22 décembre 2010

Une carte de Noël



À tous les enfants, mes enfants, ces merveilles…

Voici ma carte de Noël que je vous demande d’imaginer et de glisser délicatement dans votre lieu préféré, en vous-mêmes.

Sur sa partie supérieure, voyez comme la lune toute pleine déborde de sa vraie lumière malgré la course échevelée des nuages. Imaginez cette lanterne chinoise couleur crème qui tient le fort pour vous. On annonce une éclipse pour cette nuit, il faut profiter de son éclat, n’est-ce pas?

Sous l’immensité du ciel, représentez-vous un territoire sinueux de glace qui danse à travers une chanson de neige, des monticules hantés de traînes sauvages, des lampadaires au garde à vous, éparpillés ici et là. Plus à gauche, près d’une sentinelle d’arbustes variés, coule la rivière transie de froid, une force tranquille en armistice.

Je vous dévoile un décor, une parure d’enchantement, mais il y a beaucoup plus encore…

Essayez maintenant de visualiser un fou heureux qui glisse à la vitesse du son sur un miracle de glace. Sans réfléchir, il ose tout à coup un triple boucle piquée suivi d’un double axel… dans sa tête. Du jamais vu! Il poursuit ensuite sa course échevelée; son voyage de lames affûtées mord dans le cœur même du silence. Imaginez ensuite une musique, mille violons qui s’élèvent pour l’accompagner. Cet air lumineux qui le prend par la main, il le connaît bien, il l’aide à défier la gravité, à filer en douceur.

Le fou sourit, le fou se défoule.

Il continue son parcours et arrive dans un immense cercle au milieu duquel resplendit un sapin colossal coulé dans la lumière. Des millions de lucioles l’entourent, on dirait qu’ils l’embrassent, qu’ils s’accrochent à son corps. Le voyez-vous?

Surgit une fillette qui tourne sur elle-même. Arabesque, saut de valse, pirouette simple embaument le temps qui s’arrête. La beauté piétine la dureté, là même où nul soupçon de grâce n’aurait même envie de naître.

Il y a le sapin de lumière, la lune échevelée, la musique, l’enfant qui danse et le fou qui contemple le spectacle comme étant sa seule raison d’être.  
           

20 décembre 2010

Les Fêtes, c'est pas un cadeau...

Quand arrive le temps des fêtes, une sorte d’instinct me pousse à décrocher. J’ai alors envie de me retirer de cette ambiance fébrile qui nous agite comme un mouvement brownien déclenché par une force hors de nous.On ne s’appartient plus, on appartient plutôt à cet état gazeux en suspension qui se met à tournoyer et nous, infimes particules, nous perdons tout contrôle.

Je n’apprécie pas cet état. Il vient se greffer à cette condition de consommateur vorace que nous sommes déjà, de même qu’à l’abondance quasi obscène qui nous englobe. D'ailleurs vous arrive-t-il parfois de penser : « Que vais-je lui offrir comme cadeau, il, ou elle, a déjà tout? »

Nous avons déjà tout, certes. Mais il me semble que nous manquons, malgré ce tout, du réel nécessaire.

En premier de liste : du temps. S’offrir du temps pour soi, pour se reposer, mais aussi pour l’autre qui aimerait tellement qu’on le reconnaisse, qu’on l’apprécie pour ce qu’il est, qu’on lui accorde un moment, une attention. En deuxième de liste : de l’écoute. S’écouter bien sûr, mais aussi s’arrêter un peu, cesser tout babillage pour tendre une oreille attentive et entendre l’autre avec tout le respect qu’il nous est possible de lui donner.

Donner de son temps et de l’écoute attentive, en faire une tâche consciente, être déterminé dans cet accomplissement durant cette période des fêtes. Au moins durant cette courte période, si c’est trop difficile le reste de l’année.

Avec sincérité, avec humour, avec esprit, avec amour, sans rien exiger en retour, sans nous mettre en avant-plan.

S’ouvrir.

Je ne peux parler pour les autres, mais si on me demandait quel est le plus beau cadeau que j’aimerais recevoir ce serait celui-ci : une conversation, un dialogue exceptionnel avec quelqu’un d’heureux, qui écoute comme un dieu, qui questionne plutôt que d’essayer de me donner des réponses, dont la folie douce est aussi contagieuse que celle d'un enfant, mais dont le sérieux me rempli de confiance, m’allume et m’exalte, et m’accompagne sans juger.      

17 décembre 2010

À la manière de W. Allen

"Je suis résolument optimiste mais… qu’est-ce que ça me donne?"

Ne rien comprendre...

