4 décembre 2009

Grand canyon


Ces jours-ci mes sourcils se soulèvent. Cette courte phrase étonne par sa sonorité et, parce qu’elle étonne, notre jugement demeure en suspend pour un temps. Nous sourcillons.

En d’autres occasions, il m’arrive de froncer les sourcils. L’incompréhension et le déplaisir teintés de jugements apparaissent sans se dissimuler et font planer un soupçon d’impatience et de colère.

Les rides qui parcourent mon front sont le fait d’un étonnement continu qui s’est frayé un chemin au-dessus des sourcils pour se libérer ensuite de son énergie dans des canaux d’écoulement.

Je soulève les sourcils de plus en plus régulièrement. Je me surprends de mon étonnement, me décoiffe et m’estomaque moi-même et suspecte dorénavant une incompréhension définitive de la chose humaine, de son comportement.

J’aime croire que je porte une sorte de regard anthropologique sur mon entourage. Je veux comprendre et saisir à fond ses mots, expressions, ses silences, ses sautes d'humeur et ses pulsions. Je désire le voir en action. Et quoi de mieux pour le saisir que d’être en interaction avec lui. D’humain à humain.

Sauf que depuis quelques années mes occasions d’interactions ont diminué de beaucoup. Je me suis retiré dans mes appartements pour étudier, lire, contempler et écrire. Je suis dans une constante recherche de sens, de compréhensions, de vérités. Ce faisant, je pense que cette solitude désirée et nécessaire a fini par exacerber ma sensibilité au point qu’à chaque fois où je mets le nez dehors, un rien me touche et me brûle. Comme une impression de retour en enfance et de voir le monde pour la première fois avec son lot de tendre naïveté.

Voilà le paradoxe. Je fais tout pour me mettre dans un état de compréhension en me vidant des jugements et a priori, et le résultat de cette disposition n’en demeure pas moins une incompréhension de plus en plus prononcée.

Et je sourcille davantage.

J’ai un grand canyon d’étonnements creusé sur le front.

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