10 mai 2012

La peau de chagrin


À la lumière du psychodrame généré par la hausse des frais de scolarité au niveau universitaire au Québec, je me suis demandé comment il se faisait que nous ayons des vues si diamétralement opposées sur un même sujet d’actualité. Les événements sont les mêmes pour tous, les faits sont les mêmes, pourtant le regard et les opinions qui en découlent semblent inconciliables, si contradictoires et d’une telle fermeté qu’ils ont fini par dégénérer en foires d’empoigne, mépris, harcèlement et violence gratuite.

Je ne retire aucun avantage ni renommée à porter ma propre vision des choses concernant un problème donné. Ce que je recherche, à la base, c’est m’approcher le plus prêt possible de ce que j’appelle une vision claire et satisfaisante, de ce qui me semble plausible. Ce qui m’incommode toutefois, c’est cette ardeur à tenir une opinion et une idéologie pour certaines et vraies, du fait principalement qu’elles ne sont pas désintéressées. Je sens plutôt la poursuite d’un avantage, un désir de puissance et de contrôle, une volonté appuyée de régenter de manière totalitaire tout un cadre de connaissance, de savoir et de jugement. Nous entrons alors de plain-pied dans le domaine de la croyance dogmatique.

Nos croyances sont à la recherche de récompenses, ici-bas comme dans l’au-delà. Elles sont en quête d’un soulagement et d’une prise en charge du mal de vivre. C’est pourquoi nous y sommes tant attachées, c’est pourquoi elles peuvent finir par nous aveugler et nous rendre féroces et résolues dans notre volonté de les protéger. Quiconque s’y oppose devient le bouc émissaire idéal ou l’ennemi à éliminer. Une sorte de réflexe animal où l’instinct prédomine prend alors la commande et tout peut arriver.

Je ne veux rien pour moi-même, tout ce que je désire c’est de mettre le doigt sur une réponse acceptable face à l’obligation de vivre et de vivre ensemble. Je réalise que la seule réponse valable passe par le lien de l’amour. Combattre cet amour conduit à la rupture, au néant, aussi bien dire au non-sens. Et toute interprétation du monde se construit avec la conscience ou non de ce lien, par sa reconnaissance ou non, de même que par son acceptation.

Je ne crois en rien, à proprement parler. Ce qui m’intéresse ce sont les faits, les expériences, la réalité crue. Tout est acceptable et digne d’intérêt. Il n’y a rien de bon ou de mauvais, ni de vrai ou de faux, à la limite. Ce qui m’intéresse, c’est comment s’y prend l’homme pour accepter ou refuser ce qu’il y a devant lui, l’évidence de vivre, et de vivre ensemble. Savons-nous que nous sommes tous liés tels des fils de soie uniques sur une immense tapisserie en devenir?

Il y a ceux qui aiment la vie et ceux qui haïssent la vie. Cet amour n’est pas croyance, cet amour n’exige pas de récompenses ou une protection particulière, encore moins une reconnaissance. Cet amour n’apporte qu’un peu de vie, de chaleur, de créativité, de générosité, d’organisation et de folie à son entourage. Il agit comme une fontaine. Finalement, il construit une opinion et une raison qui, à la longue, se réduisent comme une peau de chagrin : je perçois qu’il y a de l’amour ou je perçois qu’il n’y a pas d’amour.

La question demeure si nous acceptons d’endosser et de porter un regard si fragile et minimaliste des choses. Trop simple et naïf?

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