« Je suis parti pour toujours… revenir. »
Dès que ma décision fut prise de me réfugier chez moi, je sus que j’étais en partance pour un voyage exigeant ni visa ni passeport. Après plusieurs années de service au travail et dans le bénévolat, une porte s’ouvrait, un grand vent m’empoigna dans son tourbillon irrésistible et je m’engouffrai résolument, corps et esprit, dans une aventure singulière.
Tout ça sans que rien n'y paraisse. Partis pour toujours revenir, explorant tout en demeurant sur place, changeant de point de vue et de perspective à volonté. Rester de marbre au milieu de l’exaltation et de l’émerveillement.
Lors d’une maladie il y a plusieurs années, j’ai eu un premier aperçu de ce qui m’attendait. J’étais assis dans mon salon, sans énergie, perclus de fièvre. Je hurlais d’impuissance pendant qu’une amaryllis nouvellement acquise pour sa beauté révélait ses formes devant moi en me narguant. Elle croissait à vue d’œil pendant que je décroissais au même rythme. Je fermai les yeux et je me retrouvai au milieu de l’océan, seul dans une tempête sur un tout petit bateau et puis, tout à coup, la perspective changea : je regardais du haut du ciel et plus bas il y avait une fourmi sur un brin d’herbe se balançant au milieu d’une minuscule flaque d’eau. Rien de plus...
Quelques jours plus tard, nouvelle expérience. Je suis toujours assis, résolu à perdre mon temps. Une nouvelle vision apparaît aussitôt mes yeux fermés. Je suis en selle sur un cheval en course. Je m’accroche à sa crinière et il me transporte à une vitesse folle sur un étroit sentier qui grimpe sur le pourtour d’une immense montagne. Je ressens le mouvement avec force, le vent dans mon visage, la peur du vide. L’expérience dure plusieurs minutes puis je reviens dans mon salon, immobile, prisonnier de ma faiblesse, de cette maladie qui tarde à s’envoler.
Maintenant je me dis que tout est question de point de vue. Dans les moments les plus ardus, notre conscience va et vient. Immobiles, nous bougeons malgré tout. Par contre, l’agitation peut quand même nous faire reculer ou nous entrainer au fond de sables mouvants inextricables sans possibilité de remonter à la surface.
Se retirer n’est pas battre en retraite. L’activité peut se camoufler sous une apparente passivité.
Et il n’y a que nous qui le savons.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire