Comment résoudre un paradoxe
lorsqu’il vous touche et vous accable?
Je suis paresseux. Je tourne en
rond, regarde le temps qui passe et contemple le monde comme un scénario de
film écrit à mon usage exclusif. J’ai une telle fascination, une telle curiosité pour ce
qui se présente à mes yeux que je ne ressens plus le besoin de m’activer,
entreprendre, bouger, faire; tous ces verbes d’action qui prennent tant de
place dans la vie d’Occidentaux bien portants.
Il y a de la vitalité autour
de moi, la nature exulte, il y a débordement d’énergie et d’inventivité, pourquoi
devrais-je intervenir ou m’en mêler? J’essaie de me raisonner et je me pose toujours
cette question : qu’apporterais-tu de plus à cette vie?
Je me contente alors de ne
pas la juger et de l’aimer. Je me contente de ne pas nuire à tous ceux que je
côtoie et qui s’affairent tant bien que mal à s’organiser une vie qui a un sens.
Je me dis tout de même que ce n’est pas
suffisant. Une voix me susurre à l’oreille : « Voyons,
ce n’est pas sérieux, il faut que tu t’affaires, tu dois bouger, t’impliquer,
intervenir, t’indigner, il y a tant de choses qui vont mal autour de toi ».
Alors je culpabilise, et je me sens paresseux…
Pourtant, je besogne très
fort pour corriger ce problème. Donc, en soi, suis-je paresseux ou non?
C’est le paradoxe dont je parlais
au début. Comment me considérer accro à la paresse alors que je travaille à la mater?
Je déploie de l’énergie, je la combats en l’étudiant sur toutes ses coutures,
je veux vaincre l’inertie, laisser une trace, je peux le jurer!
J’ai arrêté de m’en vouloir
après avoir lu cette histoire :
« Le riche industriel
venu du Nord était horrifié de voir le pêcheur du sud étendu
paresseusement à côté de son bateau en fumant sa pipe.
- Pourquoi
n'êtes-vous pas à la pêche? demanda l'industriel.
- Parce que
j'ai attrapé assez de poissons pour la journée, répondit le pêcheur.
- Pourquoi
n'en pêchez-vous pas plus que vous n'en avez besoin?" demanda encore l'industriel.
- Qu'est-ce
que j'en ferais? demanda à son tour le pêcheur.
- Vous
pourriez gagner plus d'argent, répondit l'autre. Avec cet argent, vous pourriez ajouter un moteur à votre bateau,
puis vous pourriez aller en eaux plus profondes et pêcher plus de poissons.
Ce qui vous
permettrait d'acheter des filets de nylon. Et ces filets vous apporteraient plus de
poissons et plus d'argent. Bientôt, vous auriez assez d'argent pour posséder
deux bateaux… peut-être même une flotte de bateaux. Et alors, vous seriez
un homme riche comme moi.
- Qu'est-ce
que je ferais alors? demanda le pêcheur.
- Alors, vous
pourriez vous asseoir et jouir de la vie " repartit l'industriel.
- Qu'est-ce
que vous pensez que je fais actuellement? rétorqua le pêcheur. »
Anthony de
Mello, Comme un chant d’oiseau.
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