22 novembre 2011

Une chorale d'oiseaux


Ils surgissent à tout coup en bande, une dizaine environ à la fois. Je les rencontre lors de mes déambulations à travers les rues ou les parcs, à l’épicerie. Leur démarche est caractéristique, plutôt gauche et désarticulée comme si des fils invisibles les soutenaient. Ce ne sont pas des pantins. Cette bande qui avance lentement et entourée d’accompagnateurs, chaque fois elle me fait sourire, chaque fois une sorte de tendresse surgit en moi et vient les étreindre.

Ils sont adolescents ou jeunes adultes pour la plupart, mais dans leurs yeux et leurs baragouins il est facile de déceler la couleur de la petite enfance. Lorsque je les croise, un des leurs m’envoie la main, un autre peut me lancer un gros allo bien sonore. L’autre jour à l’épicerie quelques-uns me suivaient en ligne près du comptoir de paiement. Dans leurs mains chacun tenait un item, un trésor unique à apporter comme nourriture. Je les ai observés attentivement. J’ai vu de jeunes êtres humains dans toute leur innocence et leur vulnérabilité. Mais encore une fois, je n’ai pu m’empêcher de sourire à leur étrange beauté. Ils me fascinent.

Cette existence d’être humain handicapé, cette existence saugrenue, irréelle, désavantagée, que vient-elle me dire? Je l’observe et me tais. Ces êtres humains existent parce qu’ils existent, il n’y a pas de pourquoi. « La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit », nous dit Angelus Silesius.

Tout de même.

J’essaie de pénétrer ce mystère et n’y arrive pas. Que reste-t-il dans un être humain quand l’intelligence n’y est pas, ou si peu? Comment voit-il son entourage? Les émotions sont-elles amplifiées? À quoi rêve-t-il la nuit?

Je peux imaginer la folie et la détresse profonde de la dépression. Je peux comprendre un handicap physique grave, être aveugle, sourd, paraplégique et j’en passe. Mais un individu est-il dépourvu si grandement de possibilités lorsqu’il conserve toute sa vie l’intelligence d’un enfant? Qu’apprend-il? Peut-il tout de même se réaliser? Est-ce que cette dernière question est absurde? Impossible d’être taxé d’anthropomorphisme ici, je parle d’un autre être humain.

J’aime ma petite bande. C’est ma chorale d’oiseaux. Voilà.

  

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