Souvent, la nuit, me voyant dans
l’impossibilité de m’endormir et de glisser dans le rêve, je m’attarde à écrire
dans un cahier imaginaire des bouts d’histoires ou des pensées qui surgissent
spontanément et avec aisance, car ma raison s’est retirée dans ses
appartements. Les mots défilent avec lenteur et précision. Ils me révèlent
cette idée (ou croyance?) qu’il serait plus facile d’explorer tous les continents
de la terre que de s’abandonner à voguer seulement quelques instants sur notre
mer intérieure. Mais est-ce vrai?
Puis les mots repartent dans un autre
sens, dans la description d’un chemin de terre qui me conduit à
travers champ, qui longe un muret de vieilles pierres et s’élance
bientôt dans une vaste pinède ombragée, se terminant à l’orée d’un lac en
bordure duquel paresse un refuge de bois ronds, des volets bleus de chaque coté
de ses fenêtres et sa minuscule dépendance où viennent se reposer seulement ces
voyageurs chevronnés, ceux qui ont délaissé les autoroutes surchargées,
l’agitation et cette masse qui se sent rassuré par une vie trépidante, une
« euphorie perpétuelle », mais au contraire paniquée à l’idée
d’explorer des voies perdues et sinueuses qui nous entraînent vers ces endroits
où trônent des refuges en bois ronds avec de jolis volets colorés et ces quelques
bosquets d’arbustes qui les enserrent avec tendresse, des endroits de
bénédiction, en harmonie avec cette nature sauvage qui nous réapprend à
contrôler nos peurs, à dompter notre raison et surtout apprécier cette vie en
majuscule foisonnante et changeante, se fichant bien de nos velléités de
contrôle absurde.
Ces mots qui me viennent dans la noirceur
de ma chambre à coucher et qui m’incitent à l’écriture, me voyant les écrire
plus tard comme maintenant je le fais, cette conscience d’un temps paradoxal où
j’écris maintenant ce que j’ai songé à faire avant près du sommeil, me donnent le
vertige.
Je ne demande rien, je n’exige que des
moments de silence loin de toute agitation, et lorsqu’ils apparaissent dans la
nuit près du sommeil je les saisis par le chignon du cou, je les empoigne
fermement et les enjoint à me propulser dans une dimension inconnue qui se raconte
et se dit en des mots d’homme sensé et sensible, éloigné de tous les clichés à
la mode.
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