Je me rends souvent à vélo
jusqu’à la rivière St-Charles qui serpente à travers Wendake, le village des
Hurons près de Québec. Je pars tôt le matin, à la recherche d’une tranquillité que
je retrouve chaque fois près des chutes Kabir Kouba. Je m’assois sur un talus d’herbes
ou une grosse roche et là je regarde la rivière se dandiner les fesses devant
moi…
Comme la flamme ou le regard
d’un jeune enfant, la rivière hypnotise. Elle conduit au silence, à la
contemplation.
Je m’enfonce. Les certitudes,
les engouements, les emportements, tout ça diminue et finit par s’estomper, à
se liquéfier au rythme des flots dans leur force mouvante.
Il n’y a pas à avoir peur, il n’y
a pas à avoir honte de douter et de remettre en question ses attachements ou
croyances, idées ou vision des choses. Cette pensée me vient à l’esprit,
et son contraire me semble vrai aussi : il n’y a pas de honte à croire
résolument. Ne serait-ce qu’en ses propres moyens, qu’en ses capacités à se
forger un destin unique, un destin d’homme qui s’efforce inlassablement à devenir ce qu’il est. Croire est bon, est humain. Il importe cependant ne pas ignorer
que nous croyons et de feindre que nous savons hors de tout doute. Les
certitudes, les dogmes sont tenaces. Une fois en place, ils s’enferment sur
eux-mêmes et se « trounoirisent » afin d’absorber tout ce qui gravite
autour.
La rivière m’apaise. Au bout
d’un moment, d’autres pensées viennent affleurer ma conscience. Elles
surgissent tout en douceur, sans faire de bruit.
Tu ne sais rien. Mais ne
tombe pas dans la crédulité afin de compenser cette ignorance. Sache seulement que
tu ignores et ne fais pas semblant de connaître. Explore.
Ne prétends pas maîtriser la
vie si tu ne sais pas même maîtriser tes propres pensées.
Sois bon.
Me vient finalement à l’esprit
cette phrase de Dany Laferrière puisée dans son livre L’art presque perdu de ne
rien faire. L’auteur raconte comment il aimait jouer avec les fourmis durant sa
jeune enfance à Haïti, sa grand-mère le surveillant du coin de l’œil en se berçant
sur sa galerie. Il écrit ces mots magnifiques, quasiment insensés : « Nous
ne faisions rien de mal cet après-midi-là. Et c’est cela à mon avis le seul
sens à donner à sa vie : trouver son bonheur sans augmenter la douleur du
monde. »
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