Mes pensées, mes conversations, mon écriture regorgent de peut-être, sans doute, oui mais, je ne sais pas, possible. Je suis féru de nuances car un rien et tout m’échappe, change de couleur, de saveur, de profondeur. Le noir et le blanc s’éclipsent au profit d’un amalgame de tons divers et bigarrés.
Toutes ces nuances témoignent de la palette infinie du vivant en constant changement. J’aimerais bien d’ailleurs lui tordre le cou, ce vivant, pour qu’il arrête un peu de bouger. Pour bien l’observer, l’identifier et le décrire.C'est peine perdue…
Annie Dillard dans Pèlerinage à Tinker Creek s’étonne et se désole en décrivant les « tout vus, rien vu » qui émanent de ses déambulations : « Éclat d’un poisson, qui se dissout l’instant d’après devant mes yeux comme sel dans l’eau. Les cerfs donnent l’impression de monter tout droit au ciel; le plus éclatant des loriots s’efface dans le feuillage. » La nature révèle tout autant qu’elle dissimule, nous dit-elle.
Tout autour de moi le réel bouge, il s’enflamme dans une vive lumière puis disparaît dans l’ombre aspiré par je ne sais quelle force mystérieuse. Je veux demeurer en éveil, suivre le spectacle et son tourbillon d’énergie qui se disperse çà et là. Voir, voir vraiment. Mais en suis-je vraiment capable si ma raison, ma mémoire, mes connaissances interfèrent en cours de route? Mieux vaut tomber dans le plus profond des silences, à ce compte-là.
Mais voilà, j’ai choisi d’embrasser sa majesté le vivant. J’ai choisi bien naïvement d’écrire sur cette présence qui m’englobe de tous ses feux.
Et si ce n’était que cela. J’ai aussi à côté de moi ce maître du déguisement, cet artiste du faux, féru d’idéalisme et incapable d’accepter son sort et son humble condition de mortel. J’ai à côté de moi, surgissant de toute part, s’exprimant, piaillant, rugissant même, se dévoilant sans pudeur en espérant être reconnu et aimé, à côté de moi, dis-je, cet être déchiré par tant d’incompréhension, voué à la vie et à la mort, l’être insaisissable par excellence, l’homme, que j’espère un tant soit peu circonscrire pour le comprendre et l’aimer.
Vaut sans doute mieux que je ne me fasse pas d’idées et que j’accepte le tout sans rechigner, comme les saisons, la température, montagnes et vallées…
Contempler l’insaisissable mystère du vivant.
En silence.
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