2 septembre 2011

Le chant du grillon

En faisant la file devant l’entrée d'un restaurant, j’écoute le chant des oiseaux et celui du grillon. L’endroit est magnifique, en campagne sur l’Île d’Orléans, et la température, idéale faut-il le dire, nous aide à patienter. Je me prends d’imiter les chants entendus, le grillon surtout. Autour de moi les gens causent ou salivent en silence, anticipent. Moi je m’applique à mon chant et l’air, tout à coup, devient soyeux, léger. Il m’enveloppe tout entier puis rebondit dans quelques interstices laissés entrouverts au-delà des visages impassibles.

On frappe à ma porte, j’ouvre et le vent s’engouffre. Qui est-ce? Celui qui n’a pas de nom…

Suis rassuré.

Il me dit en chuchotant qu’il aime le chant du grillon que j’imite. Il m’exhorte à continuer, la tâche est sérieuse. Il me répète, une autre fois encore, de lui faire confiance lorsqu’il me dit laconiquement que "c’est sérieux lorsque rien ne semble sérieux et que ce n’est pas sérieux lorsque nous sommes sérieux."

Est-ce vrai? Je continue à pratiquer quelques stridulations, à faire honneur au dieu grillon, chercher la bonne note. Mais que suis-je donc? Un homme qui rêve être un grillon ou un grillon rêvant qu’il est un homme?

La file d’attente se résorbe lentement. Une jeune fille souriante vient ensuite nous dire de prendre place pour le repas. Je réintègre le monde.

Pratiquer le chant aiguise l’appétit.
    

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