15 avril 2010

L'esprit de la marche

"Mon pied droit est jaloux de mon pied gauche.
Quand l'un avance, l'autre veut le dépasser.
Et moi, comme un imbécile, je marche."

Raymond Devos (cité par Christophe Lamoure)

Lors d’une randonnée en montagne, mon fiston, alors âgé de huit ou neuf ans, nous dit à ma conjointe et moi que la terre tournait à cause de nos pas constants sur sa surface. La terre virait grâce à nous!

Peut-être a-t-il raison…

En tout cas, chaque fois que je marche, j’ai l’impression de retrouver un rythme. Est-ce à cause de la lenteur naturelle de l’exercice? En auto ou avec tout autre véhicule, la vitesse prime, l’illusion de gagner du temps compte. L’effort n’est pas le même, le rendement et l’efficacité prennent le dessus. On parle ici d’un rythme qui a tout à voir avec la mécanique des choses. En un sens il est important, surtout lorsqu’il y a urgence, mais il n’y a pas toujours urgence à ce que je sache. C’est pourquoi marcher permet de scander une rythmique du corps et, ce faisant, de regagner une harmonie perdue dans une frénésie constante de rapidité, de vélocité, de « surfing » sans consistance et disproportionné.

Dans son livre Petite philosophie du marcheur, Christophe Lamoure nous dit ceci : « Au cours de la randonnée, le marcheur se sent en communion avec la poussière légère que ses pas soulèvent, il sait qu’il en est. » Marcher serait aussi un acte d’humilité. Humilité qui fait référence à l’humus, à la terre. L’orgueilleux préfère l’avion et parfois même les fusées et autres stations orbitales…

La lenteur et l’humilité de la marche font très bien mon affaire. La marche calme mes pensées, génère tout naturellement un état d’esprit méditatif. La marche m’aide à creuser, à approfondir mes réflexions, à corriger même certains travers qui prennent vite le chemin des habitudes. J’ai lu quelque part que des chamans ou sages amérindiens affirmaient que notre vie entière s’inscrivait méthodiquement sur l’arrière de nos jambes et que lorsque nous marchions cela facilitait la récapitulation de cette vie pour mieux la comprendre, la corriger et l’aimer.

Je ne sais pas combien de kilomètres mes jambes ont grignotés jusqu’à ce jour, mais je vais continuer, car je les sens de plus en plus solides avec l’âge.

Elles me servent d’appuis et de ressorts. Elles me garantissent de merveilleux envols quand le silence de la terre me les propose.

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