21 mars 2014

Jouer la vie avec bonheur

Souvenons-nous, enfants, entre frères, sœurs et amis, comme chaque moment comportait sa part de magie et où la joie dans le jeu se trouvait au cœur de toutes nos activités. Le temps disparaissait, une atmosphère unique nous entourait de ses bras généreux et l’enchantement faisait le reste du travail. « Les enfants s’émerveillent naturellement devant l’existence et pour eux le monde est d’emblée enchanté. Et c’est peut-être parce qu’enchanté qu’il regorge de sens, qu’il a du goût, du charme, de la saveur », nous dit Mathieu Scraire. Enfance, réenchantement du monde et sens de la vie. Liber

Le monde est un miracle, nous répètent les philosophes, car il aurait pu ne pas être…

Pour l’enfant, l’existence est un prodige en soi. Une simple porte ouverte recèle assez de mystère pour combler sa journée entière. Un bébé voit un objet, un jouet par terre et l’excitation le gagne au point de le bouleverser. Cacher ce même jouet, un autre à côté fera aussi bien l’affaire et son existence se transformera à la vitesse de la lumière. Enthousiasme et spontanéité sont les moteurs de l’enfance, les deux mamelles qui le nourrissent et l’entrainent vers l’inconnu en toute confiance.

En vieillissant, l’attitude change. Le désenchantement finit par nous gagner. Nous nous disons plus lucides, plus terre à terre et voyons souvent le mal ou le malheur comme la véritable réalité, l’unique réalité. Les réseaux sociaux regorgent de ce type de personnage qui tient à en découdre avec tout ce qui bouge et qui manifeste son arrogance avec les arguments du pire, seule vainqueur au firmament des idées. Le cynisme fait son travail de sape. Mais c’est trop facile le cynisme, il suffit de s’abandonner bêtement à ses pulsions négatives. Son envers le sentimentalisme ne vaut guère mieux, il ne faut pas se le cacher. L’un et l’autre sont porteurs de lunettes colorées qui ne restituent en rien la véritable réalité, ils déforment la vie.

Je plaide pour un retour à l’enfance et à son regard poétique des choses, un regard de l’instantanéité de la vie. Chaque moment, chaque lieu cachent son mystère, sa joie et sa beauté. Je manifeste pour une innocence assumée, une naïveté enfantine pleine de courage et de confiance envers l’autre et l’univers entier malgré les aléas de la vie. Comme nous dit Mathieu Scraire, déjà cité : « L’attitude raisonnable, voire réellement lucide pourquoi pas! ne serait-elle pas, en dernière analyse, de parier sur le beau, sur le bon en espérant — en sachant – que nous ne pouvons être constamment déçu. »  

Combien de fois nos plans, à ma conjointe et moi, ont-ils été chambardés par des imprévus, des occasions manquées, retard et autres déboires. Déceptions et apitoiement sur soi auraient pu nous aigrir et nous rendre de plus en plus maussades. Mais chaque fois d’autres avenues nous attendaient au détour et nous reprenions vite goût à l’aventure de l’inattendu. Bien souvent nous y gagnions au change. Confiance dans les circonstances, l’art de se revirer sur un dix cents? Derrière les déceptions se cachent, semble-t-il, des opportunités qui rendent comptent de toute la richesse de l’abandon aux contingences de la vie.

Comment nommer cette attitude, « cette capacité joyeuse et enthousiaste de regarder le monde avec des yeux d’enfants »? Je l’appelle l’art de jouer la vie avec bonheur ou, à l’instar de Jean-François Vézina, l’art de danser avec le chaos.

C’est un jeu qui se joue avec tout le sérieux du monde…

13 mars 2014

Chercheur de perles

Je me tiens en bordure d’un savoir à renouveler, en constant équilibre devant l’inconnu. Un matin je peux me réveiller et, tout au fond de ma conscience, avoir l’intuition d’une connaissance qui m’empoigne solidement. Qu’est-ce que c’est? Je ne le sais pas, il y a quelque chose… Je sens l’arrivé d’une image, d’une enfilade de mots cohérents qui tracent le chapelet d’une compréhension qui virevolte à l’intérieur de mes pensées. Je suis en attente. Je sens qu’une compréhension se forge. Il se peut qu’elle redevienne liquide en fusion, une lointaine impression. Le temps n’est pas encore propice, je ne me fais pas assez accueillant, il manque d’espace au sein de ma conscience. Le travail consiste donc à m’ouvrir davantage à l’inconnu qui frappe à la porte.

Je redeviens chercheur de perles.

Je m’ouvre et je cherche, car je sais pour l’avoir mainte fois expérimenté que la vérité se présent nue, sans enrobage, de la façon la plus humble, parfois si discrètement qu’un simple manque d’attention suffit à la perdre de vue.

La vérité ne se laisse pas charmer, il faut la mériter. Une ferme intention doit d’abord nous soutenir puis il faut nous approcher discrètement, nous sommes à la chasse, nous traquons, le gibier se sauve. Le silence et l’attention deviennent alors nos alliés les plus puissants.

La vérité, il faut la craindre. Elle possède le pouvoir de nous transformer. Nous aimons les distractions, nous chérissons les opinions et affirmations qui nous plaisent et nous réconfortent. Mais qui accepte de se transformer, de se changer en profondeur ou encore de se réinventer? Et qui accepte de le faire dans la continuité? Jusqu’à la fin…

L’intention, la traque silencieuse et la crainte devant ce grand inconnu qui n’attend que ces gestes de soumission de notre part.

Il n’en faut guère davantage hormis l’humble acceptation de la surprise toujours possible qui nous guette au bout du chemin, à la dérobée, lorsque l’authenticité nous guide. Une prise au menu, peut-être au moment où l’on s’y attend le moins ou en douceur et même dans le tumulte, à petite dose ou à grande croquée mais jamais façonné à notre image car c’est cette image même de soi-même qui demande à être transformée.

S’éveiller en se transformant, voilà le défi. Le reste n’est que divertissement pour intellectuel à la recherche de notoriété ou encore distraction raffinée surfant sur la mode d’un psychologisme ou d’un ésotérisme populaire et passe-partout.

Se transformer, enfin, sous la bannière de l’émerveillement d’exister, en relation étroite avec le vivant. « Savoir qu’on est vivant est tout savoir », nous dit Christian Bobin. Ne serait-ce pas là où se cache la vérité en définitive : dans la conscience que nous sommes bien vivants et que toute recherche sérieuse en découle?