La poussière s’accumule dans
la maison. Les planchers s’amusent à ramasser tout ce qui traîne. Ces petits
minous avec lesquels on pourrait se tricoter un chandail, comme dirait ma
douce. J’embraye donc, empoigne le balai solidement, chantonne ou sifflote un
air quelconque puis exécute mon pas de deux. Le coup de balai c’est plus zen et
calmant que l’aspirateur, soit dit en passant. Un petit labeur tout en
simplicité et douceur. Un petit labeur nécessaire qui me rappelle chaque fois
la très belle histoire de Yunus Emré racontée dans un des livres d’Henri
Gougaud.
Lui aussi en a balayé un
coup. Il était venu au monastère d’un vieux maître aveugle afin de découvrir la
vérité. "Elle te viendra peu à peu, lui promit-il. Mais pour l'instant,
ton travail sera de balayer sept fois par jour la cour du monastère."
Ce qu’il fit. Sauf que
personne ne le remarquait, personne ne lui parlait, pas même son maître. On le
laissait à sa tâche ingrate mais nécessaire, le monastère se trouvant dans le
désert, alors pour ce qui est de balayer…
C’est d’Arnaud Desjardins que
j’ai retenu ces mots : « L’important n’est pas tant de faire de belles
et grandes choses, mais de faire ce que tu es en train de faire avec grandeur
et beauté. »
Une bonne attitude donc. Avec
beaucoup de patience, dans la joie, sans rien attendre de personne, simplement
parce qu’il est bien et bon de faire.
Afin de participer à l’humble
création de la beauté et de l’harmonie autour de soi.
Est-ce bien ce que le maître
de Yunus voulait lui enseigner : oublier les attentes personnelles, oublier
la reconnaissance, les récompenses, agir plutôt pour "apporter un peu de
vie à cette vie ingrate et imparfaite qui en a bien besoin". Apprendre à
donner sans rien attendre en retour. Créer du beau dans la mesure de ses
capacités?
Je mets en relief cette
attitude non pas pour l’opposer au fait de travailler et de gagner sa vie, au
fait d’avoir des ambitions et un désir tout naturel d’améliorer le
monde autour de soi. Rien de plus normal, il va sans dire. Donner un coup de balai est plutôt une métaphore dans le
sens de dépoussiérer le dogmatisme des croyances. Je pense à celles qui sont
des havres de repos et de consolations pour ses dévots. Je pense à celles qui
promettent délices de l’après vie ou sur cette terre aussi. Faites ce qu’on
vous dit et vous serez gagnant! Vous n’aurez plus besoin de vous réincarner, ne
vous en faites pas! Il faut seulement servir la cause, employer les bons mots.
Un arrêt. Que plus rien ne
bouge. Certitude absolue. Propreté absolue. Manger des raisins en jouant de la
harpe sur un nuage. Un million de vierges qui vous attendent au ciel suite à votre martyr. Suivez la règle, ne pensez plus, ne doutez plus.
Croyances égalent récompenses
et un arrêt définitif de tous doutes.
Cependant, avec le temps, la
poussière s’accumule.
J’ai souvent perçu la
conscience humaine comme un miroir reflétant un univers de possible, un
intérieur inconnu sans limites. Ce miroir ne faut-il pas le nettoyer quand le
moment l’exige? Sinon un miroir ne reflète plus rien, hormis la poussière de
ses ambitions personnelles.
Sommes-nous que poussière
finalement?
Bien c'est une article avec beucoup d'info
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