« Le miracle,
esthétiquement parlant, c’est qu’il y ait un monde. Que ce qui est soit » Ludwig Wittgenstein.
« Le beau oblige »
Félix-Antoine Savard
« Le beau est ce qui
rend heureux » Thomas de Koninck
« Pourquoi, malgré d’innombrables
divergences de nature et de goût, tout être humain est-il attiré par le beau et
s’écarte de ce qui lui semble laid, pourquoi sommes-nous ainsi faits? » Thomas de Koninck
De grosses bêtes protéiformes
broutaient librement dans le ciel. Il y en avait une justement, là devant moi,
que j’embrassais du regard à travers le pare-brise de mon auto. Je roulais
à travers la campagne sur une petite route en lacet et mes yeux n’arrêtaient
pas de fixer l’immense cortège de cette masse blanchâtre. Je ralentis, subjugué.
Quelques minutes auparavant j’avais
inséré dans la chaîne stéréo une cassette d’un compositeur polonais que je
venais de découvrir : Henryk Gorecki. « Les chants plaintifs »
de sa symphonie no 3 envahissait l’espace restreint de ma voiture et je montai
le son à mesure que cette lente mélopée m’imprégnait. Elle se déploya
à la cadence du nuage en expansion.
Deux géants complices d’une terrible
mise en scène.
J’aimerais dire que la beauté
parfois me jette à terre ou me fait plier les genoux. J’aimerais dire qu’elle
est redoutable, qu’elle dégage une puissance supérieure à mille bombes atomiques.
Je voudrais dire surtout que le monde est et demeure d’une extraordinaire
beauté et que cette beauté, pour peu que nous la reconnaissions dans nos vies,
nous sert de nourriture. Elle est le pain et l’eau de nos émotions ainsi que de
nos sentiments profonds envers l’existence. Elle nous guide vers la création d’un
sens qui aime à se déployer à l’image de la musique et de la lumière des
nuages.
La beauté n’exige qu’étonnement
et tendre admiration. Elle nous sert à basculer dans une zone franche dépouillée
de la douleur, des doutes et de la honte. Elle remet en selle.
La beauté n’est pas un luxe
puisqu’elle part de tous les regards existants, elle git dans tous les êtres et
ne désire que partage et cette assurance que tout va pour le mieux malgré les
contrariétés et la dureté d’un monde imparfait décriée avec tant de ferveur.
Pas de doute qu’il est imparfait, grossier, violent et sanguinaire. Mais il est
aussi son contraire et cette seule certitude devrait nous porter comme elle a
porté tant d’artistes et de visionnaires.
La beauté est redoutable.
Elle force à admettre notre humilité, notre humanité.
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