Soyons clairs. J’aime la grandeur des petites choses, ces détails minimes qui rendent comptent de toute la complexité et de la beauté de la vie.
Par exemple, il y a plusieurs années, aux prises avec un cil coincé sous la paupière qui gâchait ma vie de voyeur, j’ai fait une découverte déconcertante. En travaillant à extirper ce foutu cil, j’ai remarqué un petit trou à l’intérieur de la paupière inférieure près de la commissure qui la relie à la paupière supérieure. J’en oubliai le cil perdu pour regarder ce minuscule orifice. Je fouillai dans l’autre œil. Pareil. Mon corps, mon propre corps avait produit ces deux menus et je venais de le découvrir. Comme si une fée couturière avait piqué les deux endroits avec une aiguille magique, en or comme de raison, pour que le flot des larmes s’écoule naturellement en temps venu.
On m’avait caché cela…
Une autre fois, près du rivage du fleuve Saint-Laurent, j’ai aperçu des canards pilets, le mâle et la femelle qui se promenaient avec leurs petits. J’ai surtout remarqué le blanc sur le cou du mâle.
Le blanc du cou du canard pilet ce n’est pas comme le blanc du poulet lorsqu’il est cuit. Il n’y a rien de remarquable dans le blanc du poulet. Mais le blanc du cou du pilet lui, ça vaut la peine d’être mentionné même s’il n’est pas cuit, se prolonge par une ligne blanche, comme dessinée au pinceau sur chacun de ses côtés en remontant vers la tête. On a l’impression qu’un peintre est passé par là et que poussé par une inspiration soudaine il a laissé sa marque et taillé une brèche dans la banalité du monde.
Le cou du canard pilet est une œuvre d’art, gracieuseté de cette inqualifiable nature qui nous entoure.
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