Petit tour en pharmacie
accompagné par ma douce et ma grippe. Main dans la main. Le défi était trop
grand pour me rendre seul, je m’y serais perdu, c’est certain. L’aventure aux
limites du possible consistait à trouver une simple bouteille de Tylénol en
format ordinaire, de base. En cinq minutes, top chrono.
Je pensai à Thérèse d’Avila…
En face de deux rayonnages
débordant de pilules de toutes sortes, un haut-le-cœur s’accrocha à mes lèvres
sèches. Je me suis mis à psalmodier, chercher un mantra et un sens à la vie.
Une chatte aurait eu de la peine à retrouver ses petits. Douze gigazillions de
bouteilles, de formats, de boîtes qui me narguaient : « Je suis ce
qu’il te faut! »
Ma fièvre empira.
J’hallucinai un produit pour combattre la sinusite pour nez aquilin, un autre
pour nez épaté seulement. Pilule pour soigner une gorge nouée, une autre pour gorge
profonde, une toux grasse, rauque, déchirante, nerveuse. Nous avons de tout!
Je revins à la maison,
tremblotant. C’en était trop, j’allais mourir. Mais avant de trépasser, je me
suis assis au salon avec la dernière revue Actualité. J’ai lu sur la page
couverture : « Et si on se simplifiait la vie? » Ce serait tendance
pour 2013.
Je pensai à Thérèse d’Avila…
Le titre de la revue me
semblait prometteur. Désenchantement… Moi qui vois la simplicité comme un art
du détachement, un désencombrement minutieux dans ses pensées et une approche
teintée de grand respect envers la nature, voilà qu’on me sert la même poutine grasse
dans sa sauce brune de la gestion de notre temps et de nos achats, seules
critères d’une vie réussie et bien remplie, il va sans dire. Il faut acheter la
bonne tablette, l’iPad évidemment. Tellement plus intuitif. Mon intuition à moi
me dit de me méfier. Rien ne nous oblige à nous embarrasser de tous les
derniers gadgets à la mode. Puis on nous exhorte à assainir nos finances
personnelles, concilier travail et famille, faire des listes et même de mieux
manger au restaurant. Si vous ne le faites pas, c’est vous le pire. On ne vous
souhaite pas de culpabiliser, mais c’est tout comme. Il y a quelques décennies
à peine, il fallait aller à la messe tous les dimanches, se confesser, savoir
le petit catéchisme par cœur et écouter notre curé. Garantie à vie, gestion idéale
pour l’éternité! Sinon, l’enfer.
Je pensai à Thérèse d’Avila.
Le gros bouquin de Marcelle
Auclair sur la vie de la sainte espagnole du 16e siècle trône sur la
table du salon depuis quelques semaines.
Je lis qu’elle était une
femme exceptionnelle, une féministe avant son temps, et belle, intelligente,
gracieuse. Une femme d’action qui a eu maille à partir avec tous les énormes
préjugés de son époque. Et j’ajouterais avec nos préjugés actuels. Connaissons-nous
vraiment cette femme?
« Tout n’est rien, le
monde est vanité, la vie est brève. » Est-ce la fièvre qui me fait
accepter sans rechigner ces mots de la carmélite? La maladie nous apporte quelquefois
de ces moments de lucidité, une fêlure dans l’édifice de nos croyances et une
petite lumière se fraye péniblement un chemin dans notre conscience.
Cette grande dame, j’aurais donc
aimé la rencontrer! D’autant plus qu’elle adorait rire, chanter, danser. Et,
imaginez, elle savait jouer aux échecs. Elle pratiquait le noble jeu régulièrement.
Elle s’en servait comme image pour expliquer le processus de développement
intérieur.
Nous avons besoin de si peu. L’essentiel se cache en nous.
J’avalai ma pilule…
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