent un rythme et me soutiennent. Cette sonorité jaillit chaque fois de nulle part et me conduit là où souvent je m’y attends le moins. Je pense alors à Rumi, le grand poète soufi, affirmant qu’il y a un secret dans le rythme et que s’il le dévoilait cela changerait la face du monde.

Je sais la vie difficile, semée d’embûches, parfois insupportable. Au réveil se joue un drame dont l’ampleur me surpasse. Mais je sais aussi qu’il y a toujours une lueur et un rythme qui nous enroulent et nous bercent, nous informant que nous ne sommes jamais seuls. Ces deux forces tardent à nous connaître.

La vraie folie est de les ignorer.       

5 janvier 2011

Allez, debout!

« Quand arrive la muse, elle ne vous dit pas d’écrire; elle dit lève-toi donc une minute, j’ai quelque chose à te montrer, allez, debout! » 

Annie Dillard, Pèlerinage à Tinker creek

3 janvier 2011

Machine à souhait

Avec le changement d’année, il est d’usage d’émettre certains souhaits lorsque nous rencontrons quelqu’un d’autre. Nous serrons la main ici, embrassons là et puis vient le moment de dire ce que nous aimerions que cet autre acquière ou conserve pour les temps à venir.

Nous faisons un vœu, et un bon…

Il y a bien sûr un automatisme dans ces souhaits du jour de l’an. Plus jeune, j’entendais le régulier : « Du succès dans tes études ou dans tout ce que tu entreprends! » Il y avait aussi ce merveilleux « paradis à la fin de tes jours! » que nos grands-parents dispensaient d’un bord et d’autre.

De nos jours, la tendance va à la santé. Oui, la santé! J’ai entendu il y a quelques jours un animateur télé nous gratifier de cette tirade bien sentie : « Je vous souhaite de la santé à tous, le reste on peut se le payer! » Je rencontre mon voisin, vœu de santé. Confrères de travail : santé.

Je suis à peu près certain que la santé fait encore partie des « tops souhaits » pour l’année nouvelle. Et c’est normal, car la santé fait partie des nouvelles toute l’année. On en veut, on en mange, on ne pense qu’à cela. Est-ce le nouveau sésame qui ouvre la porte du bonheur? 

Une fois, pour faire contrepoids, j’ai souhaité de la liberté à quelqu’un. Je vous jure que ça passe difficilement. Les yeux deviennent bizarres, les mains moites, petit sourire en coin et… changement de sujet. J’ai aussi pensé offrir du sens à la vie, mais je n’en ai pas le courage, et embarrasser l’autre me gêne.

Pour tout dire, j’envie un peu le distributeur de souhait automatique. On le rencontre, la machine s’allume, le souhait arrive. Vite fait, bien fait! Moi je n’y arrive pas. Ça ne décolle pas. J’ai beau préparer une formule gagnante, rien ne sort le moment venu. Je rencontre quelqu’un, j’essaie plutôt de trouver un vœu personnalisé, quelque chose de senti et hop c’est lui qui m’entortille du sien. Les gens sont rapides comme l’éclair, comme pour me narguer...

Et moi, piteux, je finis toujours par dire : « Ben toi pareillement! »

Trésor

« Peu importe ce que le monde pense de l’expérience religieuse, celui qui l’a faite possède l’immense trésor d’une chose, qui pour lui, est devenue une source de vie, de signification et de beauté et qui a donné une nouvelle splendeur au monde et à l’humanité. »

Carl Jung