Je venais de les croiser au coin de la 1re avenue et de
la 13e rue. Trois jeunes hommes dans la vingtaine qui sortaient
d’un édifice ne payant pas de mine et qui accueille les musulmans de la région
de Québec pour la prière. Une sorte de mosquée
sans allure, ouverte au public le vendredi, comme il est écrit sur une
pancarte. Quelque chose de très humble. Une amorce un peu piteuse
d’établissement d’un lieu de rencontre pour cette communauté.
Ces jeunes étaient joyeux, tout sourire. Nous nous sommes
salués et avons parlé de l’islam. Nous avons parlé de ce que j’en savais, de sa
période de gloire de mille ans (de 600 à 1600) alors que l’occident végétait
dans un moyen-âge sans grande envergure. Nous avons parlé de ses génies et ses saints :
Avicenne, Ibn Arabi, Averroës et l’aimé de tous, Rumi, le poète et mystique
soufi. L’influence de cette culture, je leur ai dit, me semble indéniable et
ils me regardaient, flattés, comme si j’étais aussi un peu des leurs, et ils
m’ont invité avec empressement pour le prochain vendredi de prière ouvert à
tous.
Je reconnais ma vision romantique de l’islam. Elle est
embellie par ses histoires glorieuses, par ses fastes, ses savants, ses mille
et une nuit, ses Andalousie de tolérance, son architecture, cette calligraphie
arabe pleine de danses du ventre et de sensualité de harem. Je le reconnais.
Que j’aimerais voir Ispahan avant de mourir… !
Cependant, cette ouverture que je partage avec d’autres,
cette ouverture à une culture différente pleine de mystères, de parfum et de
musique exotique, parviendra-t-elle à amoindrir l’impact de ce glissement vers
l’horreur que cette même culture nous a accoutumés depuis plusieurs années?
Je parle bien sûr du terrorisme et de l’intégrisme
musulman.
Je viens de terminer la lecture du livre de Martin
Amis, Le 2e avion, publié
chez Gallimard. C’est un recueil de
textes regroupés sous ce thème explosif (c’est le cas de le dire) qui nous
touche de plein fouet.
D’entrée de jeu, l’auteur nous avertit que « l’ennemi est
évidemment l’extrémisme. » Il se pose aussi ces questions fort à propos : « L’extrémisme
n’a-t-il jamais fait quoi que ce soit pour quiconque? Où sont ses dons à
l’humanité? Où sont ses œuvres? »
Bien sûr Amis admet aussi qu’il faut bien distinguer
l’islam de l’islamisme : « Donc, pour nous répéter, nous respectons
l’islam qui a apporté d’innombrables bienfaits à l’humanité et qui possède une
histoire magnifique. Mais l’islamisme? Non, on ne peut pas vraiment nous
demander de respecter une vague fondée sur une croyance qui réclame notre
propre élimination. »
« Qu’est qui a mal tourné? », se demande donc l’auteur. Réponse :
« Il n’est pas vraiment nécessaire de souligner les ressemblances entre
l’islamisme et les cultes totalitaires du siècle dernier. Antisémites,
antilibéraux, antiindividualistes, antidémocratique et, bien plus important,
antirationnels, c’étaient également des cultes de la mort, stimulés par la mort
et nourris par la mort » Et, deuxième réponse tout aussi éclairante : « (…) et
le point focal spécifique est sans doute cette logique obscure qui dénie tout
talent et toute énergie à la moitié (féminine) de la population du monde
islamique. »
Quoi faire alors? Privilégier l’ouverture ou se méfier
d’abord et avant tout?
Je repense aux trois jeunes musulmans dont j'ai parlé
plus haut. Sont-ils l’avant-garde de l’ouverture et de la tolérance en nos
terres ou bien l’instrument d’une terreur à venir?
Ma lecture de l’histoire du 20e siècle
m’incite à une extrême prudence. L’extrémisme, l’intégrisme, toute idéologie
totalitaire transpirent d’une violence inacceptable, d’une folie sans nom
devant laquelle nous devons nous protéger et lire lucidement les signes
avant-coureurs.
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