Un mot sur Charles Taylor.*
J’ai déjà fait mention de ce philosophe québécois de réputation internationale dans un texte précédant. Une recherche récente m’amène à en parler de nouveau, car il y a un trait de sa pensée qui le particularise et que j’aime bien.
La poésie (je nomme cela l’esprit poétique ou capacité d’émerveillement, évitant le fait de désigner exclusivement l’écriture ou la lecture de poèmes) tient chez lui une place privilégiée. Ceci l’honore. Surtout dans le clan des philosophes qui, d’après mes préjugés, sont avant tout des êtres de raison… Mais je ne suis pas surpris. Un philosophe est aussi un être humain et « rien de ce qui est humain ne doit nous être étranger » après tout!
Selon lui, la poésie vaut son pesant d’or du fait qu’elle évoque quelque chose par-delà le moi. Pour bien préciser sa pensée, il cite cette définition de Wordsworth : « La poésie est le débordement spontané des sentiments puissants… »
Cet extrait du poème Tintern Abbey écrit par l’auteur anglais du 18e siècle nous en donne un exemple :
D’une présence qui me trouble, d’une joie,
Des hautes pensées; un sens sublime
De quelque chose, si profondément confus,
Qui habite la lumière des soleils couchants,
Et l’océan entier, et l’air vif,
Et le ciel bleu et l’esprit de l’homme :
Un mouvement et un esprit qui anime
Tout ce qui pense, tous les objets de la pensée,
Et roule parmi toutes choses. 8
Des hautes pensées; un sens sublime
De quelque chose, si profondément confus,
Qui habite la lumière des soleils couchants,
Et l’océan entier, et l’air vif,
Et le ciel bleu et l’esprit de l’homme :
Un mouvement et un esprit qui anime
Tout ce qui pense, tous les objets de la pensée,
Et roule parmi toutes choses. 8
Pour Taylor, ce poème est un coup de sonde par-delà le moi...
Ce serait incontournable dans sa pensée, car d’après lui il y a une différence essentielle entre individualisme (ce Moi humain en recherche constante) et égocentrisme ou narcissisme (ces couches superficielles de la personne).
La distinction est importante. Chercher à se réaliser n’a rien de négatif ou même d’improductif. À ce compte-là, nous devrions empêcher tout étudiant en médecine ou en génie de ne penser qu’à eux durant leurs années à plancher sur leurs cours. Même chose pour les artistes, les athlètes, les chercheurs. Et que dire de tous ces « nostalgiques de l’être » qui délaissent les préoccupations terre-à-terre pour se vouer corps et âme à leurs questionnements existentiels ou à un approfondissement spirituel?
Je comprends la confusion. J’admets plus difficilement que des intellectuels, acteurs sociaux et autres « collectifs » l’entretiennent en parlant sans nuance de ces individualistes à tout crin que ne se préoccupent que d’eux sans partager leur vision romantique d’une société plus juste et égalitaire. Ce préjugé est tenace.
Je plaide le fait que c’est en nous réalisant pleinement, devenant ainsi des êtres uniques, responsables et autonomes que nous avons le plus d’influences positives sur la société. En cas contraire, nous devenons des fardeaux.
* http://agora.qc.ca/documents/Charles_Taylor--Charles_Taylor_ou_la_passion_du_juste_milieu_par_Jacques_Dufresne
* http://agora.qc.ca/documents/Charles_Taylor--Charles_Taylor_ou_la_passion_du_juste_milieu_par_Jacques_Dufresne
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