31 août 2011

Écriture et responsabilité


Intéressant ce commentaire de Jonathan Franzen lors d’une entrevue publiée dans La Presse du 27 aout 2011 à propos du lancement de son livre Freedom, maintenant traduit en français. Difficile de faire simplement et avec bonheur ce que nous savons faire de mieux, de s’en tenir responsable. Sérieux, humble et sans prétention.

«Je suis un lecteur, dit-il en appuyant sur les mots. Je trouve très difficile d'aimer quelqu'un qui n'est pas un lecteur. Ce sont mes semblables. Quand j'étais un jeune homme, je pensais que je devais changer le monde, et dans ma trentaine, j'ai réalisé que je devais avant tout être responsable envers ma communauté, et ma communauté, ce sont les gens qui prennent soin d'un certain type de fiction. C'est extrêmement sérieux pour moi, et c'est ce qui me permet de rester dans le jeu que de continuer à offrir d'intenses expériences romanesques dans la veine de ce qui s'est fait au XXe siècle et qui continue de se faire aujourd'hui. »   

30 août 2011

"Abolissons la nuit...!"


                                                                        "Ce dont nous avons désespérément 
                                                                                                       besoin, c'est d'affronter la réalité telle
                                                                                                       qu'elle est."   Annie Dillard, Au présent.

« Le réel est tragique mais la joie est possible ». Emmanuel Desjardins, l’auteur de « Prendre soin du monde », commence son livre par ces mots et demande comment nous y réagissons.

Très bien en ce qui me concerne.

Desjardins prend le temps de nous expliquer dans les premiers chapitres le règne de l’illusion et du déni du réel. « Lorsque la réalité ne répond pas à nos désirs, nous cherchons à l’occulter, et, si nous ne pouvons l’occulter, nous nous contentons de la déformer pour l’adapter à nos désirs. À moins que nous nous révoltions contre elle. » Il s’en prend aussi à l’intransigeance idéaliste et à ses dérapages dans l’idéologie qui conduisent bien souvent à faire le mal tout en recherchant le bien. Il déboulonne le mythe du Progrès et sa croyance que le tragique disparaîtra un jour, cette disparition devenant la finalité de l’aventure humaine sur terre, son paradis.

Je me souviens d’un compagnon de travail adepte d’une religion prônant l’unité de l’humanité et la venue certaine de la paix universelle dans un avenir prochain. « Il y aura un gouvernement mondial, nous adopterons une langue universelle! » Il se faisait un point d’honneur d’apprendre l’Esperanto. Toutes les fois qu’il le pouvait, il ne manquait pas de me souligner le moindre indice attestant sa croyance dans les nouvelles du jour. Il voyait des preuves partout. Pour le taquiner quand nous nous croisions, je  lui lançais des « Abolissons la nuit, aplanissons les montagnes! »

Utopie, paradis sur terre, idéologie égalitariste, catastrophe et fin du monde si nous ne faisons rien, révolution et j’en passe n’ont jamais été ma tasse de thé.

Desjardins nous exhorte au contraire à « prendre de la hauteur ». Il nous précise que c’est « cesser de vouloir un aspect de la réalité sans son contraire : l’amour sans la haine, la justice sans l’injustice, la vie sans la mort, le beau sans le laid. » Il nous dit enfin que prendre soin du monde est nécessaire, mais sans illusions, sans haine, sans manichéisme. La tâche est ingrate, exigeante, car incertaine, jamais assurée. Elle demande d’adopter ce que l’auteur appelle le « regard du physicien »

« Un ami, qui était chercheur et professeur de physique à la faculté de Grenoble, m’avait expliqué ce qu’était le « regard de physicien », un regard qui, selon lui, allie compréhension et émerveillement. À l’opposé du physicien, on trouverait ici « l’ignorant » qui regarde la nature en fonction de son désir. Pour lui, le beau temps est positif, l’orage est négatif, l’éclair effrayant. La compréhension remplace le jugement et calme la peur, elle ne divise pas la réalité en deux, le bien et le mal : il s’agit de comprendre pourquoi la réalité est telle qu’elle est, et non de décider comment elle devrait être pour correspondre à nos désirs. L’émerveillement est à la fois la source et le fruit de la compréhension, la source parce qu’il faut déjà s’émerveiller devant la nature pour avoir l’envie de la comprendre, et le fruit parce que, plus nous comprenons comment la nature fonctionne, plus nous pouvons nous en émerveiller. Plus nous nous familiarisons avec la complexité et l’interdépendance, plus nous sortons du manichéisme qui nous fait diviser le monde entre bien et mal. Transposer ce regard à la réalité humaine est autrement plus compliqué, mais cela permet de sortir de l’illusion, du moralisme et de l’idéalisme. Cela nous aide à nous comprendre nous-mêmes et à comprendre les autres, avec leurs défauts et leurs imperfections. »  

Emmanuel Desjardins, Prendre soin du monde, Éd. Alphée

26 août 2011

Histoire de pêche


Cette histoire s’est déroulée il y a un certain temps, je n’avais que vingt-et-un ans à l’époque. Elle est vraie bien qu’invraisemblable. Comme toutes les histoires de pêche.

Nous avions roulé près de trois heures jusqu’à notre camp de pêche, un endroit perdu dans une nature plus que sauvage. C’était bien ainsi. Mais, en compensation pour ce mal donné, nous n’espérions rien de moins qu’une pêche miraculeuse. L’optimisme était de mise. Après deux jours à pêcher, il fallut tout de même se rendre à l’évidence : ça ne mordait pas. Quelques petites truites ici et là garnissaient nos fonds de panier de bien piètre manière.

Il nous restait peu de temps pour sauver l’honneur. Au dernier jour, un peu las après le dîner, je m’étends sur ma couchette afin d’oublier la pêche et ses frustrations. Je rêvasse. Une idée me vient alors, un peu folle. Elle me dit de faire l’oiseau et de survoler notre lac à l’affut du moindre indice pouvant nous conduire dans une zone poissonneuse. Pourquoi pas. Point de départ : le petit quai.

Je vois d’abord l’étendue d’eau, une image de plus en plus précise se dessine. Je bondis ensuite et m’élève dans les airs. J’essaie de ne pas décrocher, de rester attentif, de croire à l’impossible… J’avance à une bonne hauteur en furetant à droite et à gauche jusqu’au moment où une image nette m’apparaît. J’aperçois quelques épinettes efflanquées penchées à 45 degrés au-dessus de l’eau en bordure du lac. Cette scène me fait littéralement bondir hors du lit. Je prends mon gréement puis détale en chaloupe après avoir dit à ma conjointe que je croyais avoir trouvé le bon « spot » de pêche. En fait, pour dire vrai, j’en avais la quasi-certitude.

Je rame plusieurs minutes. Je rame et scrute le rivage. Alors, je distingue les épinettes prètes à plonger dans l’eau, l’exacte image entraperçue quelques minutes plus tôt. Suis euphorique. J’approche la chaloupe lentement, tous mes sens en état d’alerte. Je vois maintenant des centaines de bulles qui explosent à la surface de l’eau. Est-ce un banc de poissons tendant leurs bouches à la recherche d’insectes? Je m’arrête à quelques mètres, descends l’ancre et installe ma ligne. Le tour est joué! Je gesticule dans ma chaloupe en faisant signe aux autres pêcheurs de s’approcher pour profiter de la manne. En une heure à peine nous avons sorti plus de truites que les autres jours réunis.

Difficile à croire? Pour sûr. Pêche miraculeuse? Absolument pas.

Nous sommes tous munis d’un même attirail à pêche hors du commun. Et ce n’est pas la volonté ni la raison. Nous appelons cela le rêve, l’imagination. Quand vient le moment de plonger dans les lacs, les rivières et les vastes océans du réel, nous ne pouvons trouver mieux.

L’imagination est liée au sentiment d’agir, puis de rapporter ce qui est utile pour notre survie et celle des autres.


