28 septembre 2010

Laisser la lune tranquille


Nous étions trois jeunes étudiants de 17 ans partis sur le pouce à l’aventure après la fin des classes au printemps. Direction Saint-Benoit-du-lac et un hébergement au monastère des bénédictins. Saturé de cours, d’apprentissages et d’examens, je m’étais fait à l’idée que le changement et le silence devenaient indispensables pour venir à bout de mon mal de crâne...

Nous y sommes restés cinq jours. Cinq jours à partager les repas avec les moines en silence, à dormir dans de minuscules cellules. Cinq jours à ne rien faire, à marcher, explorer l’entourage.

Un soir, il y a la pleine lune.

Je suis assis par terre et contemple sa lumière, sa rondeur, l’observe en pensant à rien. Mes amis sont debout, en train, plutôt, de discuter sur sa présence. Je n’écoute pas, mais leurs paroles finissent par me déranger. Je n’arrive pas à croire qu’ils ont tant à dire : sa distance avec la terre, le temps pris par sa lumière pour parvenir jusqu’à nous, sa surface cachée, etc. Je me retiens quelques minutes puis je leur lance : « Laissez donc la lune tranquille! » Ils pouffent de rire. Je réalise alors tout l’écart entre nous. Comme si nous étions dans deux mondes séparés qui ne peuvent se rejoindre.

Depuis lors, j’ai toujours douté du monde des explications. Je pense à Serge Bouchard qui nous dit que pour l’homme moderne : « (…) tout s’explique mais rien ne fait sens. » Je pense à tous ces mots, à toutes ces paroles que nous entendons autour de nous, ces jugements, interprétations qui ne demandent pas mieux que de nous éclairer mais qui ont l’effet contraire. Trop d’explications, trop d’informations qui se contredisent et qui finissent par nous geler…

Je n’ai qu’un geste à proposer si on me demande ce que je pense de tel ou tel chose, je n’ai qu’un geste à proposer si une interprétation du monde, si une recherche de la vérité nous obsède.

L’index collé sur des lèvres closes...

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