29 juillet 2009

Écrire sa vie


Je songe aux mots de Pascal (encore) devant la blancheur des lignes qui se profilent là devant moi. "Le silence de ces espaces infinis m'effraie". L'angoisse de ne plus savoir quoi dire, de ne plus trouver les mots, l'angoisse d'un vide qui ne peut se décrire et s'écrire. Je me dis pourtant qu'il il y a toujours ce devant soi à bâtir d'une conscience, un silence à subjuguer et à remplir d'un mot puis d'un autre, comme des milliers de petits pas permettant de franchir une distance voulue et longuement désirée.

Pareil à ces lignes, le voyage d'une vie avance souvent trop lentement- parfois trop vite - et finit par se corrompre si on ne s'en préoccupe pas, si on ne se prononce pas. Écrire, c'est cheminer avec une conscience aiguë d'un vide à franchir et à remplir d'une espérance imparfaite de sens. Le vivre a la même dimension incertaine. Vivre, c'est écrire une vie qui nous appartient et dont nous sommes responsables. À la fin, lorsque la mort aura tout consumé, nous parlerons du récit d'une vie.

L'artiste, le créateur, cet écrivain, ce musicien, ce peintre sont perçus comme des êtres affolants. Non pas parce qu'ils décrochent de la réalité ou la refusent. Mais parce qu'ils sont les amants d'un silence à combler, parce qu'ils sont à la recherche d'une brèche à colmater dans la substance infinie du vide afin de ne pas être enseveli par un torrent de non-sens. Ils s'offrent en sacrifice au vide. Et leurs yeux viennent à exprimer un vaste océan dont ils cherchent à réduire en une multitude de gouttes, telle une nourriture sacrée pour des terres asséchées. C'est pourquoi des larmes coulent parfois le long de leur visage...

Canaliser est souffrance.

La profondeur des grands espaces n'existe pas chez l'enfant et le jeune adulte. Ils manoeuvrent encore dans un habitacle clos de convictions qui jaillissent de toute part, à proximité. Ils jouent au squash dans une enceinte fermée, le rebond de la balle est vif, sournois, rapide. Tout devient alors question de réflexe, d'ajustement et de souplesse.

La souplesse, c'est important.

L'élasticité, l'ouverture, la curiosité sont les premiers apprentissages de la jeunesse.

Mais comment diable parler de souplesse quand vient le moment de jouer et de s'écarteler dans une arêne sans hauteur, ni largeur, ni profondeur ? On ne parle plus d'un carré de sable...

Le passage du réflexe à la réflexion ne s'effectue pas en douceur. Car nous ne sommes pas bien équipés pour l'infini.

On peut toujours s'émerveiller devant le grandiose, ou bien encore se réjouir de se sentir tout petit, croyant plaire à une Majesté afin de lui soutirer un regard plein de compassion et de miséricorde. Devant les angoisses de la vie et les coups durs qui surgissent en vieillissant, il peut être rassurant d'espérer un soulagement de la part d'un créateur infiniment parfait et infiniment bon. Je me pose toutefois cette question peu correcte et peu rassurante à vrai dire : n'est-ce pas plutôt qu'un réflexe infantile, ou encore le désir inavoué de retrouver un tant soit peu son carré de sable, de retrouver les bras chauds et rassurants d'une mère protectrice ?

Je vois la vie et l'écriture comme un métier. Le métier de "monteur de ligne", par exemple.

Grâce à leur travail, nous comprenons d'où provient l'énergie électrique qui, à la fin, ravitaille nos maisons, nos quartiers, nos villes. Chez-nous, au Québec, elle commence par l'eau. Nous la barrons puis la turbinons pour qu'elle se transforme en un courant puissant et encore dévastateur que nous réussissons à faire circuler sur de grandes distances, sur des lignes à haute tension. Premier prodige. Ensuite vient le moment de la distribuer, de la partager. Un réseau nait et, second prodige, ce même courant puissant se transforme en une source d'énergie qui nous apporte chaleur, lumière et confort.

Le métier de vivre ou d'écrire se conjuge ainsi avec un mot inaccoutumé que l'on finit par employer seulement avec réticence. Un mot tabou : responsabilité. Car le merveilleux dans l'homme qui s'éveille, le prodige entendons-nous encore une fois, demeure la reconnaissance, non pas de sa petitesse et de son impuissance, mais de cette capacité inhérente à l'être humain, celle de porter, transformer et créer. Porter en lui-même une énergie qui s'apparente, si l'on veut, à celle de l'électricité. Transformer ce même courant en quelque chose d'applicable pour notre existence et celle de notre entourage. Puis créer : le beau, le bonheur, le bien, le merveilleux, l'exaltant, le simple, le drôle, le généreux, mais aussi le déroutant, le curieux, le déstabilisant, l'inattendu, le mouvement, l'arrêt, le silence, le rire, le désordre, la fuite, l'anormal.

Je ne parle pas de subir, de se renfrogner ou de se recroqueviller sur soi-même. Je parle de donner et d'aller par le fait même à contre-courant.Je parle d'un métier difficile, humble et qui jouit de peu de reconnaisance.

24 juillet 2009

"Tambour battant dès l'aurore"

J'ai lu maintes fois cette phrase de Pascal :"Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre."

"Tout le monde est occupé" nous dit aussi Christian Bobin, le titre d'un de ses livres. Assez que tout le monde se court après. Une course fébrile qui ne s'achève jamais.

J'aimerais avoir un intrument qui mesure le "taux d'agitation", un peu comme on mesure le taux d'humidité dans l'air ou bien son taux de glicémie. Nous serions sans doute surpris...

Vrai que nous ne voulons pas perdre notre temps. Le bonheur est dans l'activité, je me dis souvent aussi. La passion de vivre et d'apprendre, le couple curiosité et amour nous aiguillonnent abondamment.

Cependant, passion n'est pas agitation. C'est de l'intensité dans le regard. Du coeur au ventre.

Je revois mon grand-père aller et venir dans son grand potager à chaque début d'été. Ses graines soigneusement triées, il les semait ensuite lentement, chacune dans sa rangée. Puis il s'assoyait dans sa berçante sur sa galerie. La nature faisait le reste.

Inutile de tortiller la laitue frisée pour qu'elle frise davantage et plus vite...

Mon grand-père suivait le rythme de la nature. Il endurait la durée. Sa patience supportait la lenteur et la répétition des choses bien faites. Tout simplement. Et le moment venu de nous apporter le fruit de sa récolte dans des petits paniers, son visage s'éclairait, car il voyait bien la joie dans nos yeux et ceux de ma mère.

Mais qu'est-ce donc que cette griserie de la vitesse et de l'agitation qui nous ensorcelle au point de consumer chaque parcelle de notre énergie ? Est-ce si humiliant ou si déconcertant que de s'arrêter et se voir aller ? Se sent-on coupable au point même d'agir sans réfléchir. Juste pour voir.

J'ai résolu la question et je m'efforce dorénavant avec beaucoup d'ardeur à trouver des formes animales dans les nuages.

23 juillet 2009

Crevasses



Ces deux photos me font tripper !

L'impitoyable

Je l'appelle mon "impitoyable".

Je marche ou m'affaire à une activité routinière, et voilà qu'elle apparaît. Elle se tient d'abord à l'orée de certaines réflexions qui surgissent spontanément en moi. C'est alors une petite "oui, mais..." Ensuite, si je creuse davantage une question qui me talonne, elle enfle, se gonfle d'ardeur et m'oblige à la suivre sur divers chemins où surgiront bientôt des angles d'interrogations différents, insoupçonnés. À mon insu, une vision des choses surgit qui est faite d'un kaléidoscope de nuances et de couleurs. Au final, je deviens troublé et perplexe, mais continue néanmoins de longs dialogues avec elle, sans complaisance, car elle me force à ne rien négliger.

Je sais maintenant que la satisfaction de mon "impitoyable" demeure dans l'évitement de conclusions hâtives. Elle m'a appris que bonheur et réponses surgissent toujours hors du champ des limites posées de manière précipitée.

Elle me prie de rester en suspend.

22 juillet 2009

Pow-Wow

Je me sens à l’aise dans Wendake : le « Village-Huron » de Québec, bien connu à cause de son ancien chef, Max Gros-Louis. J’y circule maintes fois à vélo, et à chacune de ces occasions je redécouvre une sorte de familiarité. J’éprouve aussi une fierté à partager un même espace avec des Amérindiens. Tout en reconnaissant que nous leur avons subtilisé de belles façons, cet espace.

Ce matin, j’ai rencontré un homme marchant avec un enfant d’environ huit ans. À tout hasard, je lui ai demandé s’il y avait un « pow-wow » cette année au village. Il m’a dit oui tout en me mentionnant que son fils y danserait pour la première fois.

J’ai décelé quantité d’étincelles dans leurs yeux…

L’an passé j’avais assisté à mon grand bonheur à ce rassemblement de différentes tribus de la province de Québec et même de l’extérieur. Des Ojibwés de l’Ontario et des Indiens du Pérou y participaient aussi, si je ne m’abuse.

Cette fête vaut le détour. Traditionnellement, il s’agissait d’un événement à connotation religieuse. Aujourd’hui, l’aspect festif a pris le dessus avec des concours de danse ainsi que des présentoirs sur l’artisanat traditionnel.

Je me souviens d’une parade fort colorée d’Amérindiens revêtus de leurs plus beaux atours et défilant au pas de danse au rythme des tambours accompagnés de chants. Ils ont dansé en cercle durant plusieurs minutes autour d’un axe central, un drapeau. Hommes, femmes et enfants.

Comme nous étions plusieurs à savourer pour la première fois un tel déploiement, un animateur nous en décrivait au fur et à mesure les grandes lignes. À un moment donné, il nous exhorta à ne pas photographier ni filmer l’événement. « Observez attentivement, nous dit-il, et gravez tout ça dans votre cœur plutôt que sur pellicule. »

Je ne sais si cette attitude est typique des Amérindiens, mais je reconnais qu’elle est pleine de sagesse.

13 juillet 2009

Vrai ou faux ?

Qu'il est bon d'apprendre ! Puis de rigoler en sachant que tout est vrai. Bien que tout soit faux, évidemment...

"Arbre aux trésors" (Illustration: Mathieu Plante)

Le don d'organe de l'arbre transmet la vie au livre, et ce livre une nourriture à l'homme. Puis la connaissance nait comme le feuillage au printemps.

La grandeur de l'arbre fait la grandeur de l'homme et lui procure tout ce qu'il lui faut d'ombre et de lumière.

12 juillet 2009

La nuit du cirque


De la musique, des costumes uniques, échassiers et chorégraphie limpide dans une rue étroite de la basse-ville de Québec.

Le "Cirque du Soleil" et sa poésie. Juste là devant. En plein visage !

Le "Cirque du Soleil" dans la nuit...

Comme un soleil de minuit.

10 juillet 2009

Mort et renaissance

Si ce n’était la crainte d’exagérer un tantinet, je miserais un p’tit $5 sur l’idée qu’il n’y a vraiment que deux moments importants dans une journée : celui du couché et son envers la levée.

D’autant qu’ils se rencontrent en tous lieux et de tout temps. Des moments on ne peut plus universels dont nous ne pouvons nous soustraire, sous peine de sombrer dans une léthargie.

Donc bien terminer et bien commencer sa journée.

Une sorte de petite mort et de renaissance.

Je me demande même si cette conjoncture à l’intérieur d’une vie ne préfigurerait pas une plus large structure? Pour parler comme les historiens… Morts et renaissances?

Nous coucher l’esprit au clair, les choses en ordre, entrevoyant des rêves salvateurs. Profitant du repos pour refaire le plein d’énergie et d’intentions fécondes. Nous lever pour s’exercer à vivre. Nous lever du bon pied c’est important, car nous risquerions de trébucher plus souvent qu’il ne faut.

Ce cycle peut être productif. Sinon il devient vite infernal. Quelles raisons aurions-nous de le perpétuer si le vivre est sans espoir ?

Nous coucher pour nous régénérer. Nous lever pour voir, vivre, accomplir et réaliser.

Autrement, nous ne sommes pas grand-chose. Notre vie « un simple frisson dans le désert immense de la non-existence » S. Bouchard

9 juillet 2009

-A + (- EM) + (- P I) -> E∞

Un soupçon de silence intérieur, et notre vie bascule.


Un flot de pensées et d’images circule sans arrêt en nous. Il est si fort et si constant qu’il réussit même à engendrer des humeurs et émotions diverses qui se transforment plus tard en gestes et en actions de toutes sortes. Nul ne peut nier ce phénomène proprement humain. Nous interprétons le monde, nous nous contons des histoires, nous nous valorisons ou encore nous nous apitoyons sur notre sort et jouons les victimes, nous nous identifions à un clan, sommes partisans ou non, jouons les héros et portons différents masques pour nous particulariser.

D’où provient cette énergie qui produit ce flot continu? Savons-nous à quel point il est fort, à quel point il peut même nous bouleverser et nous pousser à poser des gestes inqualifiables? L’esprit ou le mental de l’homme agit comme un instrument au mouvement perpétuel et il est permis de s’émerveiller de voir à quel point il semble infatigable. Pourtant, il parait impossible que ce mouvement soit de génération spontanée. Il doit y avoir une source, une cause première. C’est comme si un mauvais génie présidait à la création de ces pensées et images qui nous hantent. Car, il faut bien l’avouer, la plupart du temps ces dernières ne nous honorent pas le moins du monde. Certains proclament que le cerveau est la cause de tout ce brouhaha. Mais pourquoi diable ce même cerveau produirait-il ce qui finalement va à l’encontre de sa propre survie, soit en s’autodétruisant par le suicide, des dépendances néfastes, etc. ou soit en annihilant ce prochain qui lui-même possède un cerveau ? Le cerveau ne génère pas, il transforme et exécute…Une conscience (et inconscience) préside. C'est ma perception, mais le débat reste ouvert.

Cette énergie qui nous pousse à produire ce flot de pensées est-elle à jamais incontrôlable? Peut-on lui opposer une digue ou un filtre qui servirait à tout le moins à l’amener à forger des humeurs plus sereines et paisibles malgré les aléas de la vie?

Un soupçon de silence, et tout bascule. La nature a horreur du vide et l’humain n’en est pas exempté.

Je ne sais par quel miracle le phénomène se produit, mais à chaque fois où je m’oblige à cesser de penser et produire des images, il y a comme une apparition spontanée de sérénité, de paix et de contentement qui prend le relais. Je suis même tenté de dire que tout ça est scientifique puisque l’expérience se répète constamment avec les mêmes résultats.

La difficulté est d’arrêter de penser. Comment arrêter le flot? La direction habituelle va de l’intérieur vers l’extérieur soit : E à (P+I) + (EM) = A. Il y a d’abord l’énergie (E), transformée en pensées ou images (P+I), saupoudrée d’émotions (EM) se transformant par la suite en agir (A) dans le monde extérieur.

Qu’arrive-t-il si le processus est inversé intentionnellement? Au lieu de l’action incontrôlée et tous azimuts, nous commençons par une période de repos contemplative, ou silence intérieur.( un non-agir ou ne-pas-faire ) Ensuite images et pensées finissent par s’estomper graduellement. Je postule ici que l’énergie, faute d’issue vers l’extérieur, commence à emplir la conscience (ou notre être intérieur), à l’inonder de sa radiance, à la purifier de ses déchets inutiles. Un « Être » prend place et il finit par déborder autour de nous sans même que nous nous en rendions compte. Je crois l’effet cumulatif et il suffit de mettre ensuite un holà au flot de nos pensées (autocontemplation, complaisance, apitoiement sur soi, prétention, peur, etc.) pour que le processus reprenne spontanément et que nous redevenions fluides, légers, aimants, enthousiastes, bref une sorte de canal pour cette Énergie mystérieuse, infinie, « divine? », désormais libérée de contraintes inutiles.

Alors: -A + (- EM) + (- P I) à E

Une équation de plus.Une simple hypothèse dans l'exploration du grand mystère de la conscience.

Plongeon parfait


Un texte exceptionnel de Pierre Foglia de La Presse (20 aout 2008) qui me laissa pantois : « Un plongeon parfait est un plongeon difficile, mais si bien exécuté qu’il a l’air facile. Il en va du même principe dans tous les sports de représentation : gymnastique, nage synchro, patinage artistique. On pourrait dire qu’il en va de même dans les arts, les danseurs ne doivent pas avoir l’air de danser et les écrivains d’écrire.

La différence c’est que son œuvre exécutée, le plongeur, lui, disparaît. C’est la finalité finale de son geste : disparaître. En cela le plongeon est bien plus près de la vie. Je veux dire de la mort.

Tous les sports, tous les arts visent à la perfection. Le plongeon, en plus, nous dit ce qu’est la perfection : c’est disparaître sans laisser de trace.

C’est bien ce que je vous disais juste avant : le plongeon nous enseigne à mourir.

Quand on meurt, tout de suite après le grand plongeon, là où on arrive en s’ébrouant comme les plongeurs qui ressortent de l’eau, sept juges nous notent sur les pirouettes qu’on a faites dans la vie, et multiplient par le quotient de difficulté, très important le quotient de difficulté. Il fait toute la différence.

On est noté sur le splash, le remous, la broue qu’on laisse en sortant.

Une vie parfaite est celle qui ne fait pas de splash. Les plus humbles, les plus effacés, ceux-là qui auront traversé la vie comme un couteau entre dans l’eau sans faire de splash, ceux-là auront des 10. »

8 juillet 2009

Parler

Parler vite et fort : lorsqu’il y a des dizaines ou même des centaines de voix en nous qui veulent se faire entendre et se bousculent. (Ces voix proviennent de l’enfance, ses blessures et ses regrets, de nos parents, de tous ceux qui décident pour nous, car nous leur laissons cette place de choix, d’une autorité morale, d’un parti, d’un groupement, d’un auteur qui nous touche et dont nous avalons aveuglément les idées, d’un gourou et de sa secte, des amis, des médias, de la mode, de l’air du temps, des escrocs, des marchands d’illusions et de peur, des requins de la droite et de la gauche qui n’en veulent qu’à nos biens et à notre conscience, d’une église, d’une ou des lectures qui nous ont touchés de près.)

Parler naturellement. (Ce qui revient à dire : parler avec douceur, lentement, avec hésitation même, car le choix des mots est parfois difficile lorsque nous sommes seuls à en porter la responsabilité), parler aisément lorsque nous nous exprimons — avec notre cœur comme seul témoin.

7 juillet 2009

Bonheur vert


La pluie encore...

Par la fenêtre, je regarde les feuilles des grands érables se trémousser devant cette effusion pâmée de liquide. Tout est si vert, et le bonheur de la verdure est dans cette eau qu'elle accepte les bras ouverts.

Et notre bonheur à nous ne pourrait-il pas dépendre d'une averse constante de "l'eau-delà" dont nous pourrions accepter la coulée, amusés et comblés d'une douche rafraichissante qui nous nettoie de fond en combe?

Martin Léon


Puis-je vous dire que je suis dorénavant un fan achevé du chanteur-compositeur Martin Léon?

Je me suis fais dire que c'était un gars de Limoilou à Québec. Mon quartier, ma petite patrie.

Et il nous fait tellement bien voyager en auto...

6 juillet 2009

Vieux schnock

La vieillesse me fait mal en chien! L’arbre se rabougrit, ses branches sifflent dans le vent et produisent des craquements sinistres, quand ce n’est pas l’habillement ordinaire des feuilles qui disparaissent complètement à certaines extrémités. Non pas que je refuse de vieillir. Cet inéluctable a déjà tranché la question à bien d’autres avant. Mais là c’est moi qui suis l’heureux récipiendaire d’une expérience que je n’ai pas choisie.

Cette vieillesse je la constate et l’enregistre avec toute sa vigueur inflexible et surtout je la sens irrémédiable, brandissant son fouet avec arrogance sur ce corps qui me transporte, et cela m’attriste. Il répondait pourtant si bien mon véhicule lorsque j’étais dans la fleur de l’âge. Mon regret provient de là sans doute. Mais bon…

Maintenant j’ai la surprise d’exister autrement, car je sais que je suis en perte de contrôle, en état précaire de minutieuse diminution. L’outrage de l’âge, dit-on. Voilà ce qu’il y a de traître avec la vieillesse. Elle demeure toujours vivante et en marche, rien ne peut l’altérer et elle progresse ainsi, en sourdine, en cachette, à l’abri du regard, jusqu’au moment où elle cogne à la porte : « Bonjour, je me présente, mon nom est synonyme de douleur, de ralentissement, d’hésitation, de raideur, d’oubli, de précarité. Vous ne saviez pas, je me tenais dans votre entourage depuis votre tendre enfance et mon influence, loin de disparaître, s’accentuait de jour en jour? » On aurait envie de l’envoyer paître ailleurs, mais peine perdue, elle s’accroche comme un vendeur achalant.

Avant, dans la fleur de cette jeunesse que j’évoquais avec une certaine nostalgie, je n’en avais que pour l’action. J’étais courir, sauter et grimper. J’étais explorer, manipuler, toucher, enjamber, cacher, crier, frapper, pleurer, rire, chanter, gémir. Sans que tout cela m’en coute un sou d’effort. Maintenant j’y pense… Je tourne un peu plus en rond, je ralentis et j’écoute. La position assise a pris le dessus. J’ai moins de swing et la compagnie m’emmerde souvent, car elle s’agite et fait du bruit, ce que je ne tolère plus, car je veux le silence et la paix.

J’ai vécu ma jeunesse avec passion, sans me ménager et j’en ai mal partout d’ailleurs. Maintenant, je veux tout donner pour cette vieillesse qui prend place. La passion n’a pas d’âge. Dieu merci!

Les deux yeux de l'âme

« L'âme a deux yeux : l'un regarde le temps
Et l'autre se tourne vers l'éternité. »
Angelus Silesius (Le Voyageur chérubinique, trad. Maël Renouard , p.261, Rivages poche n°464)

C’est le mystère de la conscience. Elle se laisse pénétrer par le monde extérieur, le monde des sens, de la matière, du temps. Cette tonalité suit son cours et file aisément sans se questionner à l’intérieur de balises reconnaissables et partagées par l’ensemble. C’est le monde de la rue, de la température, du corps, de l’argent, du divertissement, de la nourriture. C’est le monde de l’espace-temps, de la matière, des océans, des déserts et des montagnes, de ses habitants qui naissent, vivent et meurent. Tout ça va de soi… Mais un jour, par un impénétrable retournement des choses, cette conscience pirouette vers l’intérieur, son intention bifurque et ose entreprendre une sorte de montée (ou d’élargissement, si nous avons le vertige), une exploration de perspectives nouvelles, une recherche qui devient vite obsédante.

Pourquoi ce retournement ? Dans quel but? Quelle est cette étincelle qui a déclenché ce revirement de situation?

Je sais toute l’énergie requise pour seulement se mouvoir et survivre en ce monde, pour seulement comprendre et embellir ce monde. Je sais le temps requis malgré notre impatience, nos tâtonnements. Je sais par contre, que malgré cet état de fait, que malgré les contraintes, les appréhensions, les peurs, je sais de façon indéniable qu’il arrive un moment où la conscience (l’âme) change de cap et chuchote à notre entendement que le temps est venu de larguer la durée et de s’accrocher à l’éternité, au « non-temps ».

Il apparaît qu’une sorte de volonté a réussi à percer notre carapace et à se frayer un chemin jusqu’à notre conscience pour lui signifier de tenter une incursion hors du monde phénoménal, physique et observable, pour aller jouer dans l’infini, s’élargir, voyager, connaître et ensuite rapporter au monde que « tout va bien », c’est-à-dire que tout se tient et a un sens.

Tout se passe comme si une intelligence supérieure nous enjoignait de dérouler une carte à trois dimensions de la vie pour mieux nous situer et nous conduire à travers les innombrables méandres qui la caractérisent. Une sorte de GPS qui éclaircit notre expédition sur terre et la rend moins hasardeuse. L’infini et l’éternité au service de l’espace et de la durée. Une aide précieuse et indispensable pour réaliser notre parcours.

À remarquer ceci : une fois que cette « volonté » nous a agrippés, non seulement ne nous lâche-t-elle pas, mais elle croît et s’amplifie. Elle s’insère minutieusement et méthodiquement à l’intérieur de notre être et cherche une voie d’expression, un canal d’écoulement. Cette volonté est implacable. Lorsqu’elle nous empoigne, plus rien ne lui résiste et il vaut mieux s’aligner avec elle et nous abandonner. Chose curieuse, elle nous mène à coup sûr vers un épanouissement, une totalité, une éthique exemplaire, une liberté sans égale…

Je sais que ce deuxième œil de l’âme, celui tourné vers l’éternité, n’aura jamais la cote et sera bafoué non seulement par la raison, mais aussi par toutes « les religions du pouvoir ». Le combat de l’homme libre se déroule à l’intérieur de ce champ. Je sais la tâche difficile mais elle ne sera jamais vaine.

2 juillet 2009

Gaspésie 3

À la Saint-Jean, il y a deux ans, j'étais à Paris. Avec ma conjointe et mon fiston, je marchais tranquillement près de sa cathédrale, en matinée. Le son de ses grandes orgues parvint à nos oreilles, car les portes de la façade étaient entrouvertes. Nous entrâmes.

Une messe était en cours. Il y avait foule et l'orgue rugissait de plus belle. L'évêque de Paris venait de terminer son homélie en mentionnant que la Saint-Jean était, entre autres, la fête des québécois.

Je me souviens avoir été avalé tout rond par le faste, la majesté du cérémonial, et cet orgue gigantesque qui crachait son feu comme un dragon. C'était étourdissant ! Mais nul espace pour la poésie, la légèreté, la spiritualité. Coincé contre un mur de gravité et de sévérité. On ne badine pas avec le sacré, je me dis.

Ma Saint-Jean de Percé en 2009 relève plutôt de la grâce de la lumière.

Lumière ocre resplendissant au crépuscule sur son rocher-cathédrale qui tranche la mer comme un géant indompté.

Lumière de cet enfant tout juste en âge de marcher, swingnant la Madelon sur la musique d'un ensemble traditionnel.

Lumière et chaleur de ce feu sur la grève autour duquel un chanteur nous éblouit de ces airs et paroles de jadis que nul connaissait.

Lumière de cette fillette avec sa jupe de bohémienne virvoltant au rythme des chansons et du crépitement des flammes.

Lumière de jeunes couples s'enlaçant et lumière dans les yeux de personnes âgées assises "confortablement" sur des troncs d'arbres couchés par terre.

Un espace infini de lumière !

Un moment unique.

Me vient encore à l'esprit cette pensée de Camus, jamais oubliée :"Je ne pourrais croire en un Dieu qui ne saurait danser !"


1 juillet 2009

Gaspésie 2



Le temps en Gaspésie n'est pas le même qu'en ville. C'est le temps de la mer, ses marées, ses vagues. Le mouvement perpétuel. C'est aussi le temps de la pierre et de son silence, le temps de l'immuable et de la durée qui nous échappe.

"Comment traduire en mots le son des vagues se brisant sur le rivage? Comment décrire cette déferlante qui enveloppe chaque pierre pour lui soutirer une parcelle infime de son être?"

Le temps en Gaspésie appartient aux grands oiseaux, aux goélands, cormorans, mouettes, guillemots et fous de bassan. Au petit matin, je les vois tournoyer et disparaître dans le brouillard qui s'effiloche au-dessus de la mer.

"Comment signifier son étonnement devant le vol erratique des oiseaux louvoyant près de la falaise?"

Il n'y a pas de mots assez précis et assez forts pour décrire le temps de la Gaspésie.

Cependant :"Le temps qui ne nous presse pas est un temps qui nous appartient entièrement" Serge Bouchard, L'Homme descend de l'ourse.