Lors d’une recherche effectuée il y a quelques années, je suis tombé par hasard sur un article traitant de l’état de bonheur. On y mentionnait la théorie de Richard Bentall, psychologue à l’université de Liverpool, affirmant que le bonheur devrait être inclus dans la liste des maladies mentales parce qu’il cause des distorsions cognitives du même genre de celles qu’on retrouve chez les personnes souffrant de certains désordres du système nerveux. Cette théorie était publiée dans le « Journal of Medical Ethics (2002) ».
Surprenant? Pas vraiment. Comme l’exprime si bien Yvon Rivard dans son essai, Une idée simple, « le bonheur est toujours suspect ». Cependant, « le malheur, petit ou grand, n’a jamais de mal à convaincre qui que ce soit de son existence, il s’impose au corps et à l’esprit, hors de tout doute… »
Personnellement, j’avoue que je n’ai aucune aptitude ou aucun talent pour le malheur. J’en suis même arrivé à croire que nous serions peut-être malheureux pour la simple raison que nous ne savons pas que nous sommes heureux…
Alors, suis-je fou docteur? Serait-ce une distorsion cognitive qui m’afflige sans que je le sache?
Je ne dis pas qu’il n’y a pas de coups durs, je ne dis pas que la vie est facile, ce serait absurde. Je pense seulement qu’il est dans notre devoir d’être heureux malgré les aléas de
Une autre vision fait rage et a fini par se frayer un chemin en nous de manière insidieuse. Celle qu’il est indécent, voire scandaleux de prétendre au bonheur alors que partout autour de nous la misère existe de façon endémique. Je reconnais la délicatesse du sujet. Si nous sommes lucides ou conscients de l’état lamentable d’une bonne partie de l’humanité, comment oser se permettre, en effet?
Rivard, cité plus haut, propose plutôt de ne pas renoncer, car le bonheur n’est pas juste une chance, mais une tâche qui demande beaucoup de patience. Il ne faut pas le dénigrer non plus, de peur de détruire l’espoir d’y parvenir chez tout homme. « La première tâche qui s’impose, si difficile soit-elle, c’est d’assumer totalement le bonheur, de le partager avec tous les déshérités plutôt que de les offenser en feignant de comprendre leur malheur ou en en faisant un absolu. » L’univers n’est pas que chaos et la vie cherche continuellement à se manifester malgré sa dualité inhérente. Il serait vain de chercher à abolir la nuit, de chercher à aplanir toutes montagnes, car elles nous offensent.
L’auteur considère également que l’art a une grande part de responsabilité dans cette affaire. Il cite Camus qui a toujours pensé que « l’art n’était rien si finalement il ne faisait pas de bien, s’il n’aidait pas. » Il cite John Gardner qui affirme que tout art véritable est moral : « Son but est de rendre la vie meilleure, non de la dégrader. (…) l’art est porteur de vie. »
Cet effort en est un de créativité et ne doit pas nous rebuter. Si humble soit-il, il apporte tout de même un peu de vie à cette vie qui en a bien besoin. Et le bonheur se cache peut-être là : dans l’action de modérer les transports du désespoir.
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