1) Naissance : De la
lumière crue, sans regard à mes pauvres yeux. Désorientation totale. Je peux le
confirmer puisqu’on me vira à l’envers comme un vulgaire poulet prêt à
l’emballage. Bienvenue chez toi! Et comme de raison, on s’est attendri puis extasié
devant mes cris. Moi, mes poumons me brûlaient, c’était le sens exact de mes
pleurs. Drôle d’endroit. Blanc crémeux, odeur de formol.
2) École : Ne pas
bouger. Écouter. Prendre son crayon. Ne pas bouger, écouter, prendre son
crayon. Silence! L’enseignante a dix fois mon âge, dix fois mon poids et parle
comme si elle devait absolument me faire peur. C’est sombre. Où sont mes amis,
ma famille? Tout n’est que poussière, bois humide et vieilles chaises qui
craquent. J’ai envie de pleurer, je me retiens. Je pourrais être la
source du nouveau plus grand fleuve du continent.
3) Adolescence : Je
ressemble à un extraterrestre. J’apprends à courir de plus en plus vite pour
fuir mon ombre. Et les filles, les filles… Je ne parlerai pas des filles, je ne
peux pas, je n’y comprends rien. Il reste le sport, les amis et quoi d’autre?
Mes parents? La vie est un long fil ténu. Il y a les obligations, les études,
suivre le moule, suivre le moule…
4) Mise en orbite : Je
tourne autour du monde, de ses nécessités, son labeur, ses cris et ses espoirs.
Le grand système m’est étranger. Mais qu'est-ce qui se passe? Le monde est une
poubelle, mais je ne me résigne pas, je dois créer un sens à tout ce bordel.
Fin des études, premier emploi, hors du cocon. La vie, la vie! C’est pénible et
je ne comprends rien. Et toutes ces brutes qui ne peuvent te sentir et qui cherchent
à t’aplatir!
5) Mi-temps : Tout va
toujours trop vite. Je me bats avec le temps qui se compresse, avec les
responsabilités qui m’étouffent. Je voudrais tant fuir et redécouvrir cette
zone de l’enfance où le rêve est un royaume toujours vivant. Ralentir, ça urge!
La pression m’étrangle et l’air vicié des bureaux me monte à la tête. J’envie l’existence
des grenouilles et des libellules en bordure de grands lacs sauvages.
6) Vieillesse : Quoi
donc? Tu ne pensais pas t’en tirer tout de même! J’ai le chien qui dort et qui
cherche son énergie. J’ai les sens dans la brume et de la souffrance où ça craque.
Perte de contrôle, perte de mémoire, perte d’acuité, perte de jouissance. Vieillir,
c’est perdre.
7) Mort : Peur de l’inconnu
et du grand moins définitif. J’effleure le lit de la mort où se couche une
absence d’être. Comment s’assurer d’une suite à tout ça, la vie, puisqu’on m’exhorte
de ne pas partir? Il fait sombre dans ma tête et le drame s’achève. Tout est
clinique, prévisible, immobilité et sècheresse. La flamme s’éteint, s’éteint le
temps, le beau le laid le lys la mer le ciel les chants du monde et le choix de
continuer dans l’infini des grands brouillards d’automnes.
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