Je n’aime pas vraiment les expressions telles que :
« Soyez disposés à mettre le prix! » ou encore : « Qu’êtes-vous
prêts à sacrifier? » Elles contiennent un petit côté maso et misérabiliste
qui enlève du piment au simple plaisir de l’existence. Il faut toutefois admettre
qu’elles possèdent sans doute une bonne teneur en vérité, juste assez en tout
cas pour accepter le fait « qu’il n’y en a pas de facile », surtout
lorsque nous affrontons de véritables difficultés qui exigent créativité,
effort d’invention et courage dans la recherche de solutions.
Dans l’histoire qui suit et que nous retrouvons dans son
livre En vivant, en écrivant, Annie Dillard fait ainsi le parallèle entre
l’écriture et l’obligation parfois de s’arracher un morceau de chair pour
survivre et aboutir à un résultat ou une délivrance. Christian Bobin, lui,
parle de « saigner de l’encre et perdre ce qu’on est au profit de ce qu’on
voit. »
« Par un mauvais hiver, dans l’Arctique, il n’y a pas si
longtemps, une femme algonquine et son bébé restèrent seuls après que tous
leurs compagnons furent morts de faim dans leur camp d’hiver. Ernest Thompson
Seton rapporte cette histoire. Cette femme s’éloigna à pied du camp où tous les
autres étaient morts et elle trouva une cachette au bord d’un lac. La cachette
contenait un petit hameçon. Elle n’eut pas de mal à y accrocher une ligne, mais
elle n’avait pas d’appât et aucun espoir d’en trouver un. Elle prit un couteau
et découpa un morceau de chair sur sa propre cuisse. Elle pêcha ainsi avec sa
propre chair pour appât et attrapa une perche; en nourrit son propre enfant et
se nourrit. Elle mit bien sûr de côté les viscères du poisson pour son prochain
appât. Elle vécut seule au bord du lac, se nourrissant de poissons, jusqu’au
printemps, quand elle repartit à pied et rencontra des gens. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire