Lorsqu’arrive le moment de se coucher, tout enfant se rebiffe. Il y a tant à faire, à explorer, à jouer et le sommeil se transforme alors en une punition, une sorte d’arrêt de mort.
Je n’ai pas été différent des autres enfants, loin de là, sauf que lorsque la cause devenait entendue ma seule idée était de m’endormir au plus vite afin de continuer ma course effrénée dans ce que je nommais mes « aventures ».
Dormir pour rêver.
Il y avait aussi cette émission télé pour les jeunes que je regardais avec attention vers l’âge de dix ans. Je me souviens d’une portion qui m’intéressait beaucoup. Un personnage déguisé en explorateur ou scientifique s’installait et répondait durant quelques minutes aux questions qu’on lui posait par écrit. Je le trouvais savant et il aiguisait ma curiosité.
Une question me tripatouillait l’esprit. J’aurais aimé connaître sa réponse, mais je ne me décidai pas à lui écrire, par gêne ou par paresse sans doute. J’aurais pourtant dû. Car elle continue à me chicoter, même encore aujourd’hui.
D’autant qu’elle est universelle, cette question.
D’autant qu’elle nous touche de près tous les jours.
Je n’ai jamais renoncé à la fascination qu’elle engendre chez moi depuis cette enfance lointaine. Elle concerne évidemment le moment où nous nous endormons. Je me demandais, et me demande encore, ce qui se passe en nous au moment même de cette bascule de l’éveil à l'endormissement? De quoi est constitué cet instant charnière? Quel mécanisme le provoque? Pouvons-nous être conscients de ce moment malgré que nous tombions dans le sommeil, donc dans une sorte d’inconscience?
Bien que mon questionnement d’alors ne fût pas aussi précis qu’aujourd’hui, il continue néanmoins à me hanter. Bien sûr la technologie du scannage du cerveau demeure et demeurera la voie privilégiée pour l’élaboration d’hypothèses de toutes sortes. À ce niveau, la neuroscience favorise plein de découvertes plus extraordinaires les unes que les autres. (Il est maintenant reconnu que l’hypothalamus antérieur joue un rôle essentiel dans le processus.)
J’ai l’intuition toutefois qu’un inexplicable sera toujours présent compte tenue de la difficulté à bien définir ce qu’est la conscience et qui est l’agent de cette conscience.
La plupart des scientifiques et autres « ingénieurs en mécanique corporelle » s’entendent pour une représentation toute matérialiste de l’être humain. Du bout des orteils jusqu’au dessus du crâne, nous ne serions en définitive qu’une cargaison de quelques kilos de saucissons frais chapeauté et conduit par un ordinateur super-puissant composé de milliards de gigaoctets de mémoire vive.
Les scientifiques matérialistes et réductionnistes ne s'enfargent pas dans les détails. Moi, si. J’ai mon propre laboratoire d’expérimentations et même si je reconnais que mes expériences ne sont pas reproductibles à volonté, je continuerai toujours à envisager que nous sommes beaucoup plus que notre propre cerveau.
Je sais que cette merveille de la création recèle d’innombrables mystères et que nous n’aurons jamais fini de les comprendre. Le cerveau de l’homme est une machine prodigieuse et je suis très à l’aise avec cette reconnaissance. Mais je demeure encore cet enfant innocent qui se demande pourquoi il lui arrive souvent d’être conscient qu’il rêve et qu’il peut vivre à volonté des expériences dans cet état. Quel est donc ce phénomène? Saurait-on me l’expliquer? Et saurait-on expliquer à ce même enfant pourquoi il lui arrive souvent de s’endormir tout en demeurant conscient qu’il s’endort? Comment est-ce possible?
L’enfant dit : « Il n’y a rien d’impossible! »
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