Une histoire tirée du merveilleux livre de Tom Keve : Trois explications du monde, publié chez Albin Michel. Un roman de cinq cent pages où défilent des chercheurs et scientifiques de renom comme Jung, Niels Bohr, Pauli, Freud, Heisenberg, Gödel, le Chatam Sofer, Einstein, Ferenczi et bien d’autres qui se sont rencontrés pour mettre en commun leurs découvertes sur la nature même des choses et établir un lien étroit avec la profondeur de l’esprit humain. À lire si la physique quantique, la psychanalyse et la Kabbale vous intéressent. Mais à lire surtout pour découvrir tous les tâtonnements, les doutes et les souffrances endurées par ces chercheurs devant le « grand inconnu » qui obsède et dont ils voulurent percer le mystère.

Cette histoire aurait été racontée par le physicien Niels Bohr lors d’une conférence présentée en 1922 à Göttingen. 

Il était une fois un rabbin miraculeux qui voyageait par monts et par vaux; un jour il arriva dans un village. Les anciens de la communauté, heureux d’accueillir un homme si célèbre, le prièrent de faire un sermon, et même un ensemble de sermons. Un garçon particulièrement vif était assis au premier rang et écoutait intensément le sage. Le soir même, le jeune rentra chez lui et vint trouver son père : « Père, dit-il, j’ai été tellement ému par le sermon du rabbin. Il était réfléchi et profond, c’était un modèle de clarté. J’ai compris tous les mots qu’il nous a dits. » Tout naturellement, le jour suivant, le garçon était à nouveau au premier rang, avide d’écouter le sermon du rabbin. Puis il rentra chez lui, encore plus enthousiaste, encore plus impressionné. « Père, dit-il, le second sermon était encore plus profond que le premier. C’était l’extase, J’étais bouleversé. Bien sûr, c’était trop difficile pour moi. Je n’ai pas vraiment compris tous les mots que le rabbin disait. Mais lui, il les comprenait, et c’est l’essentiel. » Le jour d’après, le garçon rentra chez lui, impatient de raconter à son père ce qui s’était passé. « Père, dit-il, père, le rabbin a surpassé les splendides sermons d’hier et d’avant-hier. C’était éblouissant. C’était exaltant. C’était grisant. C’était sublime. Bien sûr, je n’ai rien compris. À vrai dire, c’était si profond que même le rabbin ne comprenait pas. Mais Dieu le comprenait, et c’est l’essentiel. »

15 décembre 2010

Présent!

"Ne regarde ni en avant ni en arrière, regarde en toi-même, sans peur ni regret. Nul ne descend en soi tant qu'il demeure esclave du passé ou de l'avenir."

Emil Michel Cioran, De l'inconvénient d'être né. 

14 décembre 2010

Le noyau dur

Venons-nous de plus loin que nous le croyons, allons-nous plus loin aussi?

Ces questions sont fixées en moi et forme un noyau dur autour duquel je tourne sans cesse, en y jetant un regard parfois suppliant, parfois dubitatif. Ce noyau est-il insécable? Est-ce que je peux le briser sans danger, sans produire une réaction en chaîne comme une fission nucléaire?

Telle une planète autour de son soleil, je me sens uni à ce noyau, il n’a de cesse de réchauffer mon existence et de faire germer quelques graines de sagesse ici et là. Sa lumière m’incite à regarder, à observer et voir.

Je pense qu’une partie de soi, la plus grande partie en fait, se trouve dissimulée quelque part au sein de ce noyau. Sinon comment m’expliquerais-je son attrait si irrésistible?

Il y a un manque et ce manque se cache là, en son cœur.

Souvent, je me dis que c’est peine perdue, tu perds ton temps, tu ne pourras jamais percer le mystère de sa présence! Je m’éloigne alors, confus, avec mes doutes et mes misères. La vie continue, à peine changée, mais avec cette image en filigrane, toujours palpitante, de cet ensoleillement qui vient s’accrocher à mes fragilités. Je cesse alors de m’agiter, me retourne, reprend le même chemin à l’envers avec un nouveau bagage qui vient nourrir la survivance du noyau, qui me remercie à son tour en irradiant pour moi d’autres problèmes à résoudre, qui me dit aussi que ça lui plait de me voir si contrarié, si sérieux alors que cette tâche, tout compte fait, n’est pas si difficile, elle m’occupe dignement, n’est-ce pas?

Que de fois je l’enverrais promener! Que de fois mon noyau dur je le hacherais menu pour qu’il cesse son attraction, sa fascination!

C’est peine perdue. Je peux m’en détacher, mais jamais y renoncer.  

Une nuit, en rêve, je me suis approché tout près de lui. Il avait pris la forme d’un quartz bleuté suspendu au-dessus d’un échiquier fait de bois rares et précieux. Je le voyais vibrer. Une pensée me vint qui me signifia de me détendre puis de m’allonger près de lui. Je sentis alors un souffle, un vent qui m’entoura et j’ouvris la bouche pour respirer cette trombe. Ma vraie nourriture…

Venons-nous de plus loin que nous le croyons, allons-nous plus loin aussi?