25 août 2011

Le témoin


« Hors de l’horloge et du calendrier, il y a le moment présent, l’occasion de la vision, et je suis là pour voir et pour y croire. Rien de plus, rien de moins. Si je lâche la plume, tout s’arrête : je ne suis vivant que lorsque je suis témoin. Et je suis témoin qu’en écrivant. C’est comme ça. L’attention ferme boutique dès que j’entreprends d’exister ailleurs et autrement que sur ma page, qui est un prisme, une boule de cristal, mon troisième œil. Si je m’arrête et lève la tête, je deviens nuage qui passe, mouche qui vole, vent qui souffle, chatte qui bâille, chardonneret qui voltige. Qui suis-je, au fond? Un guetteur, un pisteur, un espion et un mouchard : un écrivain. Pour le reste, je suis comme chacun, celui qui se met en file, obéit et espère ressortir vivant (et toujours capable de voir) des échauffourées quotidiennes. »

Robert Lalonde, Le seul instant, Boréal.



18 août 2011

La poursuite


« On s'embarque pour des terres lointaines, on cherche la nature, on est avide de la connaissance des hommes, on invente des êtres de fiction, on cherche Dieu. Et puis on comprend que le fantôme que l'on poursuit n'est autre que Soi même.»
 
 Ernesto Sabato

14 août 2011

Chose


Je ne suis pas seul… Encore une fois, elle me fait des clins d’œil, me donne de légers coups de coude : « va marcher, va à la rivière »! La chose voit juste. Au bout de quelques minutes, un relâchement s’installe, un peu comme avant de s’endormir alors qu’images et sentiments profonds percent la routine du jour et son train-train raisonnable.

Regarde, aime, bénis!

Je croise mes deux vieilles branches qui courent encore. Ils font au moins 150 ans de vitalité à eux deux. Nous nous sourions.

La longue haie d’églantiers me salue au passage. J’ai peu à leur offrir en échange de leur parfum. Ma sueur, de ma chaleur humaine? Plus loin, c’est au tour des hémérocalles qui se dandinent sur un talus escarpé. Je comprends alors que la présence des fleurs m’est essentielle et que mon existence serait bien terne sans leur compagnie.

Je jette un regard sur l’eau. Un huard se promène tête retroussée, au-dessus de ses affaires. Tout à coup il plonge, comme tiré par un ressort. Je me demande s’il ne perçoit pas avec les pattes sa nourriture sous lui. L’idée me vient alors de l’imiter avec mes pieds. Percevoir avec les pieds, pourquoi pas?

Je croise une mère qui fait son jogging tout en poussant le carrosse de son bébé. Je croise des enfants à la recherche de grenouilles en bordure de la rivière. Un peu plus loin, je remarque un homme d’un certain âge qui tient une mandoline dans ses bras et regarde devant lui. Je tente une approche, mais je vois qu’il ne bronche pas. Il semble perdu dans ses pensées. J’aurais aimé l’entendre; une mandoline, quand même…

Je reviens sur mes pas. Chose avait vu juste, en effet.

Elle est remarquable de justesse lorsque j’acquiesce!      


10 août 2011

Les noms d'oiseaux


Les oiseaux s’envolent mais leurs chants et cris restent. Ils restent dans notre mémoire et se substituent aux musiques insipides qui ponctuent trop souvent nos ondes. Prenez par exemple cet elfe des forêts, la grive solitaire. Son chant éthéré et inimitable se déroule en un chapelet de notes qui ferait fondre même le plus insensible des êtres. La musique de l’oiseau l’emporte toujours, sans équivoque…
  
N’importe quel ornithologue vous le dira aussi, même un amateur, l’éclair lumineux qui se fraie un chemin à travers les branches des arbres jusqu’à nos pupilles met en branle un chatoiement de teintes qui n’a de cesse d’égayer notre regard attentif. L’orangé, l’indigo, l’écarlate viennent alors déposer cette touche délicate et subtile sur le grand tableau de verdure qui nous entoure.

Des chants uniques, une palette de couleurs bigarrées ou encore cette difficulté de les approcher sans les faire fuir font des oiseaux un bien précieux à respecter en les côtoyant.

Et il y a aussi leurs noms…  

Qui a donné leurs noms aux oiseaux? Les dieux? Une assemblée de poètes inspirés?

J’ouvre mon Peterson au hasard et ce que je lis me renverse. Je ne peux m’empêcher de penser que les noms d’oiseaux sont un long poème d’amour adressé à l’artiste qui les a créés.

Les noms d’oiseaux forment un air joyeux qui se répercute jusqu’aux confins de notre conscience. Ils nous instruisent d’une beauté qui se niche jusque dans nos rêves.

Une fois, à la campagne, je marchais en compagnie de mes enfants et, à la vue d’un oiseau élégant perché sur une clôture, je leur dis que c’est  un  Tyran tritri. Dans leurs yeux et leurs bouches apparut aussitôt un « quoi? » Un nom de même, ça ne s’achète pas! Habitués à mes histoires, ils ne m’ont pas cru. J’ai insisté : un « Tyran tritri »!

Il y en a beaucoup d’autres du même acabit. Je pense aux Jaseur des cèdres, Pluvier kildir, Moqueur polyglotte, Bruant des neiges et autres Goglu, Fou de Bassan, Martinet ramoneur. En voulez-vous encore? Roitelet à couronne rubis, Tangara écarlate, Chevalier branlequeue, Carouge à épaulettes.

Mon préféré, c’est l’Engoulevent! Il est dommage qu’au crépuscule nous ne puissions plus entendre les exclamations électriques répétitives de cet oiseau qui sillonne le ciel en quête de nourriture. Il semble disparu de nos villes, « celui qui engouffre le vent »…

En latin, leurs noms scientifiques me laissent de marbre. « Dendroica fusca » n’a aucune saveur à mes yeux… Par contre, lorsque je lis Paruline à gorge orangée je fonds littéralement (la voir m’a déjà jeté par terre). Il en va de même pour Hirondelle bicolore. Cet oiseau fou réjouissait mes printemps d’enfant lorsqu’il glougloussait en s’installant dans ces petits condos en bois qui lui étaient réservés. Un autre grand disparu.

On ne se rabaisse jamais à observer les oiseaux et à décliner leurs noms. Une promesse les accompagne : nous transporter outre frontière pour y voler ensemble!

Signé : « Le Traquet motteux ».


4 août 2011

Le disparu


* Illustration Mathieu Plante ( www.mathieupdesign.com )

3 août 2011

Une idée simple


« L’intellectuel doit porter assistance à autrui non seulement par altruisme mais pour bien faire son métier, pour découvrir des images (littéraires, scientifiques, philosophiques) du réel qui endiguent ou surmontent la souffrance ou la violence de l’homme qui ne sait pas pourquoi il vit. »

Yvon Rivard, Une idée simple, Boréal p 10

1 août 2011

Un conte amérindien*


Il était une fois une jeune souris grise nommée Nuage-d’Avril. On ne l’aimait guère et la croyait folle dans sa petite tribu, car elle entendait sans cesse une musique, un bruit vague que personne d’autre ne percevait. Un jour elle décida d’aller dénicher la source de ce bruit. Elle trotta longtemps, seule, à travers des territoires inconnus, toujours à l’affut de cette rumeur qu’elle entendait, de plus en plus précise, envoûtante. Elle découvrit enfin la source de son émerveillement : un ruisseau bondissant parmi les rocs dans la forêt. En son milieu, posé sur une pierre, se tenait une grenouille.

- Comme tu dois être heureuse, lui dit alors Nuage-d’Avril, touché par tant de beauté. J’aimerais tant te rejoindre.

- Mais tu n’as qu’à sauter, lui répondit la grenouille.

Et la souris sauta, puis aussitôt hurla, cracha, se débattit et faillit se noyer. Elle se redressa enfin hors de l’eau, furieuse contre la grenouille.

- Ce n’est pas important, lui mentionna cette dernière. Le seul fait qui vaille est de savoir si quelque chose t’est apparu en sautant…

- J’y pense. J’ai vu en effet, le temps d’un éclair, des taches blanches dans le soleil.

