1 octobre 2010

Douleur et beauté...

Je veux mourir sans bandeau devant les yeux. Je veux mourir debout puis sauter dans l’inconnu sans honte, sans bagage inutile, sans regretter aussi mon ignorance, sans regretter ce qui fait une vie d’homme qui comprend et admet qu’il n’a pas tout vu et tout saisi.

Je suis tout plein de ces blessures, de ces combats singuliers à poings nus, ces escapades échevelées dans des territoires même oubliés de ma mémoire. Tout ça m’habite. Ces rages de père, ces mots tranchants comme les ciseaux du sculpteur, ces émois et ces pleurs d’une mère contrariée, tout ça m’habite. Je suis aussi les peurs de grandes nuits d’épouvantes alors que de sordides maladies croquaient à belles dents dans nos lits d’enfants. Je suis la poésie ludique de mes frères et sœurs, les charges furieuses de cette grande flopée d’amis qui remplissait ma rue de désordres ou de folies débridées. Je suis aussi un brin, un gros brin disons, ces discussions animées qu’entretenaient mes parents et grands-parents avec leurs frères et sœurs lorsque réveillons et repas de famille battaient l’ambiance à grand renfort d’éclaboussures.

Je suis tout ça, cette vie, cette énergie qui fait jaillir un être de la terre, le fait naître, et renaître parfois, comme un brûlant soubresaut dans l’attente d’un destin à fignoler. Je suis tout ça, cette ardeur embrasée, ces champs florissants, ces chances perdues, ces trottoirs, ces rues inondées de mauvais coups. Je suis toutes ces parties de hockey dehors, dans cet hiver qui vire sens dessus dessous les vieux, mais pas nous, car le jeu est notre dieu et il faut lui sacrifier notre précieux temps d’enfants, l’autre temps, le temps magique. Je suis aussi ces étés à courir des milles et des milles pour rien, en pure perte, puis à grimper jusqu’à bout de souffle dans chaque arbre qui osait m’interpeller pour sentir mes muscles se tendre et se détendre. Je suis ces étés à me cacher, à me jouer du vent, de la pluie et du soleil, à rouler des ballons, à botter des chaudières de plastique, à converser avec les fourmis, les chenilles, à chasser les papillons avec mon frère pour sa collection.

Je ne puis me débarrasser de tout cela, de cette douleur et de la beauté du vivre.

Et je n’espère que le bonheur de ne pas mourir avant l’aurore.

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