2 novembre 2012

Tac-tics

J’ai un tic, une manie disons : me sentir le nez. J’accomplis l’exploit pour réfléchir, lire, me recueillir et écrire. Précision : je me taponne et triture le bout du nez avec le bout de l’index et le pouce. Ce bout à bout déclenche alors une réaction chimique complexe et des effluves se précipitent en un lieu secret de mon lobe frontal. Juste au bon endroit, là où ça compte…

J’apprécie une odeur délicate, tout en finesse, mais aussi un relent capiteux qui bouscule et enivre. Autour de moi cependant, il doit régner un silence olfactif, chose de plus en plus rare de nos jours. Partout ça pue le parfum et les odeurs fabriquées. C’est à ce moment que mon système limbique prend le dessus. Je déguerpis…

Parfois un reste de molécules s’acharne à maculer mes doigts. Tâter de la fraise, du citron et même l’ail, pour ne nommer que ces nourritures, laisse une empreinte qui ne va pas sans me ravir et me transporter en des lieux insoupçonnés. J’évite alors de me frotter trop fort en me lavant les mains afin de ne pas me débarrasser complètement de ces arômes imprégnés.

Si vous me voyez avec deux doigts sollicitant mon appendice nasal, prenez note de ne pas me déranger. Je suis dans un autre état, un espace du tic, un lieu mythique, un royaume barricadé à double tour. Il y a une frontière dont je suis le seul à pouvoir franchir…

J’ai une autre manie, une sorte de rituel. C’est un moment d’évasion. La surprise, c’est que je ne suis pas le seul à l’utiliser. J’ai vu dernièrement un film fort intéressant sur l’écrivain portugais José Saramago. On le voit octogénaire à la maison puis dans de nombreuses sorties après la réception de son Nobel de littérature. Une séquence en particulier fait sourire. Saramago est assis à son bureau devant son portable. On le perçoit de côté, en plan rapproché. Il se fait craquer les doigts, bouge la souris de l’ordinateur, se met au travail et s’apprête à pondre des lignes de son nouveau roman. Du moins, c’est ce qu’on croit. Le plan suivant nous montre l’image sur l’ordinateur. Nous apercevons un jeu de cartes, il joue au « solitaire »!  

Moi aussi je joue au solitaire. Pour espérer l’éclosion d’une inspiration soudaine, chercher sans chercher, attirer le gros poisson. Voilà mon rituel.

Patience, patience. Tactiques saugrenues, tout est bon.

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