- Voilà donc où tu dois aller, répondit la grenouille. Tu n’es venue sur terre que pour atteindre les taches blanches du soleil!

Nuage d’Avril s’en fut donc droit devant elle, se demandant bien où elle devait aller. Elle traversa maints périples à travers plusieurs saisons, survécut à bien des tempêtes pour aboutir finalement, presque morte, chez une vieille souris vivant seule dans une profonde forêt. Celle-ci la soigna, la nourrit puis l’enjoignit de rester avec elle et vivre enfin heureuse dans l’abondance de son territoire. Mais Nuage-d’Avril ne pouvait renoncer à sa quête. Je ne désire pas la paix, expliqua-t-elle à son hôte bienveillant. Elle repartit alors en prenant un chemin secret connu seulement de la vieille ermite.

À peine avait-elle fait une centaine de pas qu’elle découvrit un énorme bison couché par terre et se mourant.

- Tu sembles mal en point, lui dit-elle, puis-je faire quelque chose pour toi?

- Je crains que non, lui répondit-il, haletant. Ce dont j’ai besoin comme remède, seul un fou pourrait me le livrer. Il n’y a qu’un œil de ta tête qui pourrait me redonner la vie, alors laisse-moi mourir en paix.

Nuage d’Avril réfléchit, bouleversée par la situation. Elle se dit qu’elle pourrait facilement vivre un œil en moins, surtout si un autre animal pouvait être sauvé. Elle accepta et aussitôt son œil gauche alla se planter dans la tête du bison. Celui-ci, tout fringuant, bondit alors sur ses pattes.

- Si je peux à mon tour faire quelque chose pour toi, je t’offre mon aide de bon cœur.

Nuage d’Avril lui mentionna son plus cher désir et le bison la conduisit jusqu’au pied des Montagnes Rocheuses, le plus loin qu’il pouvait se rendre. La souris commença alors à gravir ces monts démesurés. Elle s’échina, s’épuisa puis s’arrêta découragée en contemplant la cime si lointaine encore. Elle se laissa glisser au pied d’un rocher et poussa ensuite un cri de surprise en voyant un vieux loup couché et agonisant. Notre voyageuse lui demanda si elle pouvait faire quelque chose pour lui et celui-ci lui répondit qu’il avait perdu tout désir de vivre et que sa seule certitude était qu’un œil de sa tête pourrait le sauver. Nuage d’Avril fit un bond en arrière en refusant tout net, mais voyant le vieux loup qui soupirait en se désintéressant du monde, elle eut honte, puis se dit qu’il allait mourir alors qu’elle pouvait l’aider.

À peine cette pensée eut-elle germé dans son esprit que, de son orbite, jaillit son autre œil. Le loup sursauta tout gaillard et impatient de vivre. Plein de gratitude, il offrit de conduire la souris partout où elle voudra aller. Celle-ci lui dit qu’elle n’avait qu’un seul désir : aller vers les taches blanches du soleil même si elle ne pourra jamais contempler leur lumière.

- Je suis aveugle maintenant, mais je dois me rendre le plus près possible du soleil.

- Alors, accroche-toi, lui dit le loup.

Et ils partirent dans un coup de vent. Le loup grimpa et grimpa jusqu’aux neiges éternelles, le plus haut qu’il pouvait et dit à Nuage d’Avril qu’elle devait terminer seule son voyage en continuant tout droit. C’était fini pour lui. Et il tomba dans un ravin dans un hurlement épouvantable. La souris hurla elle aussi et commença à grimper seule, abandonnée dans une immensité sans borne. Elle grimpa jusqu’au-delà de ses forces et perdit conscience…

Quand elle s’éveilla, miracle : elle voyait. Elle était au cœur même du soleil. De majestueux oiseaux se tenaient autour d’elle et la contemplaient avec respect. Elle regarda son corps, émerveillée.

Nuage d’Avril, l’humble souris grise, était devenue un aigle.

* Abrégé d'un conte tiré de L'arbre aux trésors d'Henri Gougaud.