En faisant la file devant l’entrée d'un restaurant, j’écoute le
chant des oiseaux et celui du grillon. L’endroit est magnifique, en campagne
sur l’Île d’Orléans, et la température, idéale faut-il le dire, nous aide à patienter.
Je me prends d’imiter les chants entendus, le grillon surtout. Autour de moi
les gens causent ou salivent en silence, anticipent. Moi je m’applique à mon
chant et l’air, tout à coup, devient soyeux, léger. Il m’enveloppe tout entier
puis rebondit dans quelques interstices laissés entrouverts au-delà des visages
impassibles.
On frappe à ma porte, j’ouvre et le vent s’engouffre. Qui
est-ce? Celui qui n’a pas de nom…
Suis rassuré.
Il me dit en chuchotant qu’il aime le chant du grillon que
j’imite. Il m’exhorte à continuer, la tâche est sérieuse. Il me répète, une
autre fois encore, de lui faire confiance lorsqu’il me dit laconiquement que "c’est sérieux lorsque rien ne semble sérieux et que ce n’est pas sérieux
lorsque nous sommes sérieux."
Est-ce vrai? Je continue à pratiquer quelques stridulations,
à faire honneur au dieu grillon, chercher la bonne note. Mais que suis-je donc?
Un homme qui rêve être un grillon ou un grillon rêvant qu’il est un homme?
La file d’attente se résorbe lentement. Une jeune fille
souriante vient ensuite nous dire de prendre place pour le repas. Je réintègre
le monde.
Pratiquer le chant aiguise l’appétit.
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