15 novembre 2010

Mille et un visages, mille et une démarches.


L’homme porte un béret noir. Il est en compagnie d’une dame, probablement sa conjointe. Ils sont âgés tous les deux, autour de 70 ans environ. L’homme au béret a le regard absent de l’individu accablé de soucis, perdu dans ses pensées et qui marche de façon mécanique. Son visage parle tant qu’aucun mot ne saurait mieux exprimer son état. Pourtant la matinée est magnifique, l’endroit privilégié, un havre de paix à l’écart du tumulte, quelques sentiers à travers des arbres vénérables conduisant jusqu’au bord du cap avec une vue imprenable sur notre grand fleuve. On pourrait s’attendre à de l’émerveillement, des traits ouverts, un sourire, des yeux tendus en douceur sur ce monde.

Je ne juge pas cet homme au béret noir. Je ne fais que constater des dégâts sur un visage meurtri.

Il y a des milliers de visages que nous regardons dans les rues, sur les places publiques. Un face à face entre purs inconnus, un instant fugace.

Ces visages ne cachent rien, ils sont limpides, nus. Au contraire, si vous rencontrez par hasard une connaissance, vous verrez surgir un masque de sa petite poche arrière et vous verrez l’appliquer diligemment sur son visage.

Les visages inconnus en disent souvent plus sur la condition humaine et la difficulté du vivre que toutes les paroles que nous entendons de la bouche de nos proches, que tous les mots que nous lisons dans les journaux et ailleurs.

Même constatation pour ce qui est de la démarche. Est-elle hésitante, lourde, pleine de souplesse, résolue, trainante, fière, assurée? Est-elle raide, sautillante - je pense à celle de mon fiston qui ressemble plus à un ballon de plage qui bondit avec légèreté sur le sol une fois lancée - est-elle féline, noble, gracieuse même?

La physionomie des êtres, pour peu que nous nous y intéressions, révèle autant sinon plus que toutes les paroles qu’ils peuvent émettre. L’observation minutieuse de la démarche, ce corps qui déambule, apporte un ensemble de connaissances sur les personnes que nous voyons et côtoyons.

Plusieurs fois je me suis assis sur un banc public, dans maints endroits du monde, afin d’observer mon semblable, cet inconnu magnifique. Une observation silencieuse, sans jugement aucun, juste pour le plaisir de connaître en faisant fi des mots qui malheureusement camouflent tellement de vérités.

Des visages et des corps d’inconnus en marche qui nous parlent tellement de leur être malgré leur silence.

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