J’ai un tic, une manie disons :
me sentir le nez. J’accomplis l’exploit pour réfléchir, lire, me recueillir et
écrire. Précision : je me taponne et triture le bout du nez avec le bout
de l’index et le pouce. Ce bout à bout déclenche alors une réaction chimique
complexe et des effluves se précipitent en un lieu secret de mon lobe frontal.
Juste au bon endroit, là où ça compte…
J’apprécie une odeur délicate,
tout en finesse, mais aussi un relent capiteux qui bouscule et enivre. Autour
de moi cependant, il doit régner un silence olfactif, chose de plus en plus
rare de nos jours. Partout ça pue le parfum et les odeurs fabriquées. C’est à
ce moment que mon système limbique prend le dessus. Je déguerpis…
Parfois un reste de molécules
s’acharne à maculer mes doigts. Tâter de la fraise, du citron et même l’ail,
pour ne nommer que ces nourritures, laisse une empreinte qui ne va pas sans me
ravir et me transporter en des lieux insoupçonnés. J’évite alors de me frotter
trop fort en me lavant les mains afin de ne pas me débarrasser complètement de
ces arômes imprégnés.
Si vous me voyez avec deux
doigts sollicitant mon appendice nasal, prenez note de ne pas me déranger. Je
suis dans un autre état, un espace du tic, un lieu mythique, un royaume
barricadé à double tour. Il y a une frontière dont je suis le seul à pouvoir franchir…
J’ai une autre manie, une sorte de rituel. C’est un moment d’évasion. La surprise, c’est que je ne suis pas le
seul à l’utiliser. J’ai vu dernièrement un film fort intéressant sur l’écrivain
portugais José Saramago. On le voit octogénaire à la maison puis dans de nombreuses
sorties après la réception de son Nobel de littérature. Une séquence en
particulier fait sourire. Saramago est assis à son bureau devant son portable. On
le perçoit de côté, en plan rapproché. Il se fait craquer les doigts, bouge la
souris de l’ordinateur, se met au travail et s’apprête à pondre des lignes de
son nouveau roman. Du moins, c’est ce qu’on croit. Le plan suivant nous montre
l’image sur l’ordinateur. Nous apercevons un jeu de cartes, il joue au « solitaire »!
Moi aussi je joue au
solitaire. Pour espérer l’éclosion d’une inspiration soudaine, chercher sans chercher,
attirer le gros poisson. Voilà mon rituel.
Patience, patience. Tactiques
saugrenues, tout est bon.
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