10 novembre 2011

"Terre du Milieu"


Ne reculant devant rien, nous partons en direction des montagnes qui longent notre grand fleuve. La journée s’annonce favorable, un vent calme, un soleil plein d’ardeur. Nous gagnons les Caps. Les Caps, dépassé la Côte de Beaupré, qui nous attendent bien sagement avec leur majesté qui en impose, vu leur hauteur, vu leur beauté.

Juste au début du sentier, je découvre gisant par terre un bâton de marche, parfait pour ma grandeur, solide, avec une encoche sur l’extrémité pour facilité la grippe. Comme s’il m’attendait lui aussi.

La première demi-heure, nous la grimpons à pic. Nous soufflons, nous peinons.

Pourquoi cette souffrance? Pourquoi s’échiner contre la gravité? Parce que là-haut le spectacle de l’immensité, du silence et de la beauté nous envahit et vient effacer d’un coup le portrait factice que nous avons de nous-mêmes. Un grand corbeau nous salue au passage de sa voix grasse. Tout autour de nous est grandiose.

Nous sommes petits comme des hobbits, marchant sur la Terre du Milieu et profitant pour le mieux du « temps qui nous est imparti », comme le suggère Tolkien. L’image de ces petits êtres pleins d’entrain et de courage, mais enclins aussi à la paresse, à la gourmandise, joueurs et querelleurs, n’est pas sans rappeler notre propre condition. L’auteur du "Seigneur des Anneaux" a vu juste. Dans la marche sur notre propre destin nous sommes bien minuscules et remplis de contradictions.    

Nous sommes seuls. Nous contournons bientôt la montagne qui surplombe le Cap Rouge. Plusieurs grands arbres sont couchés par terre, rendant plus difficile notre progression. Pourquoi ces efforts insensés, pourquoi ce combat permanent contre l’inertie? Le cours d’un petit ruisseau nous révèle sans doute une part de la réponse, celle d’un rendez-vous unique et précieux avec la musique et l’intelligence créatrice de la nature sauvage.
 
Nous longeons ensuite une longue paroi rocheuse et lisse à notre gauche. Je songe encore une fois aux hobbits. Je jette un regard sur cette paroi à la recherche d’une porte qui nous conduirait à l’intérieur de la montagne, un accès aux forces souterraines, à ses immensités. Et je souris à ma folie...

Juste après, un bataillon d’elfes de la forêt nous envahit de tous côtés. Ils nous précèdent en sautillant d’arbre en arbre. Petits êtres agiles et pleins de gaité, les chardonnerets des pins nous conduisent droit au paradis et chantonnent pour nous des airs d’éternité.

Mon bâton a tenu le coup. Je le garde avec moi, son pouvoir est indéniable.

Il faut voir comment il a pu me transporter des Caps jusqu’à la « Terre du Milieu. »!  

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