J’ai devant moi le billet
retentissant de Denise Bombardier que j’ai découpé du Devoir le 26/02/2012.
Madame Bombardier est indignée, et c’est peu dire. Elle nous fait une de ses
montées de lait qui vaut le détour, du genre dont elle nous a déjà habitués
auparavant. Je crois tout de même que nous devons la lire avec attention et
respect. Le titre : Marre!
Comme un grand "chant
d’épuration…"
Je ne vais pas énumérer ce
qui la hérisse. Elle l’énonce clairement, beaucoup mieux que je pourrais le
faire. Je suis en tout point d’accord avec elle, mais je ne veux pas en
rajouter. Je retiens tout de même sa ferveur, son intensité et surtout ce final qui en donne la raison : « Eh bien, c’est parce que
j’aime cette terre où je suis née de tout mon cœur et de tout mon esprit que
j’en aurai encore et longtemps marre de la tentative d’abêtissement et de
rapetissement de la société par des douaniers autoproclamés. »
N’empêche. Il m’arrive de
penser que l’envie d’en découdre avec l’autre (les gens, la population…) est
plus forte que nous, et qu’au prélude de solutions envisagées à divers problèmes
cet « autre » porte toujours une lourde responsabilité sur ses
épaules.
Depuis peu, je ne cesse d’entendre
une petite phrase sibylline qui se déroule tout en délicatesse sur le pourtour
de ma conscience. Elle apparaît en douceur, de toute évidence afin de
ménager ma susceptibilité. Elle me dit ceci : « Ne prend pas de
chance, cesse de penser ».
Ouch!
Facile à dire. Penser demeure
en quelque sorte notre seconde nature à tous. Quant à moi, j’aime bien me
raconter des histoires, me donner le beau rôle, m’en faire accroire et m’apitoyer
sur mon sort, si ce n’est créer mes propres peurs de toutes pièces. Le flot d’images
et de pensées circule en continu tel un récit dont je perds parfois le contrôle.
D’où cette petite voix qui m’exhorte de faire attention : « Ne perd
pas le fil, économise ton énergie, envisage une écologie de ton monde
intérieur, car là aussi la pollution par le bruit existe et c’est même elle qui
finit par se répercuter à l’extérieur par des hauts cris ».
Il y a beaucoup de bruits, dans
les médias, à la télé, il faut l’admettre. Et Madame Bombardier ne fait que
nous le souligner… en criant. Mais comment faire autrement si on veut se faire
entendre?
Si d’aventure je persiste à
penser, il le faut bien puisque j’écris, je me dis qu’il est toujours permis (est-ce
la dernière des libertés?) et possible de m’éloigner des généralités, systèmes
de croyances et idées à la mode. Et surtout, je me dis (quelque chose me dit) que
je dois faire attention pour ne pas m’enliser, peut-être par découragement ou
facilité, dans le trivial, le rabattu, les canulars, l’humour bitch et
carnassier, parce que, de toute façon, il n’y a plus rien à croire dans ce
monde de plus en plus complexe, que tout se vaut et que nous pouvons dire n’importe
quoi.
En sixième année, à l’élémentaire,
j’ai eu un dirigeant de chorale qui m’a beaucoup impressionné. C’était un
professeur à l’école que je fréquentais. Deux fois semaine, nous nous
rassemblions dans la grande salle, une trentaine d’écoliers comme
moi, pour pratiquer le chant en vue d’un spectacle de fin d’année. Je me
souviens qu’il nous rappelait constamment de garder la note jusqu’à la fin du
couplet et du refrain à travailler. Il aimait chanter et il ne se
privait pas de nous donner l’exemple. Il l’étirait. Un jour, un élève lui dit
qu’il avait une belle voix. Il répondit spontanément que ce n’était pas
vraiment le cas. Il nous expliqua qu’il avait simplement une voix juste. Qu’il
tenait la note. De sorte qu’une grâce et une beauté jaillissaient de lui, tout
naturellement.
À l’évidence, nous aimons
chanter. Tant qu’à faire, pourquoi pas publiquement! Tout le monde le fait
maintenant. Et la nature humaine étant ce qu’elle est, elle chante d’abord et
avant tout son mécontentement et sa réprobation. Mais voilà, si nous sommes
sensibles et avons l’oreille, comment ne pas déceler un bruit sans pareil à
tout instant autour de nous?
Savons-nous chanter juste? C’est
la question. Chanter ne va pas de soi, demande un long travail, un travail de
minutie, de retenue même. Et comme le laisse si bien entendre Denise
Bombardier, je ne suis pas certain que se faire écorcher les oreilles à tout
instant demeure une expérience appréciable. Mais comment le signifier à travers
tout ce bruit de fond? Comment attirer l’attention tout en conservant le ton juste?
En n’oubliant pas, qu’en nous-mêmes, il y a beaucoup de bruit aussi.
Comment penser et dire juste
alors qu’une grande cacophonie nous enterre?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire