30 septembre 2010

Le droit de savoir

"L’obligation de subir nous donne le droit de savoir."

Jean Rostand

28 septembre 2010

Laisser la lune tranquille


Nous étions trois jeunes étudiants de 17 ans partis sur le pouce à l’aventure après la fin des classes au printemps. Direction Saint-Benoit-du-lac et un hébergement au monastère des bénédictins. Saturé de cours, d’apprentissages et d’examens, je m’étais fait à l’idée que le changement et le silence devenaient indispensables pour venir à bout de mon mal de crâne...

Nous y sommes restés cinq jours. Cinq jours à partager les repas avec les moines en silence, à dormir dans de minuscules cellules. Cinq jours à ne rien faire, à marcher, explorer l’entourage.

Un soir, il y a la pleine lune.

Je suis assis par terre et contemple sa lumière, sa rondeur, l’observe en pensant à rien. Mes amis sont debout, en train, plutôt, de discuter sur sa présence. Je n’écoute pas, mais leurs paroles finissent par me déranger. Je n’arrive pas à croire qu’ils ont tant à dire : sa distance avec la terre, le temps pris par sa lumière pour parvenir jusqu’à nous, sa surface cachée, etc. Je me retiens quelques minutes puis je leur lance : « Laissez donc la lune tranquille! » Ils pouffent de rire. Je réalise alors tout l’écart entre nous. Comme si nous étions dans deux mondes séparés qui ne peuvent se rejoindre.

Depuis lors, j’ai toujours douté du monde des explications. Je pense à Serge Bouchard qui nous dit que pour l’homme moderne : « (…) tout s’explique mais rien ne fait sens. » Je pense à tous ces mots, à toutes ces paroles que nous entendons autour de nous, ces jugements, interprétations qui ne demandent pas mieux que de nous éclairer mais qui ont l’effet contraire. Trop d’explications, trop d’informations qui se contredisent et qui finissent par nous geler…

Je n’ai qu’un geste à proposer si on me demande ce que je pense de tel ou tel chose, je n’ai qu’un geste à proposer si une interprétation du monde, si une recherche de la vérité nous obsède.

L’index collé sur des lèvres closes...

27 septembre 2010

Le concert


Petit bijou de film où la créativité et l'intention sont des forces de vie mises en valeur. Par la bande, c'est aussi une critique féroce des idéologies, ici le communisme en URSS. Faut donc pas s'étonner que la critique en France ne fût pas très bonne, surtout à gauche...

Raison de plus pour le voir.

20 septembre 2010

La magie du champignon



À l’exemple des oiseaux, les couleurs et formes variées des champignons sont remarquables. C’est pourquoi nous les avons baptisés de noms si poétiques, à mon avis. Il suffit de prendre une liste et de la lire pour s’en convaincre, et je ne parle pas de leurs noms latins réservés aux scientifiques, il va sans dire.

La période d’aout et septembre est propice à des découvertes fabuleuses. Suffit de mettre les pieds en forêt et d’ouvrir nos yeux bien grands pour que la magie opère. Et lorsque je parle de magie, le mot n’est pas trop fort. Quand je découvre un champignon, j’ai souvent l’impression qu’une existence farfelue est apparue hors du grand chapeau de la nature uniquement pour me séduire et pour me permettre de retrouver des yeux d’enfant ébahi.

Cette fois-ci, j’étais au bord d’un ruisseau en train de contempler les reflets des arbres dans son eau. Je tourne mon regard et une tache orange et blanche m’apparaît alors subitement à un endroit inattendu, presque sous la terre, comme dans une grotte minuscule où un ermite contemplatif se serait réfugié pour méditer.

Les photos témoignent de ce magnifique champignon, un bolet bicolore selon les livres, mais je n’en suis pas certain. Peu importe d’ailleurs. C’est son apparition telle une gifle en plein visage qui m’a troublé.

C’est ce genre de beauté que je trouve redoutable. Elle me fait plier les genoux et me rend complètement gaga.

Tout est disparu par la suite.

Je ne sais comment je me suis retrouvé chez moi…

17 septembre 2010

Faire le plein de sens


Un proverbe de la sagesse orientale nous dit ceci : « Lorsque tu es pressé, fais un détour! »

Je ne sais pas si je le comprends bien ce proverbe. Est-ce qu’il veut dire de ne pas nous précipiter alors que la colère ou l’impatience nous incite fortement à pratiquer le contraire? Je le pense…

Maintes fois, il m’est arrivé de ralentir et même de stopper volontairement le cours des choses afin d’observer ou de contempler cette part de réalité qui s’affichait dans ma vie. Maintes fois, je crois y avoir gagné au change.

Ralentir, réduire son train de vie, s’arrêter pour réfléchir et méditer, moins s’encombrer, rechercher le silence, se simplifier la vie, tout ça n’est pas très vendeur, je le reconnais. D'ailleurs, tout ne nous incite-t-il pas à pratiquer le contraire, à consommer par exemple le plus possible d’objets désirables en un moindre temps afin, dit-on, de nous tenir à jour, d’être à la hauteur face aux autres, face à la société. Nous ne voulons pas être pris en flagrant délit d’ignorance alors que le simple bon sens devrait nous dicter d’arrêter pour réfléchir un tant soit peu à la direction que nous prenons.

Chaque jour je m’efforce de ralentir, non pas pour tomber dans une passive oisiveté à l’abri du stress ravageur, mais pour observer davantage et mieux, affiner ma perception, découvrir des liens précieux entre les êtres, entre les événements et ainsi ne plus juger ou sauter sur des conclusions rapides.

Chaque jour je marche pour faire le plein de sens au lieu de courir à droite et à gauche à la recherche de réconforts factices à un supposé mal de vivre.

Je ne saurais dire tout le bien de la marche, seul, en silence, loin de tout bavardage. Selon les Amérindiens, notre vie entière, chaque péripétie qui la compose serait inscrite à l’arrière de nos jambes et lorsque nous marchons il y a tout un processus de récapitulation qui se met en branle. Cette récapitulation est un inventaire des événements marquants de notre vie qui puisent en nous une énergie précieuse et dont il est impératif de repasser en mémoire, de revivre afin qu’ils perdent leur pouvoir d’attraction et nous empêche de voir la réalité telle qu’elle se présente. Une sorte de libération de notre passé…

Marcher nous aide à ralentir et apprivoiser un nouveau rythme. Ce rythme est une réconciliation avec la terre et notre corps qui sont le siège d’une manière de vivre inscrite dans le présent.

Ce présent qui seul existe.

14 septembre 2010

Grand-Prix Protour de Québec 2010






Une compétition relevée dans un décor de rêve. Les meilleurs cyclistes au monde qui nous donnent un spectacle électrisant.
Un hommage à tous les fous du vélo !

13 septembre 2010

Jordi Savall et le Royaume Oublié


Un très beau travail de la part de Jordi Savall, le maître de la musique ancienne.

Trois disques à l’intérieur d’un livre traduit en sept langues ayant pour titre : « Le royaume oublié (La tragédie cathare) ».

Dans un hommage au pays d'oc, Savall nous dit ceci : « Au-delà des mythes et des légendes, la destruction de la mémoire de cette formidable civilisation qui était celle du pais d’oc, devenu alors un véritable royaume oublié, la terrible tragédie des cathares ou « bons hommes» et le témoignage qu’ils ont donné de leur foi, méritent tout notre respect et tout notre effort de mémoire historique. Huit siècles ont passé, et le souvenir de cette croisade contre les Albigeois ne s’est pas effacé. Il éveille encore le chagrin et la pitié. C’est pourquoi nous croyons avec François Cheng que « nous avons pour tâche urgente, et permanente, de dévisager ces deux mystères que constituent les extrémités de l’univers vivant : d’un côté le mal ; et de l’autre la beauté. Ce qui est en jeu n’est rien de moins que la vérité de la destinée humaine, une destinée qui implique les données fondamentales de notre liberté. »

9 septembre 2010

Dehors !


Va jouer dehors, me disait ma mère!
Je ne me faisais pas prier, d’autant plus que toute la marmaille du coin jouait dans ce même endroit magique, cet endroit de toutes les folies : "le dehors".

À l’arrière de chez nous, il y avait un champ. De la place à revendre pour nous ébrouer, nous chicaner, élaborer des jeux de groupe à travers broussailles, bardanes et herbes folles. Un peu plus loin, de l’autre côté de la rue principale, il suffisait de descendre une butte pour nous retrouver dans un vaste terrain en pente, rempli de petits sentiers qui couraient à travers les arbustes. La frontière, c’était un cap vertigineux avec le fleuve Saint-Laurent coulant plus bas et qui jetait un regard désintéressé sur nos jeux d’enfant.

Je parle de ce dehors dans la nature, car je viens de lire un article publié dans le Québec Science d’août-sept 2010 et intitulé : Promenons-nous dans les bois. L’auteur met l’accent sur l’importance d’un contact rapproché avec la nature afin de ne pas souffrir d’un « nature-deficit disorder » qui affecterait notre bien-être physique et mental.

Pouvons-nous nous en étonner?

Il nous renvoie à un essai publié par Richard Louv intitulé Last child in the Woods et qui « montre à quel point les jeunes sont éloignés de la nature ». Il en arrive à la conclusion que « passer du temps dans un milieu naturel réduirait le stress et diminuerait l’incidence du trouble de déficit de l’attention. »
La bonne nouvelle, d’après l’auteur de cet article, c’est qu’il « n’est pas nécessaire de passer des jours entiers dans le bois pour ressentir les bienfaits de Dame Nature. Cinq minutes de marche, de vélo ou de jardinage dans la verdure suffisent à faire une différence significative. »
Je ne puis m’opposer. Combien de fois, alors même que j’étais dans un état de grande lassitude, quelques jours dans la nature, en camping, m’ont complètement régénéré. Mieux que n’importe quels autres procédés, j’en suis certain.

Je propose cet exercice tout simple. Trouvez un ruisseau ou une petite rivière en plein bois. Mettez-vous pieds nus et allez vous asseoir sur une roche au milieu du cours d’eau. Laissez-vous bercer par la musique de l’écoulement en cessant tout dialogue intérieur. Quelques minutes suffisent.
M’en donnerez des nouvelles…

* Ajout du 21 sept 2010: Un livre du québécois François Cardinal vient d'être publié aux éditions Québec-Amérique. Il traite du même sujet. Son titre: Perdus dans la nature. Pourquoi les jeunes ne jouent plus dehors et comment y remédier.

8 septembre 2010

Lueur


"Autant que je puisse en juger, le seul but de l’existence humaine est d’allumer une lumière dans l’obscurité de l’être."

C.G. Jung

7 septembre 2010

Le silence des océans


"Les religions sont des fleuves et l’océan dans lequel elles confluent,
c’est le silence."

Ramana Maharshi

2 septembre 2010

Soigner

Un texte du médecin Marc Zaffran qui tient un blogue sur le site passeportsanté.net.

« À l’occasion d’un de mes premiers stages hospitaliers, j’ai été affecté dans un service de long séjour. J'étais un simple étudiant en médecine. Le résident nous accueille et, négligemment, nous attribue des chambres, nous dit qu’il faut aller examiner les « pensionnaires » et reprendre complètement leur dossier clinique. Il me regarde et, un sourire en coin, me désigne la chambre du fond. C’est une pièce où sont allongées cinq femmes très âgées. Quand j’entre, elles ne bougent pas. Elles sont prostrées, incapables de faire le moindre geste et de dire la moindre chose. Sauf une, à qui je tourne le dos car son lit est installé derrière la porte. Elle voit que je suis perdu et me désigne une chaise. « Vous n’avez qu’à commencer par moi... »

Je m’assieds. Elle me donne son nom, je farfouille parmi les dossiers qu’on m’a remis, je trouve le sien. Je sors mon stylo pour me mettre à écrire. « Et vous, comment vous appelez-vous? » Je bafouille, mais je finis par répondre. Elle sourit : « C’est mieux si je connais votre nom, vous ne croyez pas? »

Grâce à elle, à partir de ce jour, j’ai toujours dit qui j’étais, ce que je faisais, quelle était ma fonction, et j’ai veillé à porter des blouses sur lesquelles mon nom était écrit. Ce n'était pas, et de loin, la coutume en France dans les années 70.

Elle me désigne ses voisines de chambre : « Vous n’allez pas en tirer grand-chose, hélas. Celle-ci a perdu la raison. Celle-là ne peut plus parler. La troisième dort tout le temps. La quatrième geint sans arrêt. Mais je peux vous dire ce qu’elles prennent comme médicaments, quels examens on leur a fait passer, quels diagnostics ont été évoqués par les médecins, quels membres de leur famille viennent les voir et ce qu'ils leur laissent dans la table de chevet sans le dire aux infirmières... »

Et tout était vrai. Elle était impotente et clouée au lit, mais elle avait toute sa tête, et elle n'était pas sourde. C’est grâce à elle que j’ai pu rédiger l’observation des quatre autres occupantes de la chambre.

Elle finit par me dire : « Et moi, vous allez bien m’examiner? » Je bafouille : « Bien sûr ». Elle me tend son bras, et je lui prends la tension. Elle se redresse, j’écoute ses poumons. Elle se rallonge, soulève sa chemise pour que je l’ausculte. Son ventre irrégulier se soulève, déformé, comme si d’énormes champignons poussaient sous la peau. « Ne regardez pas, c’est moche! » Que lui est-il arrivé? « C’est une éventration. J’ai eu sept enfants, vous savez. On ne nous réparait pas, à l’époque, et puis je n’avais pas les moyens. » Je pose la main sur son ventre, Je le palpe doucement, Je lui demande si elle souffre. Elle fait non de la tête. Elle me dit : « C’est affreux, hein? Ça ne vous dégoûte pas? » Je m’étonne : est-ce que ça devrait me dégoûter? Grâce à elle, j’ai su très tôt que les mêmes choses n’ont pas les mêmes effets, ne produisent pas les mêmes sentiments chez le patient et chez le médecin.

Cette femme, l’une des toutes premières patientes dont j’ai été chargé, tient une place à part dans ma formation : elle s’est occupée de moi, elle m’a pris sous son aile. Elle m’a appris qu’une relation de soin est une relation à double sens.

C'est une relation de coopération, de partage, d'entraide.

Pour les médecins, parfois, les patients peuvent être des soignants. »

1 septembre 2010

Prendre le large


Le grand fleuve magnétise.



Prendre la main gauche...

Une citation puisée chez Christopher Hitchens dans son livre très instructif : « Dieu n’est pas grand. Comment la religion empoisonne tout. » Je le recommande à tous ceux et celles qui s’intéressent à la chose…

« La valeur véritable d’un homme ne se détermine pas par sa possession, réelle ou supposée, de la Vérité, mais par son effort sincère pour atteindre la Vérité. Ce n’est pas la possession de la Vérité, mais la recherche de la Vérité qui lui permet d’étendre ses pouvoirs, et où il trouve une perfectibilité toujours croissante. La possession rend passif, indolent et vain. Si Dieu avait toute la Vérité cachée dans sa main droite, et dans sa gauche uniquement la quête soutenue et diligente de la Vérité, étant entendu que, dans cette poursuite, je me fourvoierais toujours et à jamais, s’il me donnait le choix, en toute humilité je prendrais la main gauche. » p. 301

Gotthold Lessing, Anti-Goeze (1778).