20 décembre 2011

La cité des prisonniers


Le jeune homme se tenait droit debout au milieu de la prairie. Il était seul. Il contempla quelques instants les hautes herbes qui ondulaient gracieusement au gré du vent, jusqu’à ce qu’il remarque cette cité plus au loin sur sa droite. Il aurait aimé baigner encore un temps dans cet océan d’herbes, mais quelque chose l’attirait vers la ville, une attraction indéfinissable.

Entraîné par le vent, il se retrouva à l’intérieur des murs de cette cité qu’il ne connaissait pas. Le jeune homme était curieux et dans l’expectative. Il sentait en lui toute la force d’un amour inébranlable, l’absence totale de peur et le pouvoir lumineux que confère une liberté sans limites. Ce sentiment puissant lui était apparu soudainement en mettant pied dans ce nouveau lieu. Rien ne pouvait vraiment le décrire. 

Il parvint bientôt sur une grande place entourée de tous côtés par les devantures en pierre de hautes résidences à étages avec leurs minuscules balcons en encorbellement ou garnies de simples fenêtres. Vers sa gauche, il aperçut ensuite un large escalier longeant la façade de plusieurs maisons et se terminant juste devant une porte monumentale en bois massif haute de dix mètres environ. Il s’avança lentement dans cette direction puis s’arrêta en face des quelques marches à gravir.

Un individu apparut au même moment. Il était habillé d’une toge blanche et portait une longue barbe de patriarche. Il s’arrêta net en haut des marches face au jeune homme. Immédiatement ce dernier décela dans le regard de l’occupant la marque de la suspicion, de la méfiance et même du mépris. Sans dire un mot, le jeune homme gravit lentement les marches, leva sa main droite à hauteur des yeux puis, d’un simple mouvement des doigts, intima l’autre de se tasser et même de quitter l’endroit. Il acquiesça sur le champ, sans broncher, ni même insister...

Le jeune homme s’approcha de la grande porte. Il la regarda attentivement. Elle s’ouvrit. Il pénétra à l’intérieur d’une grande salle peu éclairée, sans fenêtres, ni attraits particuliers. Il vit alors, en retrait au fond de la salle, une assemblée de femmes et d’hommes de tout âge. Ils étaient assis par terre, immobiles et en silence. Ils semblaient attendre. Tous étaient habillés de vêtements usés, troués et sales, prostrés dans une sorte de déchéance dont ils ne voyaient pas d’issue. À l’arrivée du jeune inconnu, ils se levèrent d’un bond. Ils l’entourèrent, devinant qu’il était celui qui apportait une délivrance. Le jeune homme esquissa un sourire puis toucha d’un seul doigt posé sur leur épaule chacune des personnes détenues dans cette prison. La porte étant ouverte, ils pouvaient désormais s’en aller, mais pas avant s’être d’abord émerveillés de constater que leurs vêtements étaient redevenus impeccables à la suite du toucher de l'inconnu.

Le jeune homme sortit à son tour, s’en alla s’asseoir sur un banc situé au milieu de la grande place. Lui vinrent alors à l’esprit ces mots lus maintes fois et qu’il avait longuement médité, ces mots écrits des mains mêmes de son ami et maître pour les hommes et les femmes qui désespèrent de leur condition. « L’homme est un dieu vêtu de haillons, un roi déchu prosterné devant ses propres sujets; il pourrait être libre, mais il préfère la prison de sa propre ignorance.»

Fatigué, il se reposa de longues minutes en silence. Puis un vent doux vint lui chuchoter à l’oreille qu’il était temps de repartir.

Un dur destin l’attendait.

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