18 octobre 2010

Corne d'abondance


Demandez-moi ce que je pense de l’abondance et je vous dirai sans hésiter qu’elle se trouve dans la soustraction, dans le moins.

Dans le moins? Oui, dans le moins.

Moins de bruits, d’agitation, d’opinions sans fondement, d’exigences infantiles, d’exaspérations, de mécontentement, de soupçons stupides, de revendications urgentes, de peurs, d’irritations, de cris alarmistes, de prétentions, d’indignation criarde, de canulars, de vitesse folle, d’emportements, d’inquiétude, d’insécurité et j’en passe.

Sans cesse nous pouvons lire et entendre débats sur débats dans nos journaux ou à la télé : la question nationale, les accommodements raisonnables, être de droite ou de gauche, etc. Sans cesse nous lisons et entendons aussi des chroniques sur les sujets cruciaux du jour. Entièrement faits à chaud, si je peux dire. À la vitesse de la lumière, ces chroniqueurs nous rendent compte avec force détails de faits et d’événements, puis ils se prononcent sur leur valeur, leur importance, leur signification profonde avec l’assurance de grands inquisiteurs. That’s it, that’s all! Mais comment font-ils? Vous allez me dire que c’est leur métier, mais quand même… Un événement se produit et la lumière éclate de toute part! Opinions, théories jaillissent de la noirceur de l’incompréhension comme par magie. C’est le branle-bas de combat, on ne doit rien laisser sans explications; vite il y a urgence de coupables et même d’évidences et de simple bon sens. Abondance de commentaires, tu dis?

J’entre dans ces temples du consumérisme que sont Wall Mart, Canadian Tire, Archambault, pour ne pas les nommer, et je me sens submergé par un tsunami d’une force inouïe. Toujours, j’en ressors ébranlé. Tout ça, c’est encore de la grosse abondance que je me dis! Je devrais en être fier ou, à tout le moins, sentir que je ne suis pas laissé à moi-même, seul, pauvre et démuni dans cette jungle inextricable de l’existence.

Eh bien non! Il n’y a rien à faire, j’ai la nausée du trop et de la chose superflue.

Je viens de lire que la mode est dorénavant au cool (koowl): http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/298069/tout-le-monde-il-est-koowl. On sent une recherche, un désir, je dirais aussi une obsession à travers cette nouvelle tendance. Bien! Mais cet effet recherché n’est-il pas simplement l’envers du naturel? N’est-il pas simplement l’envie d’attirer l’attention sur un moi désemparé qui ne sait plus où il en est?

Je me demande si nous n’avons pas perdu le contrôle de nous-mêmes. Posons-nous ces questions : est-il possible de vivre pleinement, en santé, à tout âge, avec moins de médicaments et d’interventions médicales? De vivre pleinement avec moins de consommation, moins de désirs, d’objets matériels, d’idées brillantes, de mesures, de politiques, de directives, de modes, sans le regard d’autrui et son assentiment, sans reconnaissance à tout prix?

Ce flot continu d’abondance exposé sans pudeur devant nos yeux, je ne pense pas que ce soit une bonne nouvelle. Et je ne parle pas des vrais pauvres, de ces misérables qui doivent se contenter du peu, frustrés davantage de ne pas pouvoir profiter de la grande tablée. Qu’on leur donne des miettes!

Le train de l’abondance nous prend de force et de vitesse. L’excitation est grande et nos désirs hyper sollicités. Cette profusion est devenue un système, un grand rouage dont la courroie d’engrenage est mue par notre propre énergie.

Toute cette énergie dépensée, ne pourrait-elle pas servir à une autre fin?

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