2 mars 2012

"Tinta-marre" de la grande cacophonie.


J’ai devant moi le billet retentissant de Denise Bombardier que j’ai découpé du Devoir le 26/02/2012. Madame Bombardier est indignée, et c’est peu dire. Elle nous fait une de ses montées de lait qui vaut le détour, du genre dont elle nous a déjà habitués auparavant. Je crois tout de même que nous devons la lire avec attention et respect. Le titre : Marre!

Comme un grand "chant d’épuration…"

Je ne vais pas énumérer ce qui la hérisse. Elle l’énonce clairement, beaucoup mieux que je pourrais le faire. Je suis en tout point d’accord avec elle, mais je ne veux pas en rajouter. Je retiens tout de même sa ferveur, son intensité et surtout ce final qui en donne la raison : « Eh bien, c’est parce que j’aime cette terre où je suis née de tout mon cœur et de tout mon esprit que j’en aurai encore et longtemps marre de la tentative d’abêtissement et de rapetissement de la société par des douaniers autoproclamés. »

N’empêche. Il m’arrive de penser que l’envie d’en découdre avec l’autre (les gens, la population…) est plus forte que nous, et qu’au prélude de solutions envisagées à divers problèmes cet « autre » porte toujours une lourde responsabilité sur ses épaules.

Depuis peu, je ne cesse d’entendre une petite phrase sibylline qui se déroule tout en délicatesse sur le pourtour de ma conscience. Elle apparaît en douceur, de toute évidence afin de ménager ma susceptibilité. Elle me dit ceci : « Ne prend pas de chance, cesse de penser ».

Ouch!

Facile à dire. Penser demeure en quelque sorte notre seconde nature à tous. Quant à moi, j’aime bien me raconter des histoires, me donner le beau rôle, m’en faire accroire et m’apitoyer sur mon sort, si ce n’est créer mes propres peurs de toutes pièces. Le flot d’images et de pensées circule en continu tel un récit dont je perds parfois le contrôle. D’où cette petite voix qui m’exhorte de faire attention : « Ne perd pas le fil, économise ton énergie, envisage une écologie de ton monde intérieur, car là aussi la pollution par le bruit existe et c’est même elle qui finit par se répercuter à l’extérieur par des hauts cris ».

Il y a beaucoup de bruits, dans les médias, à la télé, il faut l’admettre. Et Madame Bombardier ne fait que nous le souligner… en criant. Mais comment faire autrement si on veut se faire entendre?

Si d’aventure je persiste à penser, il le faut bien puisque j’écris, je me dis qu’il est toujours permis (est-ce la dernière des libertés?) et possible de m’éloigner des généralités, systèmes de croyances et idées à la mode. Et surtout, je me dis (quelque chose me dit) que je dois faire attention pour ne pas m’enliser, peut-être par découragement ou facilité, dans le trivial, le rabattu, les canulars, l’humour bitch et carnassier, parce que, de toute façon, il n’y a plus rien à croire dans ce monde de plus en plus complexe, que tout se vaut et que nous pouvons dire n’importe quoi.

En sixième année, à l’élémentaire, j’ai eu un dirigeant de chorale qui m’a beaucoup impressionné. C’était un professeur à l’école que je fréquentais. Deux fois semaine, nous nous rassemblions dans la grande salle, une trentaine d’écoliers comme moi, pour pratiquer le chant en vue d’un spectacle de fin d’année. Je me souviens qu’il nous rappelait constamment de garder la note jusqu’à la fin du couplet et du refrain à travailler. Il aimait chanter et il ne se privait pas de nous donner l’exemple. Il l’étirait. Un jour, un élève lui dit qu’il avait une belle voix. Il répondit spontanément que ce n’était pas vraiment le cas. Il nous expliqua qu’il avait simplement une voix juste. Qu’il tenait la note. De sorte qu’une grâce et une beauté jaillissaient de lui, tout naturellement.

À l’évidence, nous aimons chanter. Tant qu’à faire, pourquoi pas publiquement! Tout le monde le fait maintenant. Et la nature humaine étant ce qu’elle est, elle chante d’abord et avant tout son mécontentement et sa réprobation. Mais voilà, si nous sommes sensibles et avons l’oreille, comment ne pas déceler un bruit sans pareil à tout instant autour de nous?

Savons-nous chanter juste? C’est la question. Chanter ne va pas de soi, demande un long travail, un travail de minutie, de retenue même. Et comme le laisse si bien entendre Denise Bombardier, je ne suis pas certain que se faire écorcher les oreilles à tout instant demeure une expérience appréciable. Mais comment le signifier à travers tout ce bruit de fond? Comment attirer l’attention tout en conservant le ton juste? En n’oubliant pas, qu’en nous-mêmes, il y a beaucoup de bruit aussi.

Comment penser et dire juste alors qu’une grande cacophonie nous enterre?   

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