23 avril 2010

Le barbu

Comment s’appelle-t-il déjà?

Il m’avait dit son nom l’année dernière lorsque nous nous étions croisés à quelques reprises, lui toujours installé sur le même banc à contempler la rivière juste en face, et moi marchant, trottant ou pédalant pour évacuer, entre autres, mes idées mortes et les remplacer par quelque chose de plus frais.

Je l’ai revu ce matin. La même grosse barbe grise, le même bonjour sympathique, la même bedaine en avance de quelques pas sur le reste de sa charpente. Pas eu le réflexe d’arrêter pour causer, je commençais ma randonnée en vélo et là il ne faut pas que je freine, car l’enfant fou a pris le dessus sur mon corps.

Je ne me souviens pas de son nom. Il m’avait raconté qu’il venait de la Gaspésie, qu’il était amérindien du coin de la Baie des Chaleurs. Il aimait jaser et moi je l’écoutais. Je ne sais pas si c’était à cause de sa barbe qui lui donnait un air de sagesse. Cet archétype du vieux sage demeure blotti en nous et se réveille instinctivement quand l’occasion se présente de rencontrer un gros poilu.

Peu importe. Moi aussi j’aime causer parfois avec un inconnu, surtout celui dont la dignité semble avoir été bafouée, qui se sent blessé et oublié.

Je n’ai jamais cru que la pauvreté était une vertu et la richesse un défaut sans nom. Je constate seulement que des gens autour de nous souffrent de ne pas être entendus, vus et reconnus. Je constate seulement que de s’arrêter, s’oublier quelques instants pour regarder droit dans les yeux un laissé-pour-compte, un vieux, un maganné n’a pas de prix. Et cela dans les deux sens.

Ce matin je n’ai pas freiné en le voyant.

Je pédalais comme un fou…

1 commentaire:

  1. Définitivement les textes que je préfère quand tu raconte des tranches de vies comme ca :)

    TIEU le fils

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