* Photo: Mathieu Plante
    

13 décembre 2010

Souffrance et beauté

"C'est de la souffrance que naît la beauté."

David Desjardins  (Voir)

7 décembre 2010

Un univers de mille mots

Comment rivaliser avec la télévision, la photo numérique, le cinéma, les jeux vidéo? Comment rivaliser avec l’ordinateur, You Tube, l’IPad, l’IPhone dont la matière première est la diffusion d’images captant l’attention d’un public de plus en plus avide et nourrit à la petite cuiller?

Je vois mes enfants et tous ces jeunes gens qui évoluent et grandissent dans un monde fabriqué par les nouvelles technologies dont la nature même est de les ensevelir d’images, de films et de « flashs ». Et je m’inclus dans ce tourbillon, car j’ai grandi avec l’arrivée de la télévision, j’adore le cinéma. Je suis fasciné par ces images qui montrent avec tellement de réalisme des phénomènes scientifiques dans certaines émissions télé.

Inutile de s’opposer à ce flot. Il est là pour rester.

Mais lorsque je pense à l’écriture et à la lecture, je ne peux m’empêcher de souligner que ces deux activités subissent de jour en jour une plus forte et brutale confrontation avec cette omniprésence de l’image.

Une image vaut mille mots, disons-nous. Alors, pensez à ce que peuvent faire un million d’images. L’écriture, la lecture peuvent-elles encore survivre dans de telles conditions?

Je suis de ceux qui croient tout de même qu’avec mille mots, seulement mille mots, nous pouvons construire des mondes chargés d’histoires, de personnages inoubliables et de situations extraordinaires. Qu’avec mille mots, nous pouvons même envisager d’influencer des dizaines ou centaines de gens, de leur apporter un baume lorsqu’ils vivent des situations difficiles. De les toucher au point de les faire réagir et réaliser que leur situation n’est pas sans issues possibles.                                                

Une image vaut mille mots, mais que penser de mille mots bien choisis pour pénétrer dans un univers de significations, de grandeur, de beauté? Un univers qui magnifie l’homme au lieu de le diminuer. 

Je rêve à un concours où des écrivains de toutes provenances, de toutes catégories, pourraient nous éblouir avec seulement mille mots.

L'art et la vie

« Celui qui n’a pas ajouté à la vision de l’homme, ne serait-ce qu’un peu d’acuité, n’est pas un écrivain… La tâche de l’artiste est d’engendrer la joie… Percevoir la vie comme une perpétuelle nouveauté, voilà le terrain fertile sur lequel l’art s’épanouit et porte ses fruits. »   

Robert Lalonde citant Constantin Paoustovski dans :"Le monde sur le flanc de la truite"

3 décembre 2010

Corrida

"Pareil au taureau qui s’entête à poursuivre le chiffon rouge brandi devant son nez par le toréro, l’être sans consistance se verra manipuler à ses dépens jusqu’à ce qu’il en coûte de sa propre vie."

2 décembre 2010

Wiki... euh!


Le plus difficile est de rien exprimer de négatif sur l’autre, le laisser tranquille. Il est ce qu’il est, c’est tout. Si c’est dans sa nature de japper, il jappe, si c’est dans sa nature de « requiner, il requine ».

Mais pour le diplomate qui doit pondre un rapport, laisser une note, écrire ce qu’il pense à son responsable puisque voilà son travail, là c’est une autre affaire. Et des notes, il en laisse à profusion : des propos corsés, des jugements lapidaires, du baratinage, des observations bizarres, etc., comme nous sommes tous en train de l’apprendre présentement par les médias.

Donc, premier réflexe, de trouver jouissives les révélations faites par WikiLeaks. Comme si nous venions tout à coup de débusquer l’hypocrisie chez les grands de ce monde. Comme si nous ne savions pas que c’est dans la nature même du diplomate ou d’un représentant aux affaires étrangères que de se montrer simplement poli avec cet autre qui habite ailleurs et qui fait si peur, car il figure l’inconnu.

Nous, c’est autre chose, nous disons toujours la vérité, nous ne nous cachons jamais. La transparence irradie de notre être…

Permettez d’en douter un instant.

WikiLeaks n’a fait qu’élever au-dessus de nos têtes un miroir pour montrer ce que nous sommes.

Dostoïevski, l’écrivain russe dont il est dit qu’il apposait un regard lucide et pénétrant sur le monde a écrit ceci : « N’importe qui veut se venger de sa nullité sur quelqu’un. »

Il y a des mots et des paroles prononcés qui s’échappent sans doute souvent dans le même but.