3 juin 2010

Un fleuve, ses deux rives.


Comme des millions d’autres habitants du Québec, je partage la grande symphonie du fleuve Saint-Laurent. Je partage une admiration pour sa force tranquille, sa beauté, sa vie en marche qui coule comme les jours en lien indissoluble avec l’éternité. Ce fleuve, je l’ai dans la peau et dans mon ventre. Je l’ai entre les doigts aussi, toujours le même, toujours différent, nourrissant ma vie et mon imaginaire.

J’ai habité sur ses deux rives, Québec et Lévis. Combien de fois ai-je pu traverser mon fleuve? Je ne l’ai pas compté, mais une chose est sûre, j’ai arpenté sa distance entre les quais des deux villes d’innombrables fois. J’ai même été matelot sur les traversiers la durée d’un été, lorsque j’étais encore étudiant.

Ce passage entre les rives, ces allers retour constants d’une ville à l’autre ont gravé une empreinte profonde dans mon esprit. À mon insu, s’est développée une sorte de mythologie de la traversée, un rite du passage constamment renouvelé, une mise en scène métaphorique mettant en lumière les deux protagonistes qui hantent depuis toujours la conscience de l’homme. Je veux parler du temps, de la durée dont nous sommes les prisonniers et dont il faut trouver un sens puisque nous sommes là, à vivre puis à mourir, sans que rien n’y change. Je veux parler, en second lieu, du sentiment impérissable d’éternité, du dépassement de la simple durée, d’un voyage où l’âme se voit libre de toute limitation.

Vers le milieu du fleuve, à chaque traversée, les deux bateaux se croisent qui font la navette entre les deux rives. Une nuit, en rêve, j’étais accoudé au bastingage et je vis l’autre traversier se rapprocher jusqu’à frôler le mien. Sur cet autre bateau, il y avait moi-même…

En souriant, nous eûmes le temps de nous serrer la main et disparaître chacun de notre côté.

Depuis lors, je sais que j’habite les deux rives. Deux êtres aux perceptions différentes, mais qui se retrouvent et s’harmonisent sur leur fleuve en s’échangeant leurs vues suite à leurs expériences vécues dans chacun des mondes dont la réalité ne me pose plus de doute.

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