11 septembre 2011

Le chiffre 11

Que pourrais-je ajouter de plus sur cette journée malheureuse? Tant de choses ont été dites et écrites. Voici mon témoignage. Humble.

Quelques jours auparavant, on m’avait demandé de faire un exposé sur la joie et le développement spirituel dans le cadre d’un séminaire en région. J’avais accepté avec plaisir, loin de me douter de la secousse à venir. Mais l’impensable survint…

Je m’en souviens comme si c’était hier. Le 11 septembre 2001 me jeta à terre. Je ne pus remplir mon mandat comme de raison — faire une conférence sur la joie dans de telles conditions me rebutait, je me sentais d’ailleurs vidé de cette substance. Je demeurai bouleversé pendant de longs mois.

Comment expliquer l’émotion lorsqu’une onde de choc te transperce de part en part? C’est comme tenter de décrire à un auditoire ce que tu ressens de ta propre mort au moment même où elle se produit et dans les minutes qui suivent.

L’indignation viendra plus tard.

Je ne porte pas en moi le gène de la révolte ou de cette indignation volage que l’on brandit comme un drapeau à chaque événement inhabituel qui relève de l’injustice ou d’un mal incompris. Ce monde est imparfait et nos propres vies sont là pour le démontrer. J’ai pourtant avalé de travers cette grosse bouchée (boucherie) indigeste qu’on me força à bouffer ce jour-là. Pendant plusieurs jours je n’ai cessé de geindre : « pauvre humanité qui se plait à tuer ses propres enfants comme si c’était du menu fretin ». Est-ce que c’est prendre soin du monde ça? Est-ce que c’est prendre soin de la vie, est-ce que c’est une tentative de l’améliorer?

Je fus envahi par un questionnement que je savais sans réponses valables. Indignation?

Pour nous tous, êtres humains, la réalité est déjà tragique en soi avec son lot de maladies, d’accidents, de cataclysmes naturels. Pourquoi faut-il que nous en rajoutions en nous entretuant bêtement? À partir de combien de morts une cause ne vaut plus la peine d’être appuyée? Est-il nécessaire de toujours insister sur nos différences (religions, races, langues, etc.) pour ensuite nous dénigrer et enfin chercher à nous éliminer complètement, car nous faisons ombrage à l’autre, que soi-disant nous l’empêchons de s’épanouir? Nous cherchons désespérément à résoudre le problème de la souffrance. Et comme il n’y a pas de réponses adéquates, universelles, faciles (nous aimons tellement la facilité) nous préférons utiliser la violence, jouer au plus fort, éliminer l’autre. Voilà peut-être la seule et véritable tragédie : l’absence d’effort, la paresse, le manque d’imagination dans la résolution des problèmes communs. Nous préférons jouer aux gros bras ou bien nous baissons ces mêmes gros bras en jurant qu’il n’y a que la main de Dieu pour nous sauver. Nous pensons jouer une partie à l’échelle planétaire, une partie dont la règle première est celle-ci : il n’y a pas de règles, c’est le plus puissant qui gagne. Certains prennent le jeu au sérieux, bombent le torse et détruisent tout sur leur passage, la fin justifiant bien sûr tous les moyens. D’autres, moins agressifs, se résignent et abandonnent leur sort dans les mains des plus intelligents, dans l’attente d’un deus ex machina les délivrant de l’obligation de jouer le jeu sans risques. Mais pourquoi ces extrêmes? N’y a-t-il pas un juste milieu?

Mon esprit s’est même permis de délirer en imaginant tout de sorte de subterfuges pour enrayer la haine des hommes envers son semblable. Ne voit-on pas que nous sommes tous pareils, embarqués sur les mêmes eaux? Non, semble-t-il. J’ai donc rêvé des envahisseurs venus de planètes lointaines, des envahisseurs tellement différents de nous cette fois-ci que nos pseudo différences humaines, celles que nous érigeons sur un piédestal pour nous démarquer et nous valoriser, fonderaient comme neige au soleil devant l’évidence.

Après le 11 septembre 2001, je me suis perçu comme une épave à l’abandon sur une mer démontée. Des requins, à ma droite et à ma gauche, me suivaient et attendaient le moment où j’abandonnerais mon navire et mon courage. J’ai longtemps senti le souffle des prédateurs.

Superstitions et chiffre 13 ne m’ont jamais intéressé.

Le 11